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Af447

Publié le 29 juillet 2011 par Toulouseweb
AF447

L’enquęte progresse, prudemment mais sűrement

Chaque mot est important, les nuances le sont tout autant, les responsabilités engagées considérables. Dčs lors, si les équipes du Bureau d’enquętes et analyses pour la sécurité de l’aviation civile travaillent inlassablement, par moments, elles donnent l’impression d’avancer trop lentement vers le rapport final de l’accident du vol AF447 Rio-Paris du 1er juin 2009. On finirait par en oublier que les deux enregistreurs ont été lus pour la premičre fois le 15 mai dernier, il y a deux mois et demi seulement. En gardant ce repčre ŕ l’esprit, il serait plutôt justifié de dire que l’enquęte avance ŕ grands pas.

Cela étant dit, on devine que le BEA marche sur des œufs. Son directeur, Jean-Paul Troadec, conscient du poids qui pčse sur ses épaules, affiche la plus grande prudence. Un comportement responsable qu’il partage avec Alain Bouillard, chef d’enquęte. A ce stade, les faits sont clairement établis, la séquence des événements est connue avec précision mais des interrogations demeurent. De plus, le BEA doit témoigner d’un grand savoir-faire lorsqu’il s’agit de faire état de ses étonnements et de la découverte de maillons faibles, les limites de son territoire étant définies avec sévérité. Il ne lui faut en aucun cas évoquer la notion de responsabilités, du ressort- du judiciaire.

Dčs lors, le nouveau rapport d’étape, intitulé modestement Ťpoint sur l’enquęteť, exige une lecture au second degré. Des faits importants étaient déjŕ connus, ŕ commencer par l’obstruction des sondes Pitot par des cristaux de glace, source d’informations incohérentes sur la vitesse de l’A330-200, pilote automatique des auto-manettes étant automatiquement déconnectés. Mais ce moment a aussitôt été suivi par une phase ascendante de l’avion, résultat d’une action ŕ cabrer du pilote en fonction qui n’est toujours pas expliquée.

Partant du niveau de vol 350 (35.000 pieds), le gros biréacteur s’est ainsi retrouvé ŕ 38.000 pieds, c’est-ŕ-dire trop haut, sa vitesse est tombée ŕ 60 nœuds (111 km/h), il a décroché et est sorti des limites de son enveloppe de vol. C’est lŕ que résident les questions toujours sans réponse, d’autant, fait remarquer Alain Bouillard, qu’aucun des pilotes n’a formellement identifié le décrochage. On connaît la suite tragique.

Suivent des constats qui ont tout l’air de reproches. Notamment le fait que le commandant de bord, alors que le vol se déroulait normalement, ait quitté le cockpit pour prendre du repos Ťsans consignes opérationnelles clairesť, de męme Ťqu’il n’y a pas eu de répartition explicite des tâches entre les deux copilotesť. Un peu plus tard, ils n’ont pas davantage évoqué la procédure propre ŕ une vitesse indiquée douteuse. Le BEA explique cette lacune en notant que les deux copilotes n’avaient pas bénéficié d’un entraînement adéquat, pas plus qu’au pilotage manuel ŕ haute altitude. Et d’ajouter qu’il n’existe pas (sous-entendu chez Air France) de Ťformation CRMť (Crew Resource Management) propre ŕ un équipage constitué de deux copilotes, en suppléance du commandant de bord.

Air France a déjŕ réagi : Ťrien ne permet ŕ ce stade de remettre en cause les compétences techniques de l’équipageť et tous trois ont fait preuve de conscience professionnelle . D’autant , souligne un communiqué de la compagnie, que Ťles multiples activations et arręts intempestifs et trompeurs de l’alarme de décrochage, en contradiction avec l’état de l’avion, ont fortement contribué ŕ la difficulté de l’équipage d’analyser la situationť. Lŕ, chacun est tout simplement dans son rôle.

Le BEA n’attendra pas d’en savoir davantage pour émettre de nouvelles recommandations, Ťpas des vœux pieux, mais utiles ŕ la sécurité et ayant des chances raisonnables d’ętre mises en œuvreť, souligne Jean-Paul Troadec. Il s’agit, bien sűr, de définir des critčres supplémentaires en matičre de suppléance du commandant de bord, de renforcer les compétences de pilotage manuel ŕ haute altitude, de faciliter la localisation d’avions tombés en mer, d’envisager un enregistrement vidéo de la planche de bord (Ťun sujet un peu délicatť), d’améliorer les balises de détresse, etc. S’y ajoute, notamment, le souhait ponctuel d’une amélioration de la sécurité des vols chez Air France, lequel fera certainement l’objet de commentaires en sens divers dans la mesure oů il s’agit lŕ d’une critique ŕ peine voilée. Mais on sait aussi qu’Air France a pris les devants, il y a plusieurs mois.

A sa maničre, Jean-Paul Troadec, qui dirige une équipe trčs soudée, a fait preuve d’audace. Cela au point de dénoncer de récentes dérives médiatiques, certainement mal perçues au sein du BEA. Mais, comme l’a dit et répété Martine Del Bono, qui dirige la communication du Bureau, Ťle temps des médias n’est pas celui de l’enquęteť.

Pierre Sparaco-AeroMorning


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