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Intransigeances…

Publié le 29 juillet 2011 par Bernard Girard
Sommes-nous entrés dans l'ère de l'intransigeance? A lire la presse, on a le sentiment que Benjamin Netanyahou a fait des émules un peu partout, en Belgique avec ces dirigeants flamands qui refusent toute concession et condamnent le pays à vivre depuis des mois sans gouvernement, aux Etats-Unis où les extrémistes du Tea Party interdisent tout compromis entre démocrates et républicains sur la dette…
Les spécialistes de la théorie du jeu et des conflits ont souvent décrit cette montée aux extrêmes. Certains ont même apporté à ces intransigeants leur caution théorique. Je pense à Robert Aumann, prix Nobel d'économie et inventeur du paradoxe du maitre-chanteur qui justifie le comportement des dirigeants israéliens : A et B sont dans une pièce avec une valise remplie de billets. Le propriétaire de la valise leur dit : je vous donnerai le contenu de cette valise à condition que vous vous mettiez d'accord sur son partage. B dit, c'est très simple, faisons 50/50. A répond : non, ce sera 10 pour toi et 90 pour moi. L'autre refuse. A ne cède pas. B finit par accepter : mieux vaut 10% que rien du tout. Le même Robert Aumann milite pour la politique d'intransigeance de Netanyahou et s'offusque qu'on la critique : on risque sinon, dit-il, un autre Munich. Se retirer des colonies est à ses yeux un signal négatif envoyé aux Palestiniens.
Le problème est que ces positions prennent en otage des majorités qui ne partagent absolument pas les positions extrémistes des plus intransigeants. La plupart des Belges, Flamands compris, préféreraient sans doute avoir un gouvernement, la majorité des Américains, Républicains compris, aimeraient certainement voir relever le plafond de la dette, fut-ce au prix d'une augmentation des impôts des plus riches. Et qu'elles peuvent se heurter à l'intransigeance d'un adversaire qui en a assez de reculer.
Ce qui frappe aux Etats-Unis comme en Belgique, c'est le refus de quelques uns d'accepter tout compromis et donc de jouer les règles classiques du jeu politique. Et l'on peut se poser à leur propos deux questions :
- pourquoi sont-ils si intransigeants?
- comment sont-ils arrivés à occuper des positions qui leur permettent de prendre en otage tout un pays?
La presse américaine a expliqué que les nouveaux élus américains qui refusent de voter tout compromis sur la dette ne se souciaient pas de leur réélection, que leurs principes passaient avant tout. Dans le cas des Flamands, on peut imaginer que l'absence de gouvernement fait la démonstration que la Belgique est ingouvernable et qu'il faut donc procéder à une partition. Dans d'autres cas, l'intransigeance est le fait d'une contrainte que le décideur se donne, un peu à l'image d'Ulysse se faisant attacher au mât de son bateau pour ne pas céder aux chants des sirènes.
Encore faut-il pouvoir tenir ces positions. Etre inflexible ne va pas de soi quand on est au gouvernement. Surtout dans un régime démocratique. On a beaucoup dit, ces derniers temps, qu'Angela Merkel ne voulait rien céder sur la dette grecque. Elle a fini par le faire parce que ses soutiens, en Allemagne même commençaient à s'effriter. A contrario, Hitler avait pu, en son temps, se montrer intraitable à Munich parce qu'il savait bien que le régime policier qu'il avait installé en Allemagne interdisait toute contestation intérieure : ses adversaires, français et britanniques, ne risquaient pas de trouver des alliés ou des relais en Allemagne. Ceux qui auraient pu affaiblir la position du Fürher étaient en camps de concentration.
La position des Flamands et des extrémistes républicains qui sont dans l'opposition est plus simple : ils n'ont pas à se soucier de l'opinion de leurs adversaires.
Mais comment en sont-ils venus à occuper ces positions stratégiques? Je ne sais pas s'il y a là-dessus de la littérature. Si elle existe, je ne la connais pas, mais on peut imaginer que leur intransigeance est ce qui leur a permis d'accéder à la position qu'ils occupent aujourd'hui. Le compromis, à la base de la vie politique dans les régimes démocratiques, peut facilement être confondu avec des compromissions.
Dans des situations de crise où chacun souffre, il est facile d'expliquer à ses électeurs que c'est aux autres de payer et de faire des efforts surtout lorsque l'on peut espérer attribuer à son adversaire les conséquences d'un blocage des institutions. L'intransigeance peut séduire en période de crise, lorsque l'on a déjà beaucoup donné et que l'on a le sentiment d'avoir donné plus que les autres : s'ils sont dans la difficulté, disent d'une même voix tea party, populistes allemands et extrémistes flamands, parlant des pauvres, pour les uns, des grecs pour les autres, des wallons pour les derniers, ils n'ont qu'à s'en prendre qu'à eux-mêmes. Sans doute, mais à ce petit jeu, il n'y a que des perdants.


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