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Reconstruction

Publié le 01 août 2011 par Toulouseweb
ReconstructionL’AF447 exige que soient reprises des études en profondeur.
C’est une situation inédite : le BEA ne publiera certainement pas avant l’année prochaine le rapport final sur l’accident du vol AF447 du 1er juin 2009 mais, dčs ŕ présent, il apparaît urgent de reconstruire des liens de confiance qui ont été gravement endommagés par cette catastrophe. Entre les pilotes d’Air France et leur hiérarchie, tout d’abord, entre la compagnie et Airbus, ensuite, entre experts, enfin.
Plus que jamais, les médias ont été un peu trop rapides, pointant du doigt les responsabilités de l’équipage de l’A330-200, sans les placer suffisamment bien dans leur juste contexte. Il apparaît, en effet, que les pilotes n’ont probablement pas procédé ŕ une bonne analyse de la situation inédite dans laquelle ils étaient précipités, qu‘ils ont souffert de maillons faibles dans leur formation mais aussi que des problčmes plus vastes, plus généraux, sont ainsi posés. On ose ŕ peine le dire : il s’agit de reparler, avec toute la prudence qui s’impose, d’interface homme/machine. Et pas uniquement comme ce fut le cas ŕ partir de 1984, année du lancement industriel de l’A320. La protection électronique de l’enveloppe de vol est devenue un fait avéré, tout comme les commandes électriques, et il n’est pas question, un quart de sičcle plus tard, d’en mettre en question le bien-fondé.
En revanche, l’équipage de l’AF447, a posteriori (et hélas ŕ titre posthume) nous interpelle, renforçant la nécessité de pousser plus avant des travaux encore insuffisants sur le comportement des pilotes dans des situations soudaines et potentiellement dangereuses. L’Académie de l’air et de l’espace se prépare ŕ étudier ce thčme, par ailleurs examiné il y a peu, avec une grande compétence, par l’ancien pilote d’essai Jean Pinet, fort d’une expérience d’autant plus remarquable qu’il a créé et dirigé Aéroformation, aujourd’hui appelé Airbus Training.
Dans le cadre d’un fort travail universitaire qu’il a défendu il y a quelques semaines, Jean Pinet souligne notamment l’apparent décalage entre la haute technicité rationnelle des matériels placés dans les mains des pilotes et ce qu’il appelle la multitude des recettes de tous genres ŕ appliquer pour les maîtriser. D’oů, dit-il, l’impression un peu désagréable de devoir utiliser des sciences Ťdoucesť ou Ťmollesť pour gérer un milieu de sciences exactes, Ťdans lequel on baigne depuis son éducation de baseť.
Jean Pinet rappelle que des situations imprévues, soudaines, rapides, potentiellement dangereuses, surviennent quotidiennement mais ne sont pas connues, tout simplement parce qu’elles sont maîtrisées par les pilotes. D’une part, on en arrive ŕ penser que la technologie est la panacée pour résoudre les problčmes d’origine humaine tandis que les statistiques montrent que 75% des causes d’accidents relčvent de facteurs humains. Il conviendrait, de ce fait, de chercher un début de rationalisation des comportements et Ťpermettre ŕ des ingénieurs de bureaux d’études de concevoir des systčmes [mieux] adaptés aux humains devant les utiliserť.
Involontairement ou indirectement, Jean Pinet nous remet ainsi en mémoire l’important travail universitaire de l’équipe d’Alain Gras, qui date maintenant de plus de 20 ans, intitulé ŤLe Pilote, le contrôleur et l’automateť. Cette référence implicite au passé permet de constater que pilotes et psychologues ont peu de contacts et encore moins de vocabulaire commun. Il faudrait pourtant se pencher sur l’interprétation psychologique des équations de mécanique du vol dans le pilotage. Et voir comment laisser le temps au cerveau, ŕ la fonction cognitive, d’effectuer l’ensemble de traitements nés d’une situation difficile ou dangereuse, soudaine et imprévue. Il s’agirait donc d’aller bien au-delŕ des limites du CRM, Crew Resource Management, et du LOFT, Line-Oriented Flight Training.
Ce qui n’empęcherait évidemment pas de prôner une maničre de faire basique, pragmatique. A commencer par Ťle retour au vol rectiligne et horizontal en cas de manœuvre mal contrôlée, avec coupure des systčmes automatiques si on ne comprend pas ce qu’ils fontť.
Dans les heures qui ont suivi la publication du troisičme rapport d’étape du BEA sur l’accident de l’AF447, les premiers commentaires ont été tout ŕ la fois instructifs et décevants. Ainsi, le puissant SNPL s’est exprimé en termes mesurés, son président, Jean-Louis Barder, notant que les pilotes ont été confrontés ŕ une situation inattendue et complexe, Ťune situation totalement inédite pour laquelle le constructeur n’avait jamais prévu de les former, avec peu de temps pour la diagnostiquerť. Une telle remarque conduit bel et bien ŕ reparler des relations homme-machine. Airbus, pour sa part, s’est contenté de prendre acte de la publication du nouveau rapport, ce qui est un peu court.
Dčs ŕ présent, il y a matičre ŕ échanges constructifs et il ne fait pas de doute qu’ils prennent corps rapidement. Du coup, on ne peut s’empęcher de noter qu’au męme moment, trois syndicats minoritaires de pilotes Air France poursuivent une grčve pour cause de désaccord sur les modalités de mise en place des Ťbasesť destinées ŕ permettre ŕ Air France de mieux contrer Ryanair et EasyJet. Un mouvement qui, du coup, est apparaît déplacé et mesquin, compte tenu de l’importance des enjeux qui occupent actuellement les esprits.
Pierre Sparaco - AeroMorning

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