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Bayrou dans le collimateur de Maxime Brunerie ?

Publié le 01 août 2011 par Sylvainrakotoarison

Pourquoi refuser l’engagement d’un jeune homme ? Un acte "insensé et intolérable" doit-il coller à la peau toute son existence ? Les causes perdues, le moins pire, déséquilibrés, moulin, petite enquête…


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Maxime Brunerie est un jeune homme qui a acquis une attristante célébrité à cause d’un acte qu’il a qualifié deux jours plus tard des adjectifs « insensé et intolérable ». Le 14 juillet 2002, deux mois après le second tour de l’élection présidentielle qui a placé en confrontation directe Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen, Maxime Brunerie tenta d’assassiner le Président de la République en tirant un coup de feu en plein défilé de la Fête Nationale.

À l’époque, militant d’extrême droite de 25 ans au patronyme évocateur des chemises brunes, l’auteur de l’attentat était un garçon paumé, traumatisé par le cancer qu’il avait eu quelques années auparavant, complexé dans sa solitude affective et placé dans une situation d’échec en ayant raté à son examen de BTS de comptabilité quelques semaines avant.

Condamné le 10 décembre 2004 à dix ans de détention, Maxime Brunerie a quitté la prison de Val-de-Reuil le 3 août 2009 et s’est inséré dans la vie professionnelle grâce au jeune maire (RPR en 2001) de Courcouronnes, Stéphane Beaudet, qui connaissait bien sa famille.

Aujourd’hui, Maxime Brunerie, 34 ans, refait surface dans l’actualité par une étrange lucarne.

Les faits

Maxime Brunerie a en effet annoncé sur France Inter le 28 juillet 2011 qu’après mûres réflexions, il souhaitait la victoire de François Bayrou à l’élection présidentielle de 2012 : « Marine Le Pen, c’est une souverainiste frileuse, c’est rédhibitoire. Le seul candidat qui est vraiment pour l’Europe et les Européens que j’ai trouvé, c’est François Bayrou. » tout en modérant son enthousiasme : « Il y a un côté pragmatique et réaliste qui m’a plu. (…) Je ne dis pas que c’est le meilleur, je dis que c’est le moins pire. ».

Il a donc tout naturellement payé sur Internet son adhésion au MoDem le 22 juillet 2011.

Mais pris de court par cette annonce publique, François Bayrou a immédiatement démenti l’information sur BFM-TV par deux ou trois phrases assez curieuses.

Premièrement, il réfute l’idée d’une adhésion en disant que sur Internet, c’est une demande d’adhésion qu’on peut faire : « On peut aller sur le site demander une adhésion mais cette adhésion naturellement est soumise à approbation. » ajoutant comme s’il s’agissait de la police des mœurs : « On fait une petite enquête. ». Et il a également proclamé : « Au MoDem, on n’entre pas comme dans un moulin. ».

Pourtant, la cotisation a bien été encaissée par prélèvement sur carte bancaire et Maxime Brunerie a même reçu son numéro d’adhérent (448 744).

Deuxièmement, François Bayrou, peut-être trop effrayé à l’idée qu’il puisse y avoir une collusion entre le MoDem et les idées d’extrême droite (on a laissé entendre une alliance entre Jean-Louis Borloo et le FN en 1993, j’en reparlerai probablement), a immédiatement rejeté la personnalité de Maxime Brunerie, ancien adhérent du mouvement de Bruno Mégret (MNR) en 2002, comme axe du mal : « Les déséquilibrés n’ont pas de place chez nous. » (d’autres dépêches donnent une phrase légèrement différente : « Il n’y a pas de place pour les déséquilibrés chez nous. »).

Marielle de Sarnez a également répété ce sentiment au "Journal du Dimanche" : « C’est complètement loufoque ! ».

Concrètement, pour faire les choses selon la procédure spécifiée dans les statuts du MoDem, le jeune secrétaire général du MoDem, Marc Fesneau, a confirmé au "Journal du Dimanche" la tenue d’un bureau exécutif pour statuer : « Le bureau exécutif s’est réuni au téléphone ce matin en urgence, car nous n’étions pas au courant de cette demande d’adhésion faite par Internet. Nous l’avons appris comme vous sur France Inter. Et je ne vous cache pas qu’il n’y a même pas eu de débat… Un mouvement politique accepte en son sein ceux qui partagent ses idées, et ce n’est pas le cas de ce monsieur. ».

Marc Fesneau avait déclaré peu avant à l’AFP : « Il a fait une demande d’adhésion par Internet. Mais toute adhésion passe statutairement par la validation du bureau exécutif national du MoDem. Une procédure qui peut prendre au maximum un mois. M. Brunerie sera traité comme tout le monde mais compte tenu de son parcours, il n’a pas sa place au Mouvement démocrate et donc, son adhésion est rejetée. », une déclaration qui avait probablement été faite avant la réunion téléphonique du bureau exécutif annoncée par la suite et qui montre quelques contradictions dans les procédures.

Bref, l’affaire est claire pour le MoDem, Maxime Brunerie est un affreux militant d’extrême droite qui plus est a tenté d’attenter à la vie de Jacques Chirac, et donc, il n’est pas question qu’il soit associé de près ou de loin à l’action de François Bayrou.

Mes commentaires

Cette décision un peu rapide est à mon sens très regrettable pour plusieurs raisons. Elle donne l’arrière-goût assez amer des anciens procès staliniens. Effectivement, à part cet attentat manqué, que connaissent-ils de Maxime Brunerie ? Rien ! Ils ne l’ont même pas convoqué pour discuter de ses idées, de ses motivations et de ses projets politiques.

Je peux imaginer aussi que cette phrase de Maxime Brunerie, sur France Inter : « Avec humour, je dirais que j’ai un faible pour les causes perdues. » pourrait paraître de la provocation pour déstabiliser le MoDem alors qu’elle n’est qu’une maladresse verbale.

J’ai cependant trois interrogations sur ce rejet immédiat de son adhésion.

1. Je reste toujours étonné par le fossé entre le discours unioniste du MoDem dont le but serait de rassembler un large spectre du paysage politique, de « Balladur à Delors » selon les (anciens) mots de François Bayrou et la réalité partisane qui est plutôt dans l’exclusive (les radicaux, le Nouveau centre, etc.).

Le fait de dire qu’on ne rentre pas au MoDem comme dans un moulin, qu’il y a une enquête sur les nouveaux membres etc. laisse une ambiance de club privé assez éloignée d’un parti politique à visée gouvernementale et qui pourrait se confondre, auprès d’éventuels détracteurs, à une sorte de secte avec son gourou.

Je passe aussi sur la supposée procédure statutaire : on sait bien que toute adhésion est bonne à prendre dans un parti politique (la course aux fichiers est très ancienne dans tous les partis), et qu’il n’y a jamais eu de réflexion d’un bureau exécutif pour accepter ou refuser une adhésion (surtout au MoDem où les nouvelles adhésions sont plutôt rares). La preuve, c’est que le secrétaire général admet ne pas avoir été au courant de cette adhésion. Parler de cette procédure est donc cousu de fil blanc.

2. Plus durement, le refus a priori d’accepter la demande d’adhésion de Maxime Brunerie, sans chercher à l’entendre, me laisse penser que le MoDem n’est visiblement pas dans le registre de l’amélioration des hommes. Pourtant, le MoDem se situe comme l’héritier de la démocratie-chrétienne française, celle qui croit avant tout en l’homme, en sa capacité à progresser tout au long de son existence.

Et c’est cela qui m’étonne. François Bayrou qui n’avait jamais de mots assez durs pour contester ces idées de Nicolas Sarkozy qui pensait qu’on pourrait détecter des criminels en puissance chez les enfants dès l’âge de trois ans, ou qui imaginait des dispositifs pour maintenir en prison d’anciens condamnés susceptibles de commettre de nouveaux crimes (sur quels critères ?) tombe dans le même travers de l’étiquetage définitif d’un être humain.

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Car Maxime Brunerie a été avant tout un "pauvre gars" immature, qui a d’ailleurs payé sa dette à la société puisqu’il a exécuté sa peine de prison (plus de sept ans en pratique). Dès le 16 juillet 2002, il avait écrit à Jacques Chirac pour lui demander de l’excuser, pour condamner son acte qu’il regrettait etc. Depuis sa sortie de prison, il s’est réinséré socialement et il n’a jamais quitté le droit chemin.

Bref, refuser Maxime Brunerie sur sa seule notoriété d’ancien auteur d’attentat, c’est refuser d’imaginer possible toute évolution positive de la mentalité humaine. C’est considérer a priori qu’il est impossible, définitivement, de s’amender dans la vie. C’est une bien piètre idée de la vie humaine. C’est ne plus croire en l’homme.

3. Enfin, si je prends une perspective plus religieuse, puisque François Bayrou n’a jamais caché qu’il est un catholique pratiquant, je m’étonne également qu’il fasse fi du concept du pardon. Car Jacques Chirac, la victime de l’attentat, a lui-même accepté de pardonner à son auteur, surtout quand il a compris que ce n’était pas à lui personnellement qu’il en avait mais simplement qu’il a été la cible d’un malaise psychologique de l’époque.

Au contraire de rejeter toute discussion, Jean-Paul II, lui aussi, était allé rencontrer l’auteur de son attentat du 13 mai 1981, et pourtant, contrairement à Maxime Brunerie, Ali Agca n’avait émis aucun regret. Mais le pardon est l’un des rares trésors qui permettent aux guerres de s’achever et à la paix de s’installer.

Rassembler dans l’écoute

Alors, pourquoi cette réaction de rejet face à Maxime Brunerie, à la sauvette, dans la précipitation médiatique estivale ?

Il aurait été plus pertinent d’aller rencontrer Maxime Brunerie, d’avoir une discussion franche avec lui, de connaître ses motivations, de lui exprimer cette gêne et ce doute de savoir qu’il avait commis un attentat contre Jacques Chirac et de lui permettre au moins de s’expliquer et de se défendre, voire de rassurer sur son état d’esprit actuel et de convaincre de l’intérêt de son nouvel engagement.

Le parti de François Bayrou a encore du chemin à parcourir pour réussir à rassembler l’ensemble de la communauté nationale sans ostracisme ni anathème…

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (1er août 2011)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
N’ayez pas peur de pardonner.
Jacques Chirac et Maxime Brunerie.

François Bayrou.

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http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/bayrou-dans-le-collimateur-de-98366




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