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Le " CSS Alabama" de la Confederate State of America coulé devant Cherbourg

Publié le 03 août 2011 par Jeunenormandie

par Alain Sanders pour Dixie Corner 

L’extraordinaire épopée du fleuron de la marine sudiste : le "CSS Alabama"
Aux Etats-Unis – et pas seulement dans le sud des Etats-Unis – le nom du "Confederate States Ship Alabama" est très célèbre. En France il est à peu près inconnu, si ce n’est par les happy few de l’Association CSS Alabama. Et pourtant... Et pourtant ce superbe navire, fleuron de la marine de guerre sudiste, dont l’épave a été retrouvée, a été coulé au large de Cherbourg. Dans les eaux territoriales françaises.
L’"Alabama" est commandé, à l’époque de la Guerre de Sécession, par le plus célèbre des grands marins de la Confédération : le capitaine de vaisseau Raphaël Semmes. Un homme qui fait du bilan : en 22 mois, à travers l’Atlantique, le golfe du Mexique, la mer des Antilles, l’Océan Indien et même la mer de Chine, l’Alabama a capturé ou coulé 165 navires yankees dont le célèbre USS Hatteras.
Dans la brochure L’étude archéologique de l’épave du CSS Alabama, on indique : "Construit dans les chantiers Laird de Birkenhead, ville séparée de Liverpool par le fleuve Mersey, l’Alabama est doté d’un système de propulsion voile/vapeur remarquablement réussi. Rapide, très marin, répondant avec une sorte d’allégresse à ce que son commandant, fin manœuvrier, exige de lui, le bâtiment est parfaitement adapté à sa mission."
Sa mission ? Forcer le blocus nordiste des ports du Sud (blocus quasiment infranchissable en 1862-1863) et tenter de casser le commerce maritime yankee.
Alors qu’il est occupé à marauder dans la mer de Chine, du côté de Poulo-Condore, l’Alabama doit remonter vers les arsenaux du Cap pour y subir de sérieuses réparations. Pourquoi Le Cap ? Parce qu’on s’y connaît en bateau et que le capitaine Semmes y avait été reçu en héros à l’aller.
Ce que le capitaine Semmes ignore, c’est que les Yankees ont obtenu, entretemps, que la Grande-Bretagne observe de façon plus stricte qu’elle ne le faisait jusque-là, sa position de pays neutre.
Arrivé devant Le Cap, l’Alabama peut se réapprovisionner en vivres, en eau, en charbon, mais se voit interdire tout accès aux arsenaux. Semmes décide alors de mettre cap sur Cherbourg. Malgré les conditions dégradées du bateau et les bâtiments de l’US Navy qui grouillent dans les parages, l’Alabama est à Cherbourg le 11 juin 1864.
Malgré leur embarras, les autorités françaises acceptent que le navire sudiste soit réparé – au moins pour le plus urgent – à Cherbourg. La nouvelle en parvient aux Yankees sui dépêchent alors, devant Cherbourg, la corvette Kearsarge commandée par le capitaine de vaisseau Winslow.
Semmes et Winslow se connaissent bien. Tous deux originaires du Sud, ils ont choisi des chemins différents lorsque la guerre éclate : démissionnaire de l’US Navy, Semmes choisit de se mettre au service des Etats confédérés ; Winslow choisit les Nordistes.
Le capitaine Semmes n’hésite pas un seul instant. Attendre plus longtemps à Cherbourg, c’est courir le risque que soient rameutés d’autres navires yankees et rester bloqué là jusqu’à la fin de la guerre : li faut donc tenter de s’échapper. En combattant.
La date du combat est fixé : le 19 juin, à dix heures du matin. Des milliers de spectateurs, arrivés de Paris par trains entiers, prendront place sur les hauteurs autour de Cherbourg pour assister à la bataille.
Le 19 juin 1864, escorté par la frégate cuirassée française La Couronne, le "CSS Alabama" quitte le port. Le combat s’engage. Il durera plus d’une heure. L’Alabama, désavantagé par l’état de son doublage et par celui de sa poudre, après deux ans de mer, est bientôt touché à mort. Les larmes aux eux, le capitaine Semmes donne 1’ordre d’amener les couleurs, puis d’abandonner le navire qui sombre rapidement.
Fin de l’histoire ? Pas exactement. Victorieux en 1865, les Yankees vont demander des comptes à la Grande-Bretagne. Un certain nombre de bâtiments nordistes ont été, en effet, coulés par des navires sudistes construits en Grande-Bretagne. En violation des lois britanniques de neutralité. Alors ? Alors, d’un commun accord, on crée une cour internationale d’arbitrage. Une novation. Qui servira de précédent à la Cour internationale de La Haye.
Réuni dans une salle de l’Hôtel de Ville de Genève, ce premier tribunal d’arbitrage rend son jugement le 14 septembre 1872. Un jugement largement favorable aux Etats-Unis.
Fin de cette autre histoire ? Non. Non, car on va chercher, jusqu’en novembre 1984, à retrouver l’épave de l’Alabama. En vain.
C’est alors que le capitaine de vaisseau Bruno Duclos, commandant du chasseur de mines Circé, découvre une épave qui semble être celle de l’Alabama. Des plongeurs-démineurs descendent 1’examiner. Ils dessinent, photographient, relèvent quelques artefacts légers.
Après identification de faïences remontées et d’une petite cheminée récupérée, il n’y a quasiment plus de doute : il s’agit bien de l’épave du "raider" sudiste.
Fin de cette nouvelle histoire ?
Non. Non car il y a quatre nations historiquement liées à l’Alabama qui gît tout de même, rappelons-le, dans les eaux territoriales françaises : les USA, la Grande-Bretagne, la Suisse, la France.
Le 3 octobre 1989, la France et les Etats-Unis signeront après un an de négociations – un accord qui prévoit la création d’un comité scientifique bipartite composé de deux représentants et d’experts de chacun des deux signataires. A l’heure actuelle, ce comité n’a pas encore été effectivement constitué.
En mai et juin 1988, une première campagne d’évaluation archéologique a eu lieu. Elle récupèrera notamment la barre de l’Alabama avec, gravée sur son cercle de renfort en cuivre, une devise en français : "Aide-toi et Dieu t’aidera."
Deux autres campagnes d’évaluation suivront en octobre 1989 et en 1990. L’Association CSS Alabama-France (qui a son équivalent aux USA, la CSS Alabama Association) indique :
– Un des plus célèbres de la guerre de Sécession, ce bâtiment illustre, à travers la personnalité de Raphaël Semmes, son commandant, les vertus du peuple américain : esprit d’initiative, audace et tenacité. Dans cette optique, chaque objet retrouvé porte sa charge l’histoire et mérite une attention particulière. Cependant, d’un point de vue plus général, l’étude détaillée de l’Alabama représente à plus d’un titre, un grand intérêt. Il s’agit d’un navire à propulsion mixte, voile et vapeur, propulsé par hélice. A ce titre, il est représentatif d’un moment-clef de l’évolution de la propulsion des navires. Il partage, certes, avec d’autres bâtiments cette caractéristique, mais est sans doute l’un de ceux où le difficile compromis entre vitesse et économie a été le mieux réussi, lui permettant de couvrir de très vastes zones de patrouille sans ravitaillement tout en ayant une vitesse suffisante pour échapper à ses poursuivants.
Tout cela est passionnant, bien sûr. Mais plus passionnante, encore, la plongée dans le mythe. Et les questions que l’on se pose :
- Quels dommages a causé l’artillerie du Kearsarge à l’Alabama ?
- Quelle est la cause exacte de la défaite du " raider " sudiste ?
- Quelle est la nature des équipements fabriqués alors en Angleterre et destinés à l’armement de ce type de bateau ?
- Quel mobilier archéologique peut être arraché à l’épave?
- Retrouvera-t-on des souvenirs rapportés des escales de l’Alabama et le butin pris aux mercantis yankees ?
Des dizaines d’ouvrages et une énorme iconographie – avec mention toute spéciale au graveur cherbourgeois, Marc Ollivier, auteur d’une série de burins relatant la fin de l’Alabama – ont été consacrés à cette extraordinaire épopée. Preuve supplémentaire, s’il en était besoin, que the South will ride again ! 


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