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L’honneur d’un procureur

Publié le 03 août 2011 par Hmoreigne

Philippe Muller, procureur de la République de Dunkerque, a  annoncé vendredi 29 juillet, après un entretien avec le garde des sceaux, qu’il annulait ses directives de report de certaines incarcérations en raison de la surpopulation carcérale. "En lui demandant de faire machine arrière, le garde des sceaux l’oblige à se comporter en fonctionnaire qui obéit à sa hiérarchie, et non en magistrat garant des droits et libertés individuelles" estime Boris Targe, secrétaire adjoint du Syndicat national des directeurs de prison dans La Croix

Dans une note du 25 juillet aux services enquêteurs de son ressort M. Muller, "en raison du surencombrement de la maison d'arrêt de Dunkerque et des autres établissements pénitentiaires" du secteur demandait la suspension "de l'exécution des écrous" jusqu'au 5 septembre, sauf pour les infractions les plus graves.

Ce faisant le procureur de Dunkerque avait pris, le fait est suffisamment rare pour être souligné, ses responsabilités dans un cadre où sa marge de manœuvre est réduite.

"Face à une situation de surpopulation carcérale, un procureur a le choix entre deux solutions. Soit il travaille en amont de la chaîne pénale et il limite le nombre de mises à l’écrou, par exemple en développant les alternatives à l’incarcération, comme les travaux d’intérêt général ou les sursis avec mise à l’épreuve. Soit il travaille en aval de la chaîne pénale en libérant plus rapidement les détenus grâce à des aménagements de peine, comme la liberté conditionnelle, la semi-liberté, le placement sous bracelet électronique ou le placement extérieur" explique Boris Targe dans les colonnes de La Croix.

La situation de la justice française n'est pas brillante. Une surpopulation carcérale dramatique avec des conditions de détention indigne d'une démocratie moderne qui nuisent gravement à l'efficacité sociale de la peine et en plus, 230 000 peines non exécutées.

On comprend mieux dans ces conditions, les choix cornéliens auxquels se heurtent les acteurs de la chaîne judiciaire. Réfutant tout activisme ou militantisme Philippe Muller a simplement fait son travail. "Il y a un procureur à Dunkerque" salue son confrère et blogueur émérite Philippe Bilger.

Une divine surprise pour l’Observatoire international des prisons (OIP) qui s'empressait le jour même de publier un communiqué appelant "tous les parquets à suivre l’exemple de Dunkerque".

Selon l’OIP, 80% des maisons d’arrêts seraient actuellement en situation de surpopulation. Une situation confirmée par Mathieu Bonduelle. "Le 1er juin, il n’y a jamais eu autant de détenus dans les prisons françaises" écrit dans une tribune publiée dans Le Monde le secrétaire général du syndicat de la Magistrature, rappellant au passage les dernières condamnations de l'Etat du fait des conditions de vie des détenus dans les prisons françaises.

"Le crime" de Philippe Muller est de constituer un appel public au pouvoir politique à prendre ses responsabilités face à une situation qui continue de se dégrader. Une tache sur les dorures de la Chancellerie qui a demandé au procureur frondeur d'annuler ses directives.

"J'ai reçu une instruction écrite du procureur général de Douai me demandant de rapporter mes instructions. Je les ai donc rapportées avec effet immédiat"  a déclaré M. Muller, contraint de rentrer dans le rang.

Dans cet été maussade la décision surprise du procureur de Dunkerque qui faisait suite à la visite de la maison d'arrêt de Dunkerque (cent cinquante détenus pour cent places) aura constitué l'un des rares rayons de soleil. Tout autant que la démission de Xavier Emmanuelli de la présidence de la structure d'aide d'urgence aux personnes sans abri que finance l'Etat.

Le fondateur du Samu social de Paris entend par son geste tirer le signal d'alarme sur la situation d'un Samu social qui ne répond plus en raison des coupes budgétaires dont il est victime. "Je me suis battu toute ma vie, je ne veux pas couvrir ça" indique l'ancien secrétaire d'Etat à l'Action humanitaire d'urgence.

"Ne pas couvrir ça".  A l'aube d'une cure d'austérité qui s'annonce radicale sitôt passées les élections présidentielles, ces coups de gueules sont des mises en garde salutaires contre ceux qui seraient tentés de faire des économies sur le dos des plus faibles et des sans voix.

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