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Une solution en Libye, mais avec Kadhafi

Publié le 20 juillet 2011 par Jcharmelot

Les contours d’une solution politique en Libye sont en train de prendre forme, et cette stratégie de sortie de crise prévoit que Mouammar Kadhafi reste dans son pays, mais sans fonction officielle. Pour le maître de Tripoli que les avions de l’Otan ont tenté d’éliminer depuis cinq mois, ce serait une belle victoire.

Le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé a indiqué le 20 juillet que le dirigeant libyen pourrait rester dans son pays, à condition qu’il n’y joue plus aucun rôle. Juppé a évité de commenter sur l’apparente contradiction de cette hypothèse avec la volonté affichée encore récemment par la communauté internationale de le voir traduit en justice. Les propos du ministre des Affaires Etrangères semblent également contredire ceux de son collègue de la Défense, Gérard Longuet, qui avait annoncé quelques jours plus tôt que les jours de Kadhafi étaient comptés. Mais Paris, et l’Europe, ne sont plus à une cacophonie près sur l’affaire libyenne. 

La prise de position de Paris en faveur d’un maintien au moins physique du colonel libyen dans son fief de Tripoli, intervient aprés que les Etats-Unis eurent admis des entretiens entre de hauts diplomates américains et des émissaires de Kadhafi. Dans le même temps, pour garder l’équilibre, Washington a reconnu l’organe de direction de la rébellion comme le gouvernement de fait de la Libye. Clairement, pour la Maison Blanche, entrée en campagne électorale, le statu quo ne pouvait plus durer, et il faut en finir avec un conflit qui conduit tout droit à la « somalisation » de la Libye.

Ces démonstrations de réalisme politique sont le reflet des difficultés à conclure militairement une crise qui se prolonge. Les bombardements de l’Otan ont bien sûr réduit le potentiel de Kadhafi, mais ils ont aussi démontré les faiblesses de l’Alliance atlantique lorsqu’elle est privée de son pilier central: la puissance militaire américaine. Paris et Londres se sont montré incapables de déployer les moyens nécessaires pour en finir avec le colonel libyen, et les Etats-Unis ne veulent pas s’engager dans une nouvelle guerre, alors qu’il se retirent d’Afghanistan et d’Irak. 

Le 22 juin, le président Barack Obama a clos le dernier cycle interventionniste des Etats-Unis, et assuré qu’il fallait dorénavant concentrer les moyens du pays à reconstruire la « nation américaine ». Un message clair aux alliés européens qu’ils allaient devoir régler seuls leurs problèmes de voisinage méditerranéens. Auparavant, Robert Gates, en faisant ses adieux au Pentagone, avait également souligné qu’il ne fallait plus compter sur les Etats-Unis pour qu’ils prennent en charge le poids de l’Otan, sans que les autres partenaires de l’Alliance ne fassent de grands efforts pour la soutenir.

Dans ce contexte de repli global de l’Amérique, la guerre en Libye ne peut donc se poursuivre. Elle démontre les limites de l’action aérienne pour changer les dynamiques sur le terrain, surtout lorsque ces moyens aériens sont limités. Et l’incapacité des rebelles à se débarrasser, sans l’appui d’un contingent étranger, du colonel Kadhafi rend totalement illusoire son élimination à court terme.

M. Juppé s’est donc finalement rendu à l’évidence, et il faudra que les rebelles du Conseil National de Transition et ceux des montagnes berbères de Nafoussa, le fassent aussi. Le maintien de Kadhafi à Tripoli indique aussi le degré de méfiance des services de renseignement occidentaux à l’égard de la rébellion de Bengazi: certains de ses membres ont eu et auraient encore des liens avec la mouvance d’Al Qaïda. Et cette présence de combattants islamistes en Libye renforce la menace de voir toute la région sahélienne se tranformer en un hâvre pour les terroristes.

Financial Times


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