Sarkozy avait-il le droit de partir en vacances ? La question peut sembler provocatrice. Et pourtant.
On le voit sillonner les cotes varoises, confier son bonheur d'être là, se féliciter des kilomètres de vélo qu'il est encore capable de parcourir à son âge.
La situation internationale est loin d'être apaisée. Nicolas et Carla Sarkozy sont donc partis au Cap Nègre. Bien sûr, il peut revenir à tout instant à Paris. Il est joignable. Il se tient d'ailleurs au courant, « en permanence », évidemment.
« À l'Élysée, personne ne part ni très longtemps ni très loin. La rentrée se fera sous le signe des finances publiques » expliquait une « source gouvernementale » en début de semaine.
Crises arabes
Avant de filer en vacances, Sarkozy a demandé à son ministre d'organiser un G8 anticipé (« à très court terme ») sur la famine en Afrique. « Sinon, on nous le reprocherait » a-t-il déclaré lors du dernier conseil. D'après le Canard Enchaîné du 3 août, il suggéra à son ministre de « se rendre sur place » sans attendre.
Sur le terrain militaire et diplomatique, la crise syrienne a aussi pris une nouvelle ampleur ces derniers jours. De plus en plus isolé sur le terrain diplomatique, Bachar el-Assad continue sa répression. Mercredi, ses forces blindées ont tué 45 personnes à Hama. In extrémis, mardi, le conseil de sécurité a voté une résolution condamnant les violences.
On se souvient comment Nicolas Sarkozy était personnellement intervenu, en mars dernier, pour mettre la pression sur le Conseil de Sécurité de l'ONU avant le vote de la résolution 1973. Contre la Syrie, rien de tout cela. Sarkozy laisse Juppé se débrouille : « Le conseil de sécurité de l’ONU condamne sans équivoque la violence contre les civils et met en garde explicitement les autorités syriennes: c’est une étape très importante », a expliqué le ministre des affaires étrangères jeudi à France info. « Nous n’excluons pas de revenir à la charge pour obtenir un texte plus contraignant ». Mais la France ne demandera aucune intervention militaire.
Avant que notre Monarque ne prenne son avion pour le Lavandou, lundi, les autorités françaises ont dégelé 182 millions d'euros d'avoirs libyens pour financer les rebelles libyens. mais pour le reste, la situation est toujours bloquée. Les insurgés ont perdu l'un de leurs leaders, le général Younès, assassiné vendredi 29 juillet dans des circonstances troubles. Le CNT semble divisé. Le colonel Kadhafi s'agrippe à son pouvoir, soutenu par la terreur et par sa tribu. Il a gagné son premier pari, tenir jusqu'au Ramadan (qui a débuté le 1er août). L'un de ses fils alterne toujours provocations et conciliations. Saif el-Islam a annoncé le 3 août que le régime était désormais soutenu par les islamistes, contre les rebelles. Il n'en est plus à une pirouette près, puisqu'il traitait les insurgés d'islamistes il y a encore quelques semaines.
Crise européenne
Le plan de sauvetage de la Grèce, voté le 21 juillet dernier, tarde à se mettre en place. Le président de la commission José-Manuel Barroso a insisté, jeudi, pour chaque pays s'active davantage.
On nous explique quand même que Sarkozy a pris le sujet a bras le corps, qu'il est à l'initiative puisqu'il va convoquer une session parlementaire extraordinaire de 3 jours, à compter du 6 septembre. Mais le plus grave n'est pas là.
Sur le front financier, l'accalmie fut courte. Les marchés sont « tendus ». Le jeudi 4 août fut « noir », les bourses européennes perdant environ 3%. Leurs consoeurs asiatiques, vendredi matin, ouvraient à leur tour en forte baisse. Le spectre du Krach est bien là. Les effets du « sommet décisif » de l'eurogroup à Bruxelles le 21 juillet ont été complètement neutralisés. On nous avait promis, une fois de plus, que ce sommet serait le bon.
C'était évidemment faux.
Toute la semaine, les attaques ont repris contre les dettes de l'Espagne, du Portugal, de Chypre et de l'Italie. Pour certains, les conséquences politiques ont été immédiates. En Espagne, le premier ministre Zapatero a ainsi provoqué des élections législatives anticipées, tout en précisant qu'il ne se représenterait pas. En Italie, Silvio Berlusconi est en fâcheuse posture. Il a tenté de glisser un amendement reportant des échéances fiscales de son groupe Fininvest, à la faveur du plan d'austérité. Ce dernier, évalué à 48 milliards d'économies ou hausses d'impôts, risque de plombé une croissance déjà fragile, et aggraver la situation.
Le 21 juillet, Sarkozy avait été bien clair pour dire qu'une tel sauvetage d'un Etat-membre de la zone euro (avec abandon de créances et prêts) était réservé à la Grèce : « ce que nous ferons pour la Grèce, nous ne le ferons pour aucun autre pays ».
Ce sera sans doute évidemment faux.
Mercredi, Barroso plaidait officiellement pour un nouvel élargissement de l'intervention du Fond européen de Solidarité financière à d'autres pays : « Je saisis l'occasion pour inviter à une rapide réévaluation des éléments relatifs au Fonds européen de stabilité financière (FESF) et au mécanisme appelé à lui succéder, afin de s'assurer qu'ils sont proprement équipés pour gérer des risques de contagion ». Et d'ajouter : « les décisions audacieuses prises lors du sommet de la zone euro le 21 juillet n'ont pas eu les effets escomptés sur les marché.» Le président de la commission s'inquiète d'une « évolution des marchés des obligations souveraines de l'Italie et de l'Espagne » que « les paramètres économiques et budgétaires » n'expliquent pas.
Jeudi, un conseiller élyséen fait cette ubuesque confidence au Figaro : « La capacité d'écoute des Français aux programmes et aux promesses est très faible, analyse un conseiller de l'Élysée. 2012 se jouera avant tout sur la crédibilité.»
Quel président crédible partirait un mois en vacances dans un contexte pareil ?