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Pourquoi le culot du Procureur de Dunkerque ?

Publié le 05 août 2011 par Rsada @SolidShell

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La ville de Dunkerque compte depuis le 25 juillet dernier une nouvelle spécificité. Si certains retiennent de cette sous-préfecture du nord de la France son port, son beffroi, son carnaval ou ses mascottes géantes, le Garde des Sceaux Michel Mercier ne conservera sans doute que le nom et le culot de son Procureur : Philippe Muller.

Au cœur de l’été, quelques jours à peine avant d’étrenner la nouvelle formule de vacance gouvernementale (et non « des vacances » désormais interdites), le Ministre de la Justice trouve un gros pavé bien gênant au fond de son espadrille.

Voilà-ti-pas qu’un représentant du ministère public décide d’un coup d’un seul, de jeter un pavé dans la mare en donnant une forme de crédit aux allégations portées par quelques médisantes associations de défense des droits de l’Homme et autres observateurs européens ou onusiens qui jugent, sans qu’autorisation ne leur soit donnée, que les conditions de détention en France sont loin d’être exemplaires !

Culot frondeur, mouvement d’humeur ou acte délibéré de responsabilité, il est bien difficile d’interpréter le caractère précis de la note qu’avait expédié à ses services le procureur de la République de Dunkerque, Philippe Muller, en leur demandant de reporter au 5 septembre prochain les mises sous écrou des personnes condamnées à des peines courtes à l’exception des peines courtes non aménageables, des peines portant à des faits de nature sexuelle ou celles liées à des faits de violence commis en récidive.

Cette décision aussi inattendue que surprenante de la part d’un procureur de la République, était motivée par le fait que la maison d’arrêt de Dunkerque connait depuis de (trop) nombreuses années une surpopulation qui l’amène à entasser 150 détenus pour 100 places disponibles et, que de son propre aveu : « Quand vous faites coucher des gens sur des matelas, vous vous heurtez aux obligations liées au respect de la vie humaine, aux problèmes d'hygiène, au risque de violences et à des difficultés de relations avec les fonctionnaires pénitentiaires ».

Ce feu d’artifice finira comme un vieux pétard mouillé après l’ire du Garde des Sceaux exprimée par la voix du procureur général de Douai qui lui demandera de rapporter (NDRL : d’annuler) ses décisions le lendemain même.

Pourtant, quelque soient les raisons qui ont poussé le procureur de Dunkerque à agir de la sorte, ce coup d’essai ne manquera pas de faire jurisprudence au sein du cénacle des parquets qui ne cessent de dénoncer la surenchère de lois en matière pénal et une surpopulation endémique des prisons françaises. Cette surpopulation carcérale ayant pour effet de multiples condamnations de l’Etat pour les conditions de détentions jugées non conformes voire intolérables, un accroissement des tensions entre les détenus eux-mêmes et des risques non négligeables pour le personnel de l’Administration Pénitentiaire.

Comme le souligne sur son blog Philippe Bilger, Avocat général près la cour d’appel de Paris, le coup d’éclat de Philippe Muller doit être considéré comme un acte de vraie humanité et de courage, qui contraste avec le douloureux fardeau du Contrôleur Général des Prisons Jean-Marie Delarue, qui exprime tous les ans (dans des termes choisis) les mêmes dysfonctionnements dans nos prisons sans recueillir une telle publicité médiatique. Il conclu en saluant l’exemplarité du procureur de Dunkerque qui bien que juste, remarquable et humain dans ses pratiques professionnelles, ne sera sans doute jamais appelé à officier dans d’autres fonctions où il aurait pu justifier de cette même compétence.

Monsieur Muller, souhaitons au parquet de Dunkerque de jouir encore longtemps de votre rigueur. La cité du Nord compte bien des géants au titre de ses emblèmes, et ce n’est pas lui faire injure que de vous comparer à l’un d’entres-eux, le dénommé Snustre « le fouineur » de Grande-Synthe, qui à la particularité de mettre son nez partout où la misère se trouve !

A la manière d’Hanif Kureishi « Dans le domaine de la sagesse, tout progrès exige une bonne dose de culot ».


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