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(Téléphagie) Petit état des lieux d'une passion sériephile ordinaire en 2011

Publié le 06 août 2011 par Myteleisrich @myteleisrich

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Il y a quelques années, un de mes profs m'avait dit, "peu importe le domaine dans lequel vous vous spécialiserez ; un spécialiste, ce n'est pas tant quelqu'un qui maîtrise sur les bouts des doigts un sujet, que quelqu'un qui a avant tout conscience de ses limites et de l'étendue de son ignorance". Il n'avait pas tort ; mais surtout, cette vérité peut facilement s'appliquer à la sériephilie. Il y a quelques semaines, Fabien expliquait dans un article intéressant, l'impossibilité qu'il y a aujourd'hui d'être "well-read", c'est-à-dire d'avoir vu tout ce qu'il fallait avoir vu au cours de la saison.

Il y a autant de façons différentes et tout aussi légitimes de vivre sa passion pour les séries, qu'il existe de sériephiles. C'est quelque chose de personnel, où il n'y a aucune "vérité". A une époque de sur-consommation, comment arbitrer ? Les critères sont multiples, leur prise en compte varie suivant les personnes : certains regardent les noms des créateurs, des acteur, des chaînes de diffusion, d'autres lisent les synopsis, ou bien testent tous les pilotes qui leur tombent sous la main. Chacun s'organise en fonction de son temps libre, de ses affinités et de ses préconceptions du petit écran. L'important, ce n'est pas tant d'essayer de dépasser ses préjugés que d'en avoir conscience : il faut savoir faire preuve d'humilité. L'essentiel est d'aimer ce qu'on regarde et de prendre du plaisir, peu importe la reconnaissance populaire et/ou critique de ce qu'on apprécie et autre "qu'en dira-t-on". C'est d'ailleurs ce que j'aime le plus sur ce blog : une ligne éditoriale dégagée de toute contrainte, et de considérations de statistiques et/ou d'image.

La saison 2010-2011 a été pour moi une saison de changement, mais aussi très satisfaisante à bien des niveaux. A l'heure du bilan estival, aujourd'hui, je me suis posée la question de l'état actuel de ma sériephilie. Quelles sont les affinités et les préjugés qui s'expriment ? Comment est-ce que j'arbitre et vis ma passion ? Pour essayer d'y voir plus clair, j'ai structuré mon article par continent : l'Europe, l'Amérique du Nord, l'Océanie, l'Asie... pour terminer sur une question : et la France ?

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Forbrydelsen (DR1)


1) L'Europe : la révolution révélation venue du Nord

Je ne vais pas déclamer à nouveau tout mon amour pour la télévision anglaise, dont la reconnaissance est un acquis ancien. Mon intérêt pour ces fictions ne se dément pas et le retour que j'attends le plus dans les mois qui viennent est sans conteste la saison 2 de Downton Abbey.

Cependant, 2011 aura bel et bien été l'année d'une révolution européenne : la découverte du petit écran non anglophone, et plus précisément, la révélation venu du froid des pays nordiques. C'est le Danemark qui aura été le pays marquant de cette première moitié d'année : la saison 1 Forbrydelsen m'aura captivé ; et, surtout, actuellement, je savoure dévore la saison 1 de Borgen avec un enthousiasme et une jubilation rares. Dans cette continuité, j'ai envie d'aller plus loin explorer la télévision suédoise et norvégienne. Mais, dernière surprise en date, cette semaine, c'est l'Islande qui se sera démarquée avec Pressa. Comme un pied de nez à bien des idées reçues : non, des moyens moindres ne sont pas des obstacles insurmontables à la créativité et à la qualité, et la non-anglophonie ne rend pas impossible la découverte. Il y aura forcément moins de productions (en nombre) que dans des pays plus importants ; mais toutes ces séries prouvent bien qu'un petit écran de qualité peut grandir en Europe.

A côté, j'ai cependant conscience de l'existence d'une autre Europe, inexplorée, à commencer par nos autres voisins immédiats : Italie, Espagne, Allemagne. De ce que je vois et lis de l'Italie (l'italien étant la seule autre langue dans laquelle j'ai quelques compétences), j'ai un peu le sentiment que le pays en est au même point que la France. Pour sa télévision publique, par exemple, la série bio-pic Corleone, diffusée sur la Rai, sortie en France en DVD en mai, présentait certaines insuffisances assez caractéristiques. Il y a un dynamisme de la part des chaînes payantes, en l'occurence Sky (Romanzo Criminale), mais est-ce que ça va au-delà, vu de l'extérieur, je n'en ai pas l'impression. Pour l'Espagne et l'Allemagne, c'est différent, pas seulement pour la barrière linguistique. A la différence de l'Italie, je n'ai pas de familiarité culturelle avec ces pays et j'avoue ma complète méconnaissance de leurs produtions (films, livres, musiques). L'Espagne a une tradition de séries historiques d'action qui ne serait sans doute pas étrangère à mes goûts. Pour l'Allemagne, je n'ai aucune certitude face aux rares fictions que j'ai pu voir et qui sont celles qui sont arrivées jusqu'à nous. Le problème reste donc entier pour ces pays.

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Treme (HBO)


2) L'Amérique du Nord : l'hégémonie du câble

La saison 2010-2011 n'aura pas été une saison américaine. Ou plutôt elle se sera inscrite dans la directe continuité de la lassitude passée. Cette année, le manque de temps libre fait que l'arbitrage a été drastique : je ne suis allée au bout d'aucune saison des séries des grands networks US. Abandonnées en rase campagne pour des raisons diverses, de qualité, de désintérêt, de longueur, ou un mélange d'un peu tout. Pourtant, j'ai aimé des nouveautés : Game of Thrones, Boardwalk Empire ; j'ai pleuré Rubicon ; j'ai applaudi Justified ; je n'ai pas encore osé finir le coeur serré Friday Night Lights ou Big Love ; je me suis gardée la saison 2 de Treme de côté. Bref des "chaînes payantes" me direz-vous. Pour être honnête, il n'y a qu'une seule chaîne américaine qui peut me faire tenter une nouveauté juste parce qu'elle la diffuse : HBO. Ce n'est pas un label de qualité systématique, mais le ratio satisfaction/déception fait que j'ai construit en une décennie une relation particulière avec cette chaîne. Tout n'est pas forcément toujours au beau fixe, mais ma confiance a été rétribuée. Et rien n'est venu perturbé cet équilibre. Outre HBO, la seconde chaîne américaine que je retiens est USA Network (Suits), pour des raisons très différentes, mais finalement complémentaires. Je suis loin de regarder tout ce que diffuse USA Network, mais j'ai mes habitudes sur cette chaîne, équivalant à l'été dans mon esprit, qui remontent à Monk et aux 4400. Désormais avec le type de divertissements qu'elle a su développer depuis Psych, j'ai naturellement envie de voir ses nouveautés. 

A côté des Etats-Unis, existe un autre pays souvent oublié avec un regard européen : le Canada. C'est en lisant l'article de Ladyteruki sur les préjugés d'une télélambda franchissant la frontière que je me suis rendue compte à quel point dans mon esprit, c'était l'extrême inverse qui se produisait. C'est probablement tout aussi critiquable, mais du fait de la multiplicité des co-productions, de la question des lieux de tournage, etc., j'ai une tendance naturelle à assimiler les deux pays, et à confondre ma façon d'aborder et d'arbitrer au sein de leur production. Je n'ai rien contre les Flashpoint, The Bridge et autre Listener, mais je pourrais leur adresser le même reproche que je fais à beaucoup de séries des grands networks américains, en terme d'identité notamment. C'est bien simple, elles ne me parlent plus actuellement. Il y a quelques années, j'avais pris le temps d'explorer le Canada, j'en suis ressortie avec un schéma, forcément caricatural, mais comme dans toute consommation culturelle il faut faire des arbitrages : The Movie Network = à tenter ; CBC/CTV = à ses risques et périls. Pour The Movie Network, c'était Slings & Arrows, ReGenesis, et Durham County à un degré moindre. A contrario, la dernière série de CBC qui m'a vraiment marqué, c'est Intelligence. Deux saisons, en 2006 et 2007, une réelle ambition narrative, des controverses sur sa noirceur ; pas parfait, mais que je conseille à tout le monde. Et, cette année, The Yard, sur HBO Canada, n'aura pas bousculé le schéma du Canada anglophone.

Par contre, j'ai aussi conscience qu'il y a un autre versant inexploré : le francophone québécois. J'ai bien envie un jour de prendre le temps de regarder Malenfant, mais pour le reste, tous les articles que j'ai pu lire sur ces séries, notamment leur sujet, n'ont pas éveillé mon intérêt jusqu'à présent. 

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This is not my life (TV1)


3) L'Océanie : une histoire de kiwi

Les productions venues d'Océanie sont bien anglophones ; mais le trajet vers ce continent est moins naturel. Les séries arrivent plus difficilement jusqu'aux chaînes françaises ; et, dans l'alternative, suivre une série australienne ou néo-zélandaise implique souvent de maîtriser suffisamment l'anglais pour ne pas avoir besoin de sous-titres. De l'autre côté de l'hémisphère, comme je le disais dans ma critique de Nothing Trivial, une certitude : j'aime la Nouvelle-Zélande. Pourquoi ? Je ne sais pas (nous voilà bien avancé). Je pense qu'il y a une question d'ambiance d'une part, et une affinité culturelle inconsciente sans doute de l'autre. Cette année, l'Australie a pourtant proposé des fictions plaisantes à suivre, plus calibrées : du legal drama (Crownies) à l'historique de luxe (Cloudstreet). Mais l'impression néo-zélandaise de proximité et de mélange d'influences l'emporte dans mon coeur. Ainsi, si je suis prête à tester toutes les nouveautés venues du pays des All Blacks ; en revanche, l'Australie me laisse indifférente et ce sera la lecture du synopsis qui sera déterminante pour me donner envie de regarder.

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Fumou Chitai (Fuji TV)


4) L'Asie : une fidélité sud-coréenne

En Asie, 2011 n'aura pas fait bouger les lignes établies. Je suis naturellement portée vers la Corée du Sud. Je pourrais prendre pour exemple la claque téléphagique qu'a été White Christmas en début d'année, ce drama est cependant tellement atypique, qu'il serait faux d'en faire le représentant de la production télévisée sud-coréenne. Au pays du Matin Calme, la dimension sentimentale et esthétique présente dans les dramas demeure l'attrait principal, mais elle est couplée avec un facteur culturel déterminant (mon inclinaison pour les séries historiques le montre bien). Si les k-dramas sont ceux qui retiennent le plus mon attention en Asie, c'est tout simplement parce que la Corée du Sud est un pays qui m'intéresse de manière globale, au-delà du seul petit écran ; et il profite d'un cycle vertueux "dramas=>culture générale=>dramas"... La plupart du temps, je suis surtout frustrée de ne pouvoir avoir suffisamment de temps à leur consacrer, tant ils s'apprécient dans la durée.

Parmi ses voisins, l'autre grand pays sériephile est bien évidemment le Japon. Mes rapports avec son petit écran sont plus compliqués. Des révélations comme Fumou Chitai ou Karei Naru Ichizoku m'ont fait prendre conscience qu'en terme de portrait industriel et économique, que ce soit de l'historique ou non (Soratobu Tayia), les dramas japonais ont un vrai savoir-faire à part pour retranscrire ce type de réalité. Ils maitrisent ici des sujets qu'on croise finalement moins dans les petits écrans des autres pays. En dehors des questions économico-industriel-sociales évoquées, pour me lancer dans une série japonaise, il me faut deux choses : un synopsis qui éveille mon intérêt et une critique positive de la part de quelqu'un qui a vu le drama. Je ne sais pas spontanément regarder une série japonaise.

Enfin, dernier territoire asiatique que j'ai pu un peu explorer, les trois Chine. D'expérience, je dirais que la tradition télévisée de Hong Kong, c'est souvent du divertissement, parfois très plaisant, mais "vite vu, vite oublié". J'ai regardé des hk-dramas, mais je n'ai jamais eu de coup de coeur, ni vu quoique ce soit qui m'a marqué. Du côté de la Chine, je n'ai jamais vu de séries contemporaines, donc j'ai une vision très partielle de la production et sans doute trop peu de recul pour émettre un jugement. Le genre historique semble très apprécié. J'aime le Wuxia, mais c'est à destination d'un public de niche (bon, j'avoue que j'ai quand même très très envie de me lancer dans Three Kingdoms !). Enfin, à Taiwan, les comédies colorées ne m'intéressent pas, en revanche les histoires sombres d'adolescence sont peut-être les seuls "high school dramas" que je peux visionner (Gloomy Salad Days). Ces pays sont des territoires que j'explore de loin ; je n'ai pas encore trouvé la motivation pour aller au-delà de cette surface.

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5) Après cette esquisse de semi-tour du monde, une dernière question se pose naturellement : Et la France ?

Ma découverte de 2011 est un rattrapage : il s'agit d'un Village Français qui m'a progressivement entièrement gagné à sa cause. J'apprécie vraiment la maturation de l'écriture au fil des saisons et la façon dont est abordé ce sujet sur la Seconde Guerre Mondiale. Mais même si elle se déroule au XXe siècle, elle reste une série historique, par conséquent, elle va naturellement me parler. J'aurais aimé écrire qu'une série contemporaine française m'a plu en 2011, mais encore une fois, au-delà de l'absence de réflexe pour allumer spontanément mon téléviseur, Les Beaux Mecs ou Xanadu ne m'auront pas entrainé plus loin que leur pilote. J'ai un peu l'impression d'avoir perdu et de ne pas retrouver l'habitude (si je l'ai jamais eue) de m'installer spontanément devant la télévision française : elle ne fait pas naître en moi de curiosité. Et je m'en veux. Le visionnage de la saison 1 de Pressa m'a cependant redonné envie de tenter Reporters. Pour le futur, les derniers développement autour de Pigalle la nuit n'incitent pas l'optimisme, sans aller jusqu'au constat sombre de Sullivan qui estimait dans son édito du mois dernier que la télévision française risquait de mourir. Quand on voit le dynamisme européen qui existe chez certains de nos voisins, je me dis qu'on a forcément les moyens d'une révolution télévisuelle comme DR au Danemark, mais peut-être pas la volonté politique de la part des dirigeants ? Je ne sais pas. Je suis tout cela de très loin, de trop loin sans doute... 

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Si elle s'est restructurée, ma sériephilie reste construite sur des tas de préjugés et de décisions arbitraires ; elle est aussi pleine de limites (pas d'Afrique, ni d'Amérique du Sud). La saison 2010-2011 a été celle des retrouvailles avec un équilibre perdu. Cette consommation demeure très liée à des motivations culturelles : mon amour démesuré, le seul qui transcende toutes les nationalités, au profit de l'historique l'illustre sans doute en partie. Le degré d'intérêt pour un pays joue aussi : je peux tenter une nouveauté anglaise, sud-coréenne ou néo-zélandaise juste en raison de sa nationalité ; ce qui ne sera jamais un argument suffisant pour me faire commencer une série américaine, canadienne, australienne ou japonaise. Ce type de raisonnement est assez nouveau. Et j'avoue observer la diminution constante de la part des séries américaines dans mes programmes avec un peu d'inquiétude (c'est la première année où je ne regarde aucune série des grands networks) ; mais je pense que ce n'est qu'une passade qui devrait se dissiper à terme. Peut-être une réaction à une overdose.


Bref, on est loin d'une sériephilie sans frontière débarrassée de tous préjugés. L'important, c'est sans doute d'en avoir conscience, et l'essentiel reste de prendre du plaisir devant ses séries, peu importe la manière dont on vit sa passion. Même si, en terme de ligne éditoriale du blog, ça veut dire vous parler de séries islandaises qui intéresseront 2,1 personnes parmi vous. Je sais que vous êtes des lecteurs indulgents et compréhensifs face aux lubies téléphagiques de la blogueuse que je suis, n'est-ce pas ?


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