Le tournant ouvriériste du FN fait oublier que l'essentiel de ses forces électorales a longtemps été à rechercher du coté des travailleurs indépendants, commerçants et artisans. Le Pen est lui-même issu du poujadisme, mouvement politique né de la révolte de cette classe sociale qui pouvait se reconnaitre dans le programme économique du FN d'il y a quelques années que Marine Le Pen a, semble-t-il, choisi d'abandonner.
Cette catégorie sociale dont le poids électoral n'est certainement pas négligeable (il y a à peu près 400 000 artisans et 350 000 commerçants en France) n'est évidemment pas homogène mais très massivement à droite et facilement portés au populisme pour toute une série de raisons.
Si rares sont ceux qui souffrent de la globalisation, beaucoup sont dans des situations économiques au moins potentiellement difficiles, même si c'est pour des raisons différentes : progrès technologique (imprimeurs, photograveurs, professionnels de la photographie...), concurrence fiscale du travail au noir, des immigrés d'Europe de l'Est, des entrepreneurs individuels qui bénéficient d'une exonération de TVA (métiers du bâtiment), développement du commerce moderne (métiers de bouche...), augmentation des prix du foncier qui les chasse des centre-ville où sont installés leurs clients (métiers de service...), difficultés de financement et de transmission de leur affaire....
Tous sont affectés par la montée de la réglementation et du contrôle sur leur activité qu'il est facile d'attribuer à Bruxelles et les rend facilement anti-europeens. Ils y sont d'autant plus sensibles qu'ils ne sont pas équipés, à l'inverse des entreprises plus importantes, des ressources pour y faire face.
Tous ont développé une idéologie de l'entrepreneur qui se fait par lui-même, qui doit tout à ses efforts. Idéologie que renforce une révolte permanente plus ou moins latente contre l'Etat qu'il leur est plus facile qu'à d'autres de voler (fraude fiscale...). Cette idéologie est en général associée à une critique des fonctionnaires considérés comme des profiteurs paresseux, des élites et des "gros". Critique en permanence nourrie dans leurs assemblées professionnelles (syndicats...) dont les congrès se gagnent toujours à droite, du coté du plus poujadiste.
Pour tous ces motifs, beaucoup se retrouvaient dans les discours démagogiques du FN ancienne manière. Se retrouvent-ils dans ceux, plus "sociaux" du FN nouvelle manière? Il est bien trop tôt pour le dire, surtout en l'absence de toute enquête, sondage sur le sujet. Mais on ne peut exclure que certains se tournent vers une droite plus classique, pour peu que celle-ci se prenne à les écouter. Ce serait pain béni pour Nicolas Sarkozy dans sa reconquête du pouvoir.
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