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Super 8 (J. J. Abrams)

Par Interstella_fr

Un groupe d’enfants tourne un film que l’un d’entre eux écrit et réalise. Alors qu’ils tournent une scène dans une gare, un train déraille et provoque une énorme catastrophe. Rescapés de justesse, les enfants découvrent que cet accident est au cœur d’un mystère que les autorités veulent garder top-secret.

Super 8 a axé sa campagne promotionnelle autour de ce mystère, lui donnant probablement plus de poids que nécessaire, d’autant que le film n’approfondit pas tant que ça les pistes qu’il esquisse. Ceux qui en attendent trop à ce niveau risquent d’être fort déçus.

En revanche, ceux qui ont grandi avec Les Goonies et E.T., et qui, dans les quelques regards des enfants et les quelques mouvements de grue que la bande-annonce laissait entrevoir, se sont sentis propulsés 25 à 30 ans en arrière, vont se régaler, car sur ces promesses-là, le film est largement plus réussi.
Le casting des enfants est formidable, avec ses têtes inconnues qu’on a pourtant l’impression d’avoir vu cent fois, et de connaître. Certes la caractérisation des personnages est simplette (le héros, le gros tyrannique, le trouillard, l’amateur d’explosions…), mais elle rappelle une certaine manière d’écrire, aujourd’hui démodée. Leurs films amateurs, leurs maquillages, leurs jeux, leurs disputes, sonnent tous très justes. Et surtout, l’élément féminin comme déclencheur amoureux, qui était quasiment absent des films auxquels Super 8 rend hommage, apporte ici une vraie touche personnelle, et avec brio. L’interprète, Elle Fanning, vue entre autres dans Somewhere de Sofia Coppola, vaut presque à elle seule la vision du film. Toute en émotion, mais avec une subtilité incroyable et une particularité qui frôle parfois l’étrangeté, sa personnalité se confond avec son personnage : une grande actrice en devenir. Sa scène avec Joel Courtney devant la projection du film en super 8 est à mon sens la plus belle du film.

Certes, Super 8 reprend des motifs spielbergiens reconnus, mais en y ajoutant son propre grain de sel, ses propres obsessions. Ainsi, la monoparentalité et l’absence du père suite à une simple (mais tragique) séparation devient ici une absence béante de la mère, qui occupe tout l’espace et laisse des plaies à vif. Cliquez si vous ne craignez pas les spoilers

L’extra-terrestre gentil qui veut retourner à sa maison est ici tout aussi innocent, mais pas si gentil, et affreusement destructeur, meurtrier, dangereux. Il est lui aussi doué de télépathie mais avec tout le monde, à son contact, là où la richesse de E.T. se déployait dans la relation de fraternité et d’osmose entre le petit garçon et l’extra-terrestre. Même dans les petits détails, J.J. Abrams essaie de transgresser, de sortir de l’hommage poli : alors que dans E.T., les protagonistes liés à l’enfance ne se déplaçaient qu’en vélo, la voiture étant réservée au monde des adultes, ici les enfants osent, volent la voiture des parents, conduisent.

Ainsi, même s’il choisit de marcher explicitement dans les sillages de ses prédécesseurs, J.J. Abrams refuse de se sentir trop écrasé à côté d’eux. En-dehors de ces petites touches personnelles instillées çà et là, son style est très présent, au-delà du travail photographique impressionnant qui donne vraiment l’impression de découvrir un film des années 80 qu’on aurait raté à sa sortie. Le réalisateur joue ainsi avec l’un de ses effets favoris, le lens flare, ces petits halos de lumières qui apparaissaient déjà partout dans Star Trek. Il s’amuse aussi, comme il le fait très souvent, de Alias à Mission : Impossible 3, à placer un MacGuffin (objet insolite et mystérieux, élément moteur, qui renferme en lui une partie voire une clé de l’intrigue) dans son récit. D’ailleurs, ici, il n’y en a pas qu’un, mais des milliers : petits cubes étranges, entre le bricolage et la haute technologie, dont l’utilité et les fonctionnalités ne seront jamais clairement établies, faisant fi de toute cohérence – là encore, J.J. est en terrain connu…  Cliquez si vous ne craignez pas les spoilers

Et enfin, il invite aussi une grosse bête, qui rappelle fortement celle de Cloverfield. Et même si ce n’est pas l’aspect le plus réussi du film, on sent son attirance pour ces affreuses catastrophes, ces situations où tout semble compromis à jamais, fini, pour en faire sortir les protagonistes encore plus purs. Ici, la mort n’est pas un élément anodin, une simple péripétie d’arrière-plan de film d’action. La mort horrifie, d’autant plus qu’elle est vue à travers des yeux d’enfants. A vrai dire, le film va très loin dans l’action, si loin qu’on est tenté de dire trop loin. Comme si cette partie du film se mariait mal avec la première. C’est très symptomatique puisque Super 8 réunit en fait deux projets différents, sur le conseil du producteur, Steven Spielberg. Mais c’est aussi très révélateur de cette envie irrépressible qu’a J.J. Abrams de toujours tout détruire au maximum, avant la fin.

Je ne sais pas comment Super 8 vieillira. Mais pour le plaisir de cette vision intemporelle et pour la confirmation du talent d’Elle Fanning, j’applaudis à douze mains.

Note : 5 out of 6 stars


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