Bien chers pioupious, amateurs de belle langue française et en particulier du passé simple à la deuxième personne du pluriel, sans doute vous étonnâtes-vous, voire même, qui sait, vous indignâtes-vous, de mon récent silence bloguesque. N’y voyez point malice de ma part, mais je me consacrais totalement à la salade de tomâtes, et je sais que vous ne m’en tiendrez point rigueur. Vous vous étonnerez peut-être de ce qu’une aussi simple recette puisse m’empêcher des semaines durant de pondre la moindre note de blog, mais il vous faut savoir que je pèle mes tomates, pour ne pas avoir à mâcher leur vilaine membrane, et ça prend du temps quand on n’a pas de quoi chauffer de l’eau : il faut longuement et langoureusement masser vos tomates avec un couteau, avant qu’elles ne consentent à se dépoiler sans s’accrocher trop à leur peau.
Mais ce n’est pas tout, hein.
J’ai aussi été exploité par un couple d’exploiteurs, à savoir mes voisins, qui ont réquisitionné mes talents pour leur filer un coup de patte à la remise en état de l’épave qu’ils acquirent l’an passé.
Oui, j’ai travaillé de mes mains, jusqu’à les antifouler complètement (ou presque). J’ai été commis d’office, en raison de mon passé de tourneur d’aligot semi-professionnel (dont je narrai au passage les arcanes à un des manœuvres du chantier, qui m’écoutait avec émerveillement), au mélangeage de peinture et de machin qui pue pendant que les propriétaires de la peinture allaient s’acheter des clopes. Ces gens-là n’ont aucune morale. La preuve la plus flagrante de leur sadisme est le t-shirt qu’ils m’ont prêté pour que j’évite de saloper mes beaux habits : un machin en taille L soulignant de manière indécente les lacunes que possèdent mes poignées d’amour en matière de discrétion.
En plus, après mon courageux touillage au bâton, j’ai dû peinturlurer des bouts de bois et de métal, ce que je fis avec tout l’art dont je suis capable, et dieu sait que la peinture au rouleau est un domaine où je peux me vanter de faire des œuvres dignes de Malevich. J’étais fier de moi, fier de savoir que mon œuvre pourrait être vue aux quatre coins du monde par tout un tas de poissons qui quitteraient le port avec dans leur petit crâne de poisson un enthousiasme dont ils ne sauraient trouver la source, mais néanmoins là. Mais non. Une heure à peine après que j’eus fini, ils passaient sur mon œuvre une couche rougeasse d’antifouling qui privera le monde aquatique des plus ravissants coups de rouleau qu’il aurait pu voir.
Vexé, je partis faire des photos pour hurler au monde l’injustice dont je suis victime :
Les enfants qui s’ébattent joyeusement dans la flotte symbolisent la fragilité et la précarité de mon art soumis à un monde qui s’en fout, symbolisé par leur environnement : la baie de Hann, une des plus polluées au monde. (essayez de ne pas penser aux sales maladies qui attendent ces gosses, c'est se faire du mal. On a tenté de leur dire de ne pas se baigner, pour garder bonne conscience et ne pas se dire qu’on faisait de la non-assistance à personne en danger, mais il fait chaud, hein. )
Ce poisson mort symbolise mon espoir d’être un jour reconnu à ma juste valeur.
Ce gros poussin sans doute estropié symbolise mon talent, dont l’envol est sévèrement compromis par la cruauté des philistins, symbolisés par les deux gros chats roux qu’on ne voit pas sur la photo mais qui se léchaient les babines.
Cette photo symbolise l’effet de mes explications sur les arcanes du tournage d’aligot sur un malheureux manœuvre du club nautique.
Et cette photo symbolise un chaton trop choupi qui joue avec des clés, lol.