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Le spectateur infidèle

Par Richard Gonzalez

Marrakech_copy

sur les toits de Marrakech, Maroc, avril 2005


C'est la douceur du vent, sa légèreté amicale et odorante, qui m'a surpris d'abord ce soir-là. Le vent d'ordinaire me pique et m'agace. Là, il était de mon côté, chien haletant son dévouement, enveloppant mes gestes, les tirant l'air de rien. Et puis le décor. Cette ville à l'envers, tout en désordre et chambardements, comme les coulisses d'un vieux théâtre trébuché, m’invitait à plonger en elle. D’ici, la scène resterait déserte, à part une femme qui se faufila brièvement entre deux antennes de télévision pour accrocher du linge. Le déclin du soleil faisait cependant monter jusqu’aux toits la clameur de la place Jemaa El-Fna et ses klaxons. Plus l’ombre s’étalait, plus le chahut enflait : ce que la lumière cédait d’espace, la rumeur s’empressait de le remplir. Il n’y eut bientôt plus qu’une foule fantomatique et grondante, marée de personnages invisibles, armadas de marchands embusqués, tohu-bohu de touristes, taxis brimbalants et autres factionnaires de la nuit. Je resterais là jusqu’à l’heure où les étoiles tatouent le front, fasciné par ces chants d’outre-rue, oubliant même le dernier souffle du vent éventré par la pointe des minarets.


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