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Gauche : laver son linge sale en famille

Publié le 13 août 2011 par Variae

" "L'attrape-nigaud" des primaires socialistes ". Ce titre pour le moins violent n'est pas celui d'un billet pioché sur un blog de militant UMP. C'est celui d'une tribune publiée sur le site Atlantico - pas de surprise majeure jusque là - par un cadre ... du MRC, le parti (jusqu'à preuve du contraire, de gauche) de Jean-Pierre Chevènement. La suite du chapeau ne fait pas plus dans la dentelle : " Après le fiasco de l'élection du Premier secrétaire en 2008, le Parti socialiste s'apprête à organiser ses primaires. [...] beaucoup, y compris à gauche, s'interrogent sur le fonctionnement de l'élection. Décryptage avec Olivier Amiel, délégué national du MRC ". En guise de " décryptage ", c'est à un passage à tabac en règle que se livre le " conseiller municipal de Perpignan " : un PS " sectaire sur son projet ", incapable " d'éviter une avalanche de suspicions de fraude ", absence " navrante " de " débat de fond ", " mascarade ", " manœuvre inique ", faisant des sympathisants de gauche des " idiots utiles " ou des " nigauds " ... Visiblement, une menace pire que celle de Sarkozy pèse sur la France et le " peuple de gauche " : celle de l'infâme Parti socialiste et de ses primaires !

Gauche : laver son linge sale en famille

C'est peu dire que ce billet a retenu mon attention. Pas par son contenu, étonnamment faible pour un " décryptage ", mais par le rapport entre la violence de sa forme, et le lieu de sa publication. Publier sur Atlantico, ce n'est pas rien. Publier un papier critique sur la gauche sur ce même site, c'est encore moins anecdotique. Lancé avec un certain flou artistique entretenu sur son identité (De droite ? Simplement " libéral " ? Lié ou non à l'UMP ?), le jeune pure player n'a pas mis longtemps à tomber le masque sur son orientation politique effective. Ses rédacteurs pouvaient bien se défendre des attaques - parfois excessives - dirigées contre eux, un simple examen de ses articles sur la gauche et le PS, comme j'en avais fait la démonstration il y a quelques mois, permettait de comprendre qu'Atlantico était bien la réponse de droite aux sites d'information de gauche, rivalisant d'agressivité avec eux pour cogner le camp opposé. Grand bien lui fasse. Mais une fois que cette orientation est établie, la question de la participation d'hommes et de femmes de gauche à cette publication est posée. D'autant plus que - je l'avais là encore relevé - l'utilisation de plumes de gauche, souvent un peu marginales, pour attaquer leur famille, est un procédé régulièrement utilisé par Atlantico, pour se camoufler derrière elles, maintenir l'illusion du pluralisme, et semer la zizanie.

Les articles consacrés au PS depuis juillet ? " DSK "très tactile" et Hollande en pleine crise ", " Primaires PS : mais à quoi sert Arnaud Montebourg ? ", " Primaire PS : les débats, du catch plutôt que de la boxe ", " Primaire : le PS abandonne les valeurs de gauche ", " Primaire PS : Christian Pierret dénonce une "rupture d'égalité de traitement entre les candidats" ", " Primaires socialistes : le piège... ", " Parti socialiste : petites primaires entre "amis" ", " Quand le PS passera-t-il la 5ème ? ", " Le PS ballotté entre secret du vote et fichage des électeurs ", " Le PS fait des propositions de loi très politiques. Sont-elles utiles ? " ... Sans commentaire. La gauche en général n'est pas mieux traitée : " Les jeunes à gauche ? Un cliché qui a vécu ", " Oslo ne doit pas faire oublier le terrorisme inspiré par la gauche radicale " [sic], " Le Festival d'Avignon est-il de gauche ? ", " "Gaulliste de gauche est une expression qui n'a plus de sens" ", " La gauche a-t-elle un problème avec les riches ? ". Et cetera.

Soyons précis. Il ne doit pas y avoir de tabou au sein d'une famille politique, même élargie, et je crois que j'en ai largement fait la preuve sur Variae, blog tout sauf tendre avec le Parti socialiste et ses personnalités, parti dont je suis pourtant adhérent et militant. Il n'y a rien de pire que le refus de toute critique au nom de l'unité ou du risque du déballage en public - dans l'absolu. Mais il y a, ensuite, la façon de le faire. Se concentrer sur les idées, en laissant de côté les attaques ad hominem et le dénigrement à l'emporte-pièce. Comprendre qu'il y a un temps pour tout, et que le tir à vue (ou la technique de la terre brûlée) à quelques mois d'une présidentielle n'est sans doute pas la chose la plus avisée du monde. Enfin, savoir avec qui on lave le linge sale. La tribune d'Olivier Amiel aurait-elle été publiée, par exemple, sur Marianne, qu'elle n'aurait pas eu le même sens. Sur Atlantico - avec un chapeau et un titre riches du savoir-faire local, comme il se doit - elle devient une sorte de caution pour un site qui n'aura jamais de complexes dès lors qu'il s'agira d'attaquer la gauche, sans s'encombrer de critères qualitatifs ni faire de différence entre ses composantes (le MRC serait-il plus puissant dans le pays qu'il en ferait également les frais).

N'est-il pas éminemment paradoxal de critiquer le PS pour son supposé manque d'idées, tout en ne cherchant à exister que par le dénigrement de ce dernier ? A chacun de répondre à cette question en son âme et conscience. Pour le reste, l'attitude d'un militant de gauche conséquent et cohérent devrait être simple : refuser de participer à Atlantico (ou à d'autres médias comparables), tant que sa ligne éditoriale n'aura pas été infléchie dans le sens d'une plus grande honnêteté intellectuelle, et se limitera au dézinguage méthodique de l'opposition.

Romain Pigenel


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