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USA : Où va la Fed?

Publié le 14 août 2011 par Copeau @Contrepoints

La Fed promet de maintenir sa politique et de ne plus relever ses taux jusqu’à la mi-2013. Comment interpréter ce fait sans précédent?

Par Gerald O’ Driscoll, depuis les États-Unis
Article publié en collaboration avec UnMondeLibre

USA : Où va la Fed?
Aux USA la réunion le 9 août du Federal Open Market Committee, qui élabore les politiques de la Fed, était largement pressentie comme un non-événement. Et pourtant.

Au lieu de cela, la Fed a publié un communiqué, dans la foulée de la réunion, qui a pris même ses plus fins observateurs au dépourvu, et qui est révélateur de l’état de turbulences dans lequel se trouvent l’économie américaine et les marchés financiers.

La Fed a maintenu le taux des « fonds fédéraux » au même niveau de 0 à 0,25%. Cela en soi n’est pas un choc. La Fed a surpris les marchés, cependant, en précisant pour combien de temps elle maintiendrait des taux d’intérêt à ce bas niveau : jusqu’à la mi-2013. Que la Fed annonce si précisément pour combien de temps elle maintiendra une politique donnée, est sans précédent.

La réunion du comité doit avoir été envahie par un brouhaha, parce que 3 des 10 membres votants ont contesté. Ces dernières années, les contestations ont été peu fréquentes et généralement le fait d’une seule voix. (Le président sortant de la Fed de Kansas City, Thomas Hoenig a contesté à chaque réunion pendant un an.) Les contestataires étaient les présidents des Fed de Dallas, de Minneapolis et de Philadelphie. Goldman Sachs a rapporté que la dernière fois qu’il y avait 3 contestataires c’était en1992.

Qu’est-ce que cela signifie ?

Promettre de ne pas relever ses taux jusqu’à la mi-2013 signifie que la Fed n’aura pas besoin d’opérer un changement de politique au cours d’une année d’élection présidentielle. Cela pourrait être interprété comme une tentative d’être apolitique, c’est à dire, de ne pas être un sujet de débat de la campagne. Mais cela pourrait également être interprété comme un mouvement ouvertement politique d’aide à la réélection du président Obama. Les années passées, la Fed gardait une certaine indépendance à l’égard de la politique et avait été éloignée de tout soupçon de partialité. Mais le président actuel de la Fed, Ben Bernanke, a politisé la Fed et a jeté le soupçon sur ses motivations.

Promettre de maintenir les taux d’intérêt bas pendant deux ans lie les mains du Federal Open Market Committee. Pourtant, bien des choses peuvent se produire en deux ans, et le comité pourrait regretter cette décision.

La décision du Federal Open Market Committee indique aussi que la Fed a jeté l’éponge vis-à-vis de la reprise. Ses prévisions économiques ont été systématiquement trop optimistes. Elle avait expliqué la faiblesse de la croissance économique dans la première moitié de 2011 par les facteurs spéciaux comme les perturbations de la production industrielle causées par des événements au Japon. Elle avait prédit une croissance plus forte dès que ces facteurs transitoires auraient disparu. Maintenant elle admet effectivement un problème structurel de l’économie. Elle a tardé à réaliser cela, comme de nombreux prévisionnistes, et maintenant les marchés financiers, l’ont signalé.

Compte tenu de son point de vue plus pessimiste de l’avenir économique, on pourrait se demander pourquoi le Federal Open Market Committee n’a pas adopté une position encore plus agressive. Pourquoi ne pas annoncer un nouveau cycle d’achats d’actifs financiers comme il l’a fait deux fois auparavant. Pourquoi pas un QE3 (un 3ème tour d’assouplissement quantitatif) ? Bien que je ne m’attende pas à un tel aveu, je soupçonne que même le président Bernanke en est venu à réaliser que le stimulus monétaire précédent a été un échec. Et il a bien été un échec. De plus, si il y a eu trois opinions contestataires sur la décision d’un assouplissement « tiède », Bernanke pourrait avoir perdu le vote en cas de proposition d’une politique encore plus agressive.

Qu’en est-il des marchés financiers? Pour le court terme, les obligations du Trésor sont la seule valeur refuge financière sûre (l’or est une valeur refuge marchandise). Le marché boursier a essayé de tourner au carburant monétaire et budgétaire. La marge de manœuvre pour des dépenses fédérales supplémentaire est désormais nulle. Les perspectives de relance monétaire supplémentaire se sont assombries. Les marchés vont devoir fonctionner sur les fondamentaux économiques. Ces derniers ne sont pas solides, d’où la volatilité au cours des trois ou quatre derniers jours.

Les deux perdants de la décision de la Fed sont le dollar et les épargnants. La promesse de maintenir les taux d’intérêt bas pendant encore deux ans assure la faiblesse continue du dollar face aux devises fortes et à l’or. J’observais la valeur du franc suisse et de l’or grimper alors que l’heure de l’annonce de la Fed approchait. Les épargnants perdent à cause de faibles rendements. Si la Fed voulait graduellement détruire les classes moyennes, elle aurait difficilement pu concevoir une meilleure politique que celle de maintenir des taux d’intérêt faibles.

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