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Contrôler Internet, le seul projet politique face à la crise ?

Publié le 15 août 2011 par Mister Gdec

Vu chez les moutons enragés :

David Cameron veut contrôler Internet, la Chine applaudit

13/08/2011 | Pierre Haski (rue 89).

La Chine s’est engouffrée dans la brèche ouverte par le premier ministre britannique David Cameron qui veut contrôler Internet dans la foulée des émeutes en Grande-Bretagne. Pékin y voit la légitimation de la censure, rapporte notre partenaire Rue89.

Le premier ministre britannique David Cameron

C’est le Global Times, organe officiel très nationaliste, qui exprime souvent crûment la pensée du pouvoir chinois, qui l’écrit :

« La proposition de Cameron de bloquer les réseaux sociaux détruit le concept de liberté d’expression de l’Occident qui a toujours présenté une supériorité morale en critiquant les développements hésitants de la liberté sur Internet dans les pays en développement. […]

Concernant la Chine, les défenseurs d’un développement sans limites d’Internet devraient réfléchir à deux fois à leurs idées. Sur Internet, il ne manque pas de posts et d’articles incitant à la violence. Ils ne manqueraient pas de créer des dégâts immenses s’ils étaient autorisés à être diffusés sans contrôle. Dans ce cas, tous les gouvernements n’ont pas d’autre choix que de fermer les sites qui les diffusent et d’arrêter les agitateurs. »

« La libre circulation de l’info peut être utilisée pour le mal »

David Cameron a créé la surprise, dans sa déclaration aux Communes, jeudi, en évoquant la possibilité de couper les réseaux sociaux en cas de troubles, ou même de prendre des mesures préventives en cas de préparation de violences, ce qui impliquerait des écoutes généralisées. Il a déclaré :

« Nous travaillons avec la police, les services de renseignement, les industriels pour voir s’il est possible d’empêcher les gens de communiquer via ces sites et services internet lorsqu’on sait qu’ils planifient des actes criminels. »

Cette piste de réflexion de la part du Premier ministre s’est attirée des commentaires négatifs, à l’image de cette réaction, sur Twitter, de Jeff Jarvis, professeur de journalisme à New York, spécialiste d’Internet et des nouveaux médias :

« Je ne pense pas que Cameron soit devenu d’un seul coup anti-médias sociaux, il cherche plutôt un bouc émissaire simple à blâmer. La technologie est toujours une cible aisée. »

Pour Jeff Jarvis :

« Les outils sont neutres. Ils peuvent effectivement être employés de manière positive ou négative. Mais frapper un mauvais usage et détruire l’outil est une politique à courte vue et vraiment très dangereuse pour une société libre. »

Le Net, « plus grande saloperie » inventée par les hommes ?

Cela dit, la réaction de David Cameron n’est pas isolée. On l’a vu en France, à chaque controverse mettant en jeu Internet, les médias sociaux et les nouvelles technologies en général, il y a une tendance à les rendre responsables de tous les maux de la société. Caricature de cette attitude, le publicitaire Jacques Séguéla (en octobre 2009 dans l’émission « On n’est pas couché » sur France 2) :

« Le Net est la plus grande saloperie qu’aient jamais inventée les hommes. »

La tentation de réguler, de surveiller le Web au-delà des législations existantes – Internet est soumis aux mêmes lois que le monde réel, sur la diffamation, l’incitation à la violence, le racisme… – est présente dans tous les pays, dès lors que les dirigeants politiques ont le sentiment de perdre le contrôle. En France, Hadopi et la loi Loppsi ont ouvert la voie d’une surveillance du Web, et font des émules à l’étranger.

Difficile, quand le premier ministre britannique évoque la possibilité de « perturber les services internet », de ne pas immédiatement penser à l’Egypte de Hosni Moubarak qui a coupé Internet pendant quatre jours entiers, une mesure sans précédent, pour tenter d’étouffer la révolte populaire qui a fini par l’emporter.

Plusieurs autres pays arabes, ainsi que l’Inde, ont fait pression sur BlackBerry pour obtenir sa coopération avec les services de sécurité en leur fournissant les clés de son système de cryptage.

C’est ce cryptage qui provoque aujourd’hui la sortie de Cameron, même s’il met dans le même sac l’ensemble des services internet.

David Cameron dans la même catégorie que Moubarak et récupéré par la Chine, « ennemi de la liberté du Net » selon Reporters sans frontières ? C’est une situation potentiellement embarrassante pour le chef du gouvernement britannique…

Internet, bouc émissaire de l’establishment britannique

Il reste évidemment à voir si ces propos tenus sous le coup de l’émotion des événements seront suivis d’effets. Et surtout si, après un assez large consensus britannique, travaillistes compris, pour traiter les émeutes d’Angleterre comme des actes purement criminels, il n’y aura pas une réévaluation de ces événements en prenant compte les facteurs sociaux et le contexte économique.

De ce point de vue, le facteur technologique et le rôle d’Internet seront revus à la baisse. En attendant, Internet sert de bouc émissaire à une violence que nul n’avait vue venir dans l’establishment britannique, avec toutes les menaces de restriction des libertés que cela induit. Et c’est la Chine autoritaire qui applaudit des deux mains, en lançant « On vous l’avait bien dit »…

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