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Pétrole apocalypse, d’Yves Cochet

Publié le 16 août 2011 par Leblogdudd

Pétrole apocalypse, d’Yves Cochet

A la lecture de ce titre retentissant, le décor est déjà posé. Yves Cochet aborde la question sur un ton alarmiste, car l’ère du pétrole, et plus généralement de l’énergie fossile est révolue. En analysant la place de celle-ci dans la société, nous prenons conscience de son addiction au fossile. C’est en commençant par ce constat que nous pouvons imaginer les solutions pour faire face à ce « triple choc ».

Triple car Yves Cochet ne se concentre pas uniquement sur le pic pétrolier [1] , mais anticipe également les pics de charbon et gaz. Si le style de l’auteur, très technique, peut décourager le lecteur plus novice sur la question, il convainc fortement par sa logique implacable, alimentée de nombreux chiffres et références précises. Son analyse aborde de nombreuses facettes et ne se contente pas de décrire les courbes de production. Ainsi met-il en rapport les découvertes de gisement, les techniques d’extraction, les méthodes de transport, mais aussi la situation géographique et les enjeux politiques. On regrettera simplement qu’il ne s’attarde pas plus sur le potentiel des huiles non conventionnelles. Car si le pic de pétrole conventionnel est considéré comme atteint par un large consensus, la capacité du non conventionnel permet de distinguer des scenarios plus ou moins optimistes. Dans une analyse un peu rapide, Yves Cochet présente les arguments massues contre un optimisme démesuré: une rentabilité et un prix bien moins avantageux, ainsi que des pollutions locales graves (sans parler de l’enjeu climatique). Bref, cette déplétion d’énergie fossile couplée à une demande toujours croissante risque de ne pas faire bon ménage.

Le pétrole a en effet une place capitale dans nos sociétés. Bien plus que l’on a tendance à l’imaginer. On pense souvent aux transports, mais l’agriculture conventionnelle est aussi très gourmande en pétrole. L’auteur analyse un à un les piliers du monde moderne. Chaque point est traité minutieusement, et même les plus érudits y apprendront beaucoup. La conclusion est alors sans appel: nos sociétés reposent entièrement sur l’accès à l’énergie bon marché. Quel changement impliquerait donc une baisse de la production et une hausse des coûts de cette énergie ? C’est en répondant à cette question qu’Yves parle de « choc ». Car nos sociétés sont accros, et comme pour n’importe quelle autre drogue, le sevrage sera douloureux.

A travers cette ouvrage, les idées de l’ancien ministre de l’environnement semblent aller dans le sens du courant de « la décroissance » [2] . Mais l’approche de l’auteur se veut plus pragmatique. La décroissance n’est pas un idéal vers lequel il faudrait se tourner, mais une conséquence des contraintes géologiques de la planète. La « décroissance » matérielle, entraînée par les pics pétroliers, gaziers et charbonniers, est là, indépendamment de quelques décisions politiques que se soit. Il incombe seulement à nos société de choisir comment s’organiser dans un monde post-pétrole.

Pour ce faire, l’auteur propose plusieurs axes de solutions. Il détail notamment les question du transport, de l’agriculture et de la politique, mais propose aussi des pistes de réorganisation de l’économie. Ses propositions sont en harmonies avec le reste du livre et sont, ou paraissent, assez radicales. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’y va pas avec le dos de la cuillère. Ainsi propose-t-il d’instaurer des quotas pour la consommation d’essence, ce qui permettrait de contrôler la baisse de son utilisation de façon égalitaire. Le lecteur peut à ce moment douter de l’applicabilité de telles mesures, surtout en constatant leur incompatibilité avec les discours des gouvernements actuels. Cependant Yves Cochet prône activement une relocalisation des décisions politique et production économique. Travailler à cette échelle présente le désavantage de ne faire avancer la société que par petit bout, mais cette ambition réduite rend également les évolutions possibles, là ou un compromis mondial (ou européen) semble difficile à obtenir.

Finalement, ses propositions ne sont pas sans rappeler le courant de la « résiliance » [3] . Car pour Yves, le choc est inévitable. Notre rôle désormais est de s’y préparer. Le but n’est plus d’empêcher son avènement, mais de réduire au maximum les dégâts qu’il engendrera.  Dans cette optique, les initiatives locales ont un grand rôle à jouer. « Une France fédérale dans une Europe fédérale », propose l’auteur. C’est en plaçant les décisions politiques à plus petite échelle que les choses avanceront. Mais il ne dénie en aucun cas l’importance cruciale de consensus à grande échelle. On retiendra par exemple l’idée de créer l’Organisation Mondiale pour la Localisation, afin de « protéger le local, globalement ».

Dans un language rigoureux et documenté à souhait, Yves Cochet nous présente une analyse multi-facette, de l’amont à l’aval de la question essentielle du pétrole dans la société contemporaine. Son ouvrage se classe alors comme une référence incontournable pour tout lecteur écologiste, et plus généralement, tout lecteur soucieux de l’avenir de notre société.

« Pétrole Apocalypse », 18€ sur amazon.fr.

  1. cf. Wikipedia
  2. cf. Serge Latouche
  3. cf. Benoit Thévard

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