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Innovation en Europe : Qui tire le char ?

Publié le 16 août 2011 par Jblully

Innovation en Europe : qui tire le char ? - © Beboy - Fotolia.com« On considère le chef d’entreprise comme un homme à abattre, ou une vache à traire. Peu voient en lui le cheval qui tire le char » (Winston Churchill). Ce sont pourtant les chefs d’entreprises, qui font avancer l’armée de PME qui constituent la base et la force de l’économie européenne. Elles représentent plus de la moitié de l’emploi et de la valeur ajoutée produite en Europe et participent à l’émergence de grandes innovations.

Parce que leur accès au marché est plus difficile que celui des grands groupes, les PME bénéficient depuis longtemps de l’attention des pouvoirs publics qui mobilisent des ressources financières importantes pour les soutenir. Les dispositifs européens d’aides en sont la parfaite illustration. Depuis leur lancement dans les années 1970, ces programmes de soutien à la R&D-innovation ont financé en France près de 60 000 projets pour plus de 25 milliards d’euros. Mais, ces ressources ont bénéficié davantage aux grandes entreprises et aux universités/centres de recherches qu’aux PME.


Pourquoi les PME françaises reçoivent-elles moins d’aides européennes à l’innovation ?

Cette plus faible participation des PME françaises aux projets européens s’explique de plusieurs manières :

  • une moindre présence d’ETI au sein du tissu productif par rapport à des pays comme l’Allemagne, ce qui réduit la part des entreprises françaises ayant la taille et la structure adéquates pour s’impliquer dans un projet européen ;
  • une faible culture collaborative qui explique le peu d’intérêt des dirigeants de PME à solliciter des financements souvent conditionnés à la réalisation de projets regroupant plusieurs partenaires ;
  • et enfin la complexité et le manque de clarté concernant à la fois les dispositifs européens, ainsi que les structures d’appui françaises spécialisées dans ce domaine.

Cette situation est d’autant plus dommageable que les programmes européens peuvent financer des projets à hauteur de 75 % et que les PME qui en ont bénéficié sont en général très satisfaites (cf. vidéo).

Afin d’améliorer ces dispositifs et d’en faciliter l’utilisation par les entreprises de tous les pays membres, la Commission européenne a lancé ce printemps une consultation sur le Cadre stratégique commun pour le financement de la recherche et de l’innovation dans l’UE. Cette démarche s’inscrit dans le processus d’élaboration des programmes européens pour 2014-2020. Les enjeux qu’elle recouvre se situent à deux niveaux. Au niveau local, il s’agit de permettre aux PME qui ont des projets innovants de disposer de ressources suffisantes pour les développer. Au niveau européen, cette politique s’inscrit dans le cadre de la stratégie UE2020 (cf. billet précédent) qui vise à accroître le potentiel de croissance de l’UE, et par là même le bien-être des 500 millions d’européens.


Aller de l’idée au marché

Il est essentiel que les PME soient au cœur des dispositifs d’aides. La politique européenne de soutien à l’innovation post-2013 doit se fonder sur ce principe de base. De nombreux rapports, notamment ceux de la CCIP (Renforcer l’efficacité des aides européennes à l’innovation pour les PME et Réponse à la consultation européenne sur le cadre stratégique commun), soulignent le besoin d’une stratégie qui conjugue à la fois recherche stratégique et innovation proche du marché. A l’heure actuelle, il existe des dispositifs de soutien pour des projets de nature et de maturités différentes, mais ceux–ci sont complexes et enchevêtrés. Pour plus d’efficacité, ces dispositifs doivent être replacés dans une logique d’ensemble qui a vocation à soutenir à la fois les activités de R&D, et aussi celles concernant l’expérimentation et la mise sur le marché.

De manière concomitante, une clarification du dispositif français d’appui est aussi nécessaire pour permettre aux PME d’identifier l’interlocuteur a-même de répondre à leurs questions et de les aider dans le montage de leurs dossiers. Aujourd’hui, il existe différents guichets dont les missions se recoupent. Les dirigeants de PME doivent être soutenus dans leurs démarches afin de pouvoir se concentrer au maximum sur le fonctionnement et la stratégie de leur entreprise et non sur le remplissage de dossiers administratifs. D’une manière générale, investir massivement dans l’accompagnement de proximité des PME est un enjeu majeur pour l’économie française.

Par ailleurs, il est nécessaire de modifier les pratiques d’attribution des aides européennes à l’innovation. Actuellement, elles privilégient encore trop souvent les projets regroupant plus d’une dizaine de partenaires. Ces derniers peuvent difficilement être pilotés et coordonnés par une PME.


Penser grand et avoir le souci du détail

Le soutien aux PME porteuses de projets innovants doit être accompagné de mesures macro et microéconomiques.

Pour avoir un réel impact, les mesures de soutien aux PME doivent s’inscrire en lien avec une véritable politique industrielle européenne. Les projets menés en commun comme Airbus ou Galileo ont un rôle moteur sur une part importante du tissu économique, entraînant avec eux des bataillons de PME dont certaines développent des activités de pointe. Rien qu’en France, Airbus représente plus de 50 000 emplois directs, indirects et induits. Ainsi, le développement des coopérations technologiques entre Etats européens jouera à l’avenir un rôle clé dans la capacité de l’UE à se positionner comme leader dans les domaines stratégiques, en particulier concernant le secteur énergétique dans le monde post-Fukushima. Les choses semblent aller dans le bon sens, le Parlement européen a récemment défendu ce point de vue, mais il y a parfois loin de la coupe aux lèvres…

Tout autant, la compétitivité du tissu industriel se construit aussi grâce à des détails qui comptent. Ainsi, on constate au sein des entreprises françaises que les rémunérations et les perspectives d’évolution offertes aux ingénieurs qui travaillent au sein des services R&D sont systématiquement inférieures à celles offertes aux ingénieurs qui occupent d’autres fonctions. Assez naturellement, une partie d’entre eux se détournent alors des métiers liés à l’innovation pour s’orienter vers des postes plus rémunérateurs, contribuant ainsi à l’étiolement du savoir-faire industriel français et à son moindre renouvellement. Les chefs d’entreprises doivent être sensibilisés à cette question : un obstacle de plus à dépasser pour le cheval qui tire le char s’il ne veut pas perdre la course…


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