Si le Canada veut éviter la situation dans laquelle ont sombré nombre de pays européens, c’est aujourd’hui et non demain qu’il doit faire des choix.
Par David Descôteaux, depuis Montréal, Québec
Si la tendance se maintient, vos REER (NdContrepoints: Régime enregistré d’épargne-retraite, fonds commun de placement au Canada) vont faire du surplace cette année. Vous risquez même de perdre de l’argent. Le marché boursier vacille depuis une semaine, et le rendement des indices est négatif depuis le début de 2011.Cela, et les signes de ralentissement économique qui se multiplient, doivent servir d’avertissement aux politiciens qui gèrent nos finances publiques.
On ignore ce que fera la bourse dans les mois et années qui viennent. Mais des chutes comme on a vu la semaine dernière peuvent — et vont — se reproduire. Nous sommes dans le ventre d’une bête inconnue. Une récession qui pourrait traîner des années, le temps que consommateurs et gouvernements nettoient leurs finances et repartent sur une base solide.
Pas importante, la dette?
Pour plusieurs, la dette publique du Québec (240 milliards $) ne devrait pas nous inquiéter. C’est juste un épouvantail que la droite agite pour justifier des coupures dans l’État.
C’est vrai qu’à première vue, la dette du Québec apparaît gérable. Grosse, mais gérable. Mais la panique boursière nous rappelle qu’il faut s’attaquer au problème tout de suite, avant qu’il ne soit trop tard. Car des nuages noirs planent au-dessus de nos têtes :
— Le vieillissement de la population au Québec est un des plus prononcés en occident. La horde de baby-boomers vieillissants fera exploser la demande — et les coûts — des services publics dans les années qui viennent, notamment en santé. Y sommes-nous préparés? Vu le piètre état de nos routes et viaducs (pire que prévu, semble-t-il), combien faudra-t-il ajouter de millions (milliards?) à la dette dans les années qui viennent?
— Le gouvernement peut-il augmenter ses revenus pour compenser? Difficilement. Nous sommes déjà parmi les plus taxés en Amérique du Nord. Contrairement à des pays comme les États-Unis, où les taxes sont relativement basses et pourraient être haussées, notre marge de manœuvre côté revenu est minime. Notre gouvernement mise entièrement sur la croissance économique. Et je vous gage un p’tit deux que les prévisions du ministre sont trop optimistes. Si la croissance n’est pas au rendez-vous, on fera quoi?
Tout va bien et… BANG!
— Le taux d’intérêt que paye Québec sur ses obligations est encore faible, mais il peut grimper à tout moment. Surtout si la dette s’emballe. Comme l’ont démontré les économistes Kenneth Rogoff et Carmen Reinhart dansThis Time Is Different, la perte de confiance des prêteurs envers un État ne se fait pas graduellement, mais soudainement. C’est ce qui est arrivé en Grèce, en Italie et ailleurs en Europe. Tout va bien et puis un jour… BANG! Les taux bondissent sans avertissement. Si cela se produit, nous dépenserons beaucoup plus pour payer les intérêts de notre dette, et beaucoup moins sur tout le reste.
Ajoutons qu’une rechute boursière serait catastrophique pour les régimes de retraite privés et publics, déjà sous-capitalisés.
Peut-être que je me trompe, et que tout ira bien. Je le souhaite. Mais la responsabilité de nos politiciens, en ces temps turbulents, devrait être de préparer le Québec au scénario du pire. L’économie mondiale peut rechuter, ou végéter pendant des années. C’est donc maintenant qu’il faut faire des choix. Pas dans 5 ou 10 ans.
Mais nos élus, fidèles à eux-mêmes, sont en mode business as usual.
Dans ce cas prions pour que la bourse tienne le coup. Et que la Caisse de dépôt ne perde pas des milliards encore une fois…
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