La maison Merkel ne fait pas crédit. Pas dans l'immédiat. La dirigeante allemande donne plus l'image d'une boutiquière intransigeante que d'une chancelière à la hauteur des enjeux du moment, suffisamment forte pour accepter et faire comprendre que la solidarité d'aujourd'hui garantit la prospérité de l'Allemagne de demain. La pression des milieux d'affaires pourrait changer la donne.
Penser qu'il serait possible d'avoir une Allemagne à l'économie florissante dans un paysage européen dévasté est une hérésie. Là où Nicolas Sarkozy a échoué à faire bouger une chancelière fermement campée sur son opposition à la création d'obligations européennes, les milieux d'affaires allemands pourraient bien réussir.
Le quotidien Helvétique Le Temps rapporte que ces derniers, proches de la CDU, réclament de plus en plus ouvertement la création d’obligations européennes. "Nous avons besoin d’euro-obligations qui porteraient le sceau allemand, explique Anton Börner, président de la fédération des exportateurs allemands BGA. Il faut adopter des mesures dures au sein de la zone euro: un frein constitutionnel pour interdire les déficits excessifs, la modernisation des administrations, une flexibilité accrue des marchés du travail, des investissements massifs dans la formation. Et il ne faut plus tabouiser (considérer comme tabou) les hausses d’impôts. Toute autre solution que les euro-obligations nous coûtera au final plus cher."
Le revirement allemand est prévisible. L'effondrement de la croissance entre le premier et le deuxième trimestre constitue un électrochoc qui fait prendre conscience Outre-rhin de la dépendance de l'économie allemande de la bonne santé du reste de l'Europe.
Certes, il existe encore dans l'opinion publique une opposition forte au principe de création d'euro-obligations notamment parce que cela se traduirait mécaniquement par une hausse des taux d'intérêts pour des Allemands qui bénéficient de taux particulièrement bas.
Elle demeure la moins mauvaise des hypothèses, comparée notamment à la solution actuelle qui consiste à verser, sans effet sur les marchés, des dizaines de milliards dans le tonneau des Danaïdes du Fonds de stabilité financière.
Le recul de l'euro enregistré au lendemain dela rencontre Sarkozy-Merkel, confirme paradoxalement que les investisseurs, comme les peuples, attendent autre chose qu'une cure générale de rigueur.
Avec délicatesse de nombreux analystes jugent que les quelques mesures annoncées (gouvernement économique de la zone euro, règle d'or budgétaire, taxe sur les transactions financières, convergence fiscale), "manquent de substance".
La création d'obligations européennes est inévitable. C'est juste une question de temps. Celui que mûrisse l'opinion publique allemande et avec elle sa chancelière. Mais aussi, que cette option n'apparaisse plus comme une simple fuite en avant, mais la pose d'une première pierre d'une gouvernance économique commune d'une dimension autre que l'annonce furtive de la mise en place de deux réunions annuelles.