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Vous avez dit "lynchage"?

Publié le 20 février 2008 par Omelette Seizeoeufs

L'UMPétosphère sait désormais s'organiser, tant bien que mal, pour répandre des mots qui sont répétés à volonté par tous les fidèles. C'est de bonne guerre, même si parfois les ficelles sont un peu grosse. J'en parlais l'autre jour à propos du statut de victime que revendique Nicolas Sarkozy, qui, ne voulant pas faire dans la demi-mesure, cherche à s'imposer comme une victime hors norme, hyper-victime peut-être, se permettant donc la comparaison (indirecte, bien sûr) avec les juifs sous l'Occupation. Mais revenons à l'idée de lynchage, ou plutôt à ce mot, que l'on voit désormais partout, mais surtout dans ce très bon, très utile et très amusant billet de Juan.

Les protestations de Roger Karoutchi continuent et sont toujours aussi incroyables. Dagrouik nous rappelle, à propos de la première série d'élucubrations, que ce Karoutchi n'est pas censé ignorer l'histoire, ce qui rend son discours encore plus tragique et comique :

Ce pénible second couté rouillé de l'UMP doit être nul en histoire me direz vous. Détrompez-vous, il est agrégé en Histoire. Quand un homme cultivé comme lui commet une saloperie de ce genre, c'est clair: Il agit sur ordre. La cellule de spin doctors de L'Élysée a du se torturer le neurone et pondre un projet innovant: il fallait victimiser Sarkozy.

Maintenant, n'étant pas allé assez loin dans l'énorme et le ridicule, ce grand "cultivé" nous sort un argument qui, par ses exaggérations, en dit long sur l'état du sarkozysme. Sans hésiter, Karoutchi commence par reprendre à son compte tout simplement l'argument de l'appel Républicain qui a dû faire beaucoup de mal à Sarkozy. En somme, contester le Très Grand Homme (TGH), c'est un danger pour la République et pour la démocratie :

Parce que la République et la démocratie doivent être constamment confortées et ne sont pas naturellement éternelles ;

Voilà : il faut sauver la démocratie.

Parce qu'il est dangereux pour la démocratie d'utiliser et de multiplier les attaques personnelles contre le chef de l'Etat pour essayer de déstabiliser son action politique ;

C'était judicieux de mettre cet alinéa en deuxième position : le lecteur le voit moins que le premier, et a hâte de lire les suivants, donc ne prend pas le temps de réfléchir à son sens. Pourquoi serait-ce dangereux pour la démocratie, en fait ? En réalité, c'est ce qu'il veut démontrer par dessus tout, que les "attaques", le "lynchage", sont nuisibles à la démocratie ; mais plutôt de le démontrer, il le cite en raison : "parce que..." Tout le monde est censé le savoir, de le penser déjà, à condition de ne pas trop s'arrêter sur la phrase.

En gros, Sarkozy, c'est la démocratie elle-même. Être contre Sarkozy, c'est être contre la démocratie, contre la stabilité de nos sacro-sanctes institutions. Car, parce que...

Parce qu'il faut respecter l'expression récente du suffrage universel, source et origine des pouvoirs du Président de la République, du Parlement et du Gouvernement ;

C'est un peu le clou du pestacle : le suffrage universel contre toutes les objections possibles, contre les institutions, la Constitution s'il le faut, contre le gouvernement si jamais il devait se rebiffer, contre la liberté de presse, contre les libertés individuelles, contre l'idée même d'une opposition.

Souvenez-vous de ces paroles de Rachida Dati (que j'avais commenté ici) :

La légitimité suprême, c'est celle des Français qui ont élu (Nicolas Sarkozy NDLR) pour restaurer l'autorité. Les magistrats rendent la justice au nom de cette légitimité suprême.

Même la Justice, que je croyais juste parce qu'elle était la Justice, justement, est l'extension des urnes. La légitimité du suffrage universel est bonne à toutes les sauces. C'est à penser que les UMPistes à tendance sarkozaïque ont fini par croire à l'institutionalisation de leur propre adulation pour le TGH, et maintenant ne savent plus quoi penser quand leur superhéros en talonettes se heurte à une vraie résistance populaire.

Parce qu'il y a urgence à revenir à la confrontation des idées, des propositions et des projets, seule capable de faire prospérer la démocratie et seule à même de provoquer une mobilisation citoyenne quelle qu'en soit la sensibilité ;

La "confrontation des idées" ? Eh bien, là, vous l'avez, votre confrontation des idées sur ce que doit être une démocratie. Une bonne partie de la population semble avoir comme idée que la personnalisation extrême de la présidence et donc du pouvoir présidentiel n'est pas bénéfique, n'est pas démocratique, ne va pas dans le sens des valeurs républicaines. Quelle idée!

Les attaques contre Sarkozy ne sont pas personnelles. Qu'un quidam aille en Égypte avec un ex-mannequin n'a aucune espèce d'importance. Mais Sarkozy cherche à gouverner en faisant constamment appel à sa propre personne, et du coup institue un mode de pouvoir beaucoup plus personnel, individuel que ce qui est prévu dans l'équilibre des institutions. C'est la concentration du pouvoir sur lui, sur sa petite personne, qui est l'origine du problème. Carla Bruni n'est qu'une conséquence de cette transgression initiale. La réaction contre le comportement "privé" du TGH n'est que la cristallisation dans l'imaginaire public de la réaction à cette concentration du pouvoir.

Et donc, pour revenir au lynchage, il faut dire qu'il est normal que la réaction contre la personnalisation du pouvoir soit dirigée essentiellement sur la personne qui en est responsable et qui en est l'unique bénéficiaire.

(Voir aussi le billet de Julien Tolédano sur la réaction des sarkozystes sur Facebook.


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