De ma fenêtre j'aperçois un enfant, ivre de chaleur et d'ennui, assis à l'ombre illusoire d'un arbre triste. Seul. Sa solitude me questionne. Fait echo à la mienne, dans l'instant. La mienne. Habitée par des visages, des bribes d'histoires anciennes qui tentent de faire sens.
Près de moi, posés sur mon bureau, des objets dans leur coutumière disposition, nécessaires à l'écriture. Mes "pierres de lune", protectrices parce qu'offertes avec de nobles intentions. Un portrait de mon père, juste avant que les corbeaux ne lui volent son sourire. C'est après ce vol-là pourtant qu'il rencontra ma mère, si belle, si "hors des mots"... Une solitude aussi, à deux. Avec un réel amour qui se tissa dans le temps bref de leur union, brûlant, vivant, dont des écrits de ma mère témoignent.
Que savons-nous de l'intime finalement? Lorsque nous n'en sommes que les spectateurs, même si nous sommes follement impliqués , traversés, par cet intime-là, celui de nos propres parents? Et cet enfant que j'aperçois de l'autre côté de mon univers, devenu presque minéral dans sa presque absence de mouvement, est-il en exil lui-aussi? Mais le voilà qui vient de se relever. Il court vers une femme vêtue de noir, mettant un terme à mes errances sur sa vie supposée.
Main dans la main, ils s'éloignent. Et je demeure. Avec un sentiment indéfinissable de gratitude envers l'existence . Qui m'a laissé une inaltérable conscience que demeurer, c'est témoigner de la persistance que tout n'est pas encore écrit... La canicule précède la pluie bienfaisante. Demeurer, c'est déjà être en mouvement...