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Thierry Vissac : Les nouveaux marchands du temple

Publié le 23 août 2011 par Unpeudetao

La spiritualité a rejoint les produits les plus divers de la société de consommation. On ouvre facilement boutique dans les cercles religieux et thérapeutiques avec un petit esprit de compétition ou de marketing d'une spiritualité parfois bon marché.

Cet instinct n'est pas nouveau mais ses causes méritent notre attention. On n'ouvre pas boutique seulement parce que l'ego y trouve un avantage professionnel, un statut gratifiant, une impression de jouer un rôle important, mais également par une sorte de dépit spirituel qui conduit à un nivellement vers le bas.
L'ego veut sa part du gâteau et cette quête du dessert cosmique se trouve être aussi désespérée qu'elle semble intéressée.

Pour certains, ce n'est qu'une question de défi : si le voisin semble s'être approprié le label de l'éveil spirituel ou de thérapeute, ils finissent par se dire : « Pourquoi pas moi ?» (Je connais des personnes qui ne fréquentent les conférenciers de spiritualité ou de soins alternatifs que pour pouvoir se dire : “Je peux faire pareil”). À l'ère d'Internet, un simple copié collé permet même d'éviter de rédiger quelque chose d'original ! En quelques minutes un site est ouvert et le terrain de chasse semble vaste. Que les boutiquiers n'aient pas réalisé en eux-mêmes les promesses lumineuses qui parsèment leur programme ne les dérange pas, le frisson de l'enseignement vaut bien quelques compromissions.

Pourtant, j'ai noté que la plupart de ces personnes avaient été dans une démarche sincère, au début. Il y a eu comme une exigence de se décoller de la mécanique de l'ego et éventuellement d'explorer la possibilité d'un monde nouveau qui pourrait naître d'individus moins formatés par ce genre de système. Mais cet appel intime et authentique est très souvent balayé par les “urgences” du monde lorsqu’il n'a pas été soumis au regard conscient.

Certains s'autorisent donc “en toute sincérité” à guider ou soigner les autres parce que la fonction leur fournit une forme d'apaisement de leurs propres blessures et frustrations. Ce rôle qu'ils tentent d'acquérir à moindre effort (sans qu'il soit l'aboutissement naturel d'un cheminement authentique), peut provoquer des émotions qu'ils n'ont jamais connues auparavant : ils se sentaient insignifiants, ils découvrent tout à coup qu'il est possible de capter l'attention des autres ; ils se sentaient petits ou insignifiants et le fait de réciter certaines formules spirituelles leur donne le sentiment de faire partie d'une élite ; ils se sentaient désœuvrés et les voilà qui rejoignent un cercle d’élus face à un monde qui les écrasait ; ils se sentaient mal aimés et il leur semble que l'amour va leur être distribué sans compter.

Ces boutiques ont, aujourd'hui plus que jamais, pour effet secondaire de discréditer la démarche spirituelle. Non seulement le boutiquier y perd l'âme de sa quête originelle (qui n’était ni commerciale ni en recherche de compensations) mais il grossit les rangs des “marchands du temple”, provoquant un rejet parfois violent de la part de l’opinion publique et des autorités (voir la lutte antisectes). Je ne m’étendrai pas sur le fait non négligeable qu’il y a peu de chance que la boutique ait autre chose à offrir que les limites du boutiquier. Les conséquences affectent donc également leur « clientèle ».

J'ai conscience que ce constat ne suffira pas à réveiller les consciences car, une fois la boutique ouverte, la décision de la fermer pour revenir à une exploration approfondie de sa propre nature serait un acte héroïque. Pour beaucoup, sans qu'ils en soient toujours conscients, le frisson d'une certaine forme de pouvoir vaut bien un authentique réveil spirituel. On peut bien juger les politiciens qui ont vendu leur âme au diable, portés par la seule addiction au pouvoir, le mécanisme se reproduit automatiquement dans les courants spirituels, comme partout.

Mais cette mécanique ne peut pas avoir complètement englouti l'appel de l'âme : la mémoire de cet appel intime ressurgira. Les blessures s'apaiseront alors réellement dans un chemin intérieur de réconciliation, que l'artifice des statuts, des rôles et des exaltations passagères ne fournit pas. L'urgence n'est pas à ouvrir des boutiques mais à une réconciliation de l'humain avec sa nature profonde et l'une empêche souvent l'autre.

Thierry (janvier 2010).

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 Son site et ses textes :

www.istenqs.org

 
 


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