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Jiddu Krishnamurti : Regarder vraiment un arbre

Publié le 24 août 2011 par Unpeudetao

Quelle relation avez-vous avec la nature ? (par nature il faut entendre les rivières, les arbres, les oiseaux au vol rapide, les poissons dans l’eau, les minéraux sous la terre, les cascades et les toutes petites mares) . Quelle relation avez-vous avec tout cela ?

La plupart d’entre nous ne sont pas conscients de cette relation. Jamais nous ne regardons un arbre vraiment ou si nous le faisons, c’est pour l’utiliser, nous asseoir sous son ombrage ou l’abattre pour en faire du bois de construction. En d’autres termes, nous regardons les arbres dans un but utilitaire.
Nous ne regardons jamais un arbre sans nous projeter sur lui ou l’utiliser à notre convenance. Nous traitons la terre et ses ressources de la même façon.
Nous n’aimons pas la terre, nous nous contentons de l’utiliser.

Si nous l’aimions vraiment, nous utiliserions ses ressources avec frugalité. Si nous voulons comprendre notre relation avec la terre, nous devons puiser dans ses ressources avec plus d’égards. Comprendre notre relation avec la nature est aussi difficile que comprendre notre voisin, notre femme et nos enfants.
Mais nous n’y avons jamais vraiment pensé, nous ne nous sommes jamais assis pour regarder les étoiles, la lune ou les arbres. Nous sommes trop accaparés par nos activités sociales ou politiques. Bien évidemment, ces activités sont une fuite de nous-mêmes mais adorer la nature est encore la même fuite. Nous utilisons toujours la nature comme échappatoire ou à des fins utilitaires. Nous ne prenons jamais vraiment le temps de nous arrêter pour aimer la terre ou les produits de la terre. » (…)

Ainsi nous avons perdu notre relation avec la nature. Si, pour une fois, nous comprenions cette relation et sa véritable signification, nous ne diviserions plus la terre en « ma » propriété et « votre » propriété. Bien que l’on puisse posséder un morceau de terre et y construire une maison, ce ne devrait pas être « ma » maison ou « votre » maison, dans un esprit d’exclusivité, mais plutôt une façon d’avoir un abri. Nous sommes insensibles à la beauté d’une cascade, nous avons perdu contact avec la vie, nous ne savons pas ce que c’est que de s‘asseoir, le dos contre un arbre, parce que nous n’aimons pas la terre ni les produits de la terre et que nous nous contentons de les utiliser. Et comme nous n’aimons pas la nature, nous ne savons pas comment aimer les hommes et les animaux. Allez voir au bout de la rue comment on traite les bœufs (…). Vous pouvez hocher la tête et dire « C’est bien triste ! » mais, en fait, nous avons perdu le sens de la tendresse, cette sensibilité, cette faculté de réagir devant la beauté et ce n’est qu’en retrouvant cette sensibilité que nous pourrons comprendre ce qu’est la relation véritable. » (…)

La terre est là pour qu’on l’aime et qu’on en prenne soin, pas pour qu’on la divise en « ma » propriété et « votre » propriété. C’est idiot de planter un arbre et de l’appeler « mon » arbre. Ce n’est que lorsqu’on est libéré de l’esprit d’exclusivité qu’il est possible d’être sensible, non seulement à la nature, mais aussi aux êtres humains et aux défis incessants de la vie.

Extraits tirés du Rapport authentique de la huitième causerie publique de Poona, 17 octobre 1948.
Publié dans De la nature et de l’environnement.
(Editions du Rocher).

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