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Damien Abad : « En tant qu’élus, nous nous devons d’être exemplaires »

Publié le 25 août 2011 par Lecriducontribuable
damien abad

Damien Abad est député européen ( circonscription Sud-Est), secrétaire général adjoint du Nouveau Centre. Le Cri l’a interviewé dans le cadre des Dossiers du Contribuable n°2 « L’ Europe dilapide notre argent ».

Damien Abad, êtes-vous favorable à la suppression du statut des fonctionnaires européens et à la réduction des indemnités des élus européens?

En politique comme dans la vie, il y a ceux qui vous font des promesses illusoires pour se “faire plaisir” et ceux qui tiennent un langage de vérité. Je préfère appartenir à la deuxième catégorie et vous dire qu’il vaut mieux réformer plutôt que supprimer le statut des fonctionnaires européens si vous voulez avoir une chance de faire bouger les lignes.

La fonction publique européenne, c’est 50 000 fonctionnaires, ce qui est relativement faible eu égard au nombre de fonctionnaires dans chacun des Etats membres de l’Union. Cela étant dit, il y a une perception dans l’opinion publique que les fonctionnaires européens bénéficient d’avantages excessifs et c’est vrai qu’une adaptation de leur statut au contexte actuel – et non pas celui de 1958- doit être examinée. La Commission européenne l’a elle-même dit et compte présenter des propositions audacieuses autour de 2013. Vous pouvez compter sur moi pour les porter au Parlement.

S’agissant des indemnités des élus européens, je vous répondrai très simplement. L’indemnité de l’élu, a été créée pour permettre à chacun d’entre nous d’accéder aux fonctions électives, quelque soit son origine ou sa condition sociale. Supprimer ou réduire les indemnités des élus reviendrait à transformer nos assemblées en Chambre de Lords, ce qui n’est pas ma conception de la démocratie.

Ce qui est excessif, ce ne sont pas les indemnités des élus européens mais plutôt les avantages connexes qu’offre une telle fonction. Or, autant je défends avec force le principe de l’indemnité des élus, autant je condamne avec autant de force les abus et dérives d’un certain nombre de dépenses liées à l’exercice de notre mandat.

Ainsi, j’ai été parmi les rares eurodéputés à voter contre la hausse de notre enveloppe frais de secrétariat et à faire en sorte que pour les vols de moins de 4 heures nous voyagions en classe économique.

En tant qu’élus, nous nous devons d’être exemplaires. Les citoyens français et européens n’attendent pas un pouvoir modeste mais un pouvoir sobre exercé par des élus responsables et rigoureux dans la dépense.

Pour conclure, je veux vous dire que, comparativement aux autres institutions et assemblées, le coût du Parlement européen pour les citoyens reste très modeste, la principale dépense étant liée aux coûts de traduction ô combien nécessaires si nous voulons préserver le multilinguisme et l’usage du français en Europe.

Le Parlement européen est implanté à Bruxelles et à Strasbourg. Ne faut-il pas le regrouper en un seul endroit?

La question mérite d’être posée. Mais je pense que les avantages de maintenir le siège à Strasbourg l’emportent sur les inconvénients. C’est vrai que cela constitue un coût économique et politique non négligeable. Economique, car les déplacements entre Bruxelles et Strasbourg impliquent des dépenses supplémentaires. Politique, car il nous éloigne des grandes capitales européennes et des autres institutions basées à Bruxelles.

Néanmoins, je suis de ceux qui défendent Strasbourg qui représente avant tout le symbole de la réconciliation franco-allemande et le fait qu’elle soit une capitale européenne garde notre mémoire vive. En outre, si nous remettons en cause le siège de Strasbourg, c’est la distribution globale des sièges qu’il faudra revoir dans son ensemble.

La priorité doit donc de garantir la pérennité de ce siège en dotant la ville de Strasbourg de moyens d’accès de dimension internationale. Et puis, nous, français, nous nous devons de défendre le siège pour l’économie alsacienne.

Le pharaonique projet de Maison de l’Histoire de l’Europe est-il justifiable?

Le Parlement européen a décidé en décembre 2008 de créer une « Maison de l’Histoire de l’Europe ». Le musée devrait ouvrir ses portes au public à Bruxelles en 2014. La rénovation et l’aménagement du  bâtiment coûtera 52,4 millions d’euros, selon EurActiv.com. Le Daily Telegraph évalue à 13,5 millions d’euros par an ses coûts de fonctionnement. Avant même le début des travaux, les estimations du coût total du musée ont plus que doublé depuis le lancement du projet, pour atteindre les 156 millions d’euros. Début avril 2011, les eurodéputés ont demandé une réduction des coûts et un plan de financement.

Je ne remets pas en cause la légitimité d’un tel projet. Je m’interroge néanmoins sur les conditions financières. En effet, le montage financier, tel que présenté au départ, était tout simplement délirant avec 15 millions d’euros de coûts de fonctionnement annuels et 30 millions d’euros pour rénover un bâtiment. En Commission des Budgets, j’ai demandé à ce qu’une nouvelle évaluation soit faite et qu’une répartition des coûts financiers puisse être assurée entre toutes les institutions, pas uniquement le Parlement européen.

Si ces conditions ne sont pas réunies, je m’opposerai à la réalisation de ce projet qui ne constitue en rien une priorité, surtout dans un tel contexte de crise.

La PAC, ce monstre administratif budgétivore, ne devrait-elle pas être supprimée?

Non, ni supprimée ni réduite si nous voulons que l’Europe reste une terre de production et pas simplement un lieu de consommation.

La Politique agricole commune est la seule politique entièrement communautarisée aujourd’hui. Il est donc logique que son poids dans le budget européen soit important puisqu’il n’y a pratiquement plus de budgets agricoles nationaux.

Si l’on communautarisait l’ensemble des dépenses nationales de recherche, cela représenterait 140% du budget communautaire. Il faut donc comparer ce qui est comparable.

En outre, la PAC est un des rares symboles du succès de l’Europe. Dans les années 60, nous, européens, étions totalement dépendants en matière alimentaire. Aujourd’hui, notre indépendance et notre sécurité alimentaire sont garanties.

Nous constatons tous les jours l’importance de cette sécurité alimentaire lorsque l’on voit, partout dans le monde, des révoltes de la faim.

Cela étant dit, la PAC doit évoluer et s’adapter aux nouveaux défis et enjeux de la mondialisation. Nous avons besoin d’une PAC qui à la fois garantisse le développement de nos terroirs et territoires, préserve la biodiversité et réponde au défi du changement climatique.

Nous devons la défendre, la promouvoir et l’accompagner dans son évolution afin d’en faire l’un des piliers majeurs du développement durable.

Souhaitez-vous renforcer les pouvoirs et les moyens de la Cour des Comptes et de l’ Office européen de lutte antifraude (OLAF)?

Oui. Il en va de l’intérêt des Européens et de la crédibilité de l’Union européenne vis-à-vis des citoyens. Je vais vous donner un exemple très concret. Alstom, grande entreprise française connue de tous, s est vue voler sa technologie par une compagnie chinoise et ensuite a été concurrencée et battue dans une procédure plus que douteuse sur des marchés publics en Bulgarie de plus de 500 millions d’euros. L’OLAF a ouvert une enquête – qu’elle devrait rendre sous peu d’ailleurs – mais il ne pourra rien faire sauf se référer aux autorités nationales, c’est à dire, la justice bulgare qui, elle, s’est déclarée incompétente. Vous voyez le vice de la procédure. Moi j’appelle ouvertement à renforcer les pouvoirs de l’OLAF, j’en ai déjà fait part à plusieurs reprises au Commissaire chargé de la Lutte anti-fraude.

Pour ce qui est de la Cour des Comptes, elle fait déjà un travail remarquable qui permet d’améliorer l’usage des fonds européens et la mise en oeuvre de nos politiques. Je l’ai vu personnellement sur le programme spatial Galileo où elle a fait un certain nombre de recommandations très intéressantes qui ont été reprises ensuite par la Commission européenne.

La création d’un impôt européen qui se substituerait aux actuelles cotisations nationales vous paraît-elle souhaitable?

Créer un impôt européen dans un tel contexte de crise serait un mauvais signal adressé aux citoyens européens qui verraient leur pouvoir d’achat, déjà fortement contraint, se réduire encore davantage.

En revanche, nous devons réformer en profondeur le système des contributions nationales sur lequel repose le financement du budget européen. C’est un système déresponsabilisant qui aboutit à des discussions de “boutiquiers” entre Etats membres sans visée stratégique sur le bien-fondé de telle ou telle dépense.

Ainsi, avec mon collègue Alain Lamassoure, Président de la Commission des budgets du Parlement européen, nous plaidons pour la mise en place d’un véritable mécanisme de ressources propres à partir de financements innovants tels qu’un mécanisme d’inclusion carbone aux frontières ou une taxe sur les transactions financières.

Cette solution aurait un double avantage: pour les Etats membres, c’est une solution à budget constant puisqu’il s’agit de remplacer, à due concurrence, les actuelles contributions nationales par le produit de financements innovants dont une partie serait allouée au budget européen.

Pour l’Union européenne, cette solution permettra de garantir durablement le financement du budget européen à partir de véritables ressources propres.

Il ne s’agit pas de donner plus mais de donner mieux au budget européen, afin de faire face aux défis actuels et futurs.

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