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Max | Compte rendu de cinéma

Publié le 25 août 2011 par Aragon

sp.jpgJe me rends compte à quel point c'est difficile de faire un compte rendu de cinéma sans employer des superlatifs ou des réducteurs bidons. De presque onomatopées, style : c'est "génial", c'est "nul", c'est "moyen". Essayer de rendre compte fidèlement d'un film, de ce que l'on a réellement éprouvé, vu, senti. Comment était la construction de ce film ? Sa progression dramatique ? Le jeu d'acteurs ? Qu'est-ce qu'on retient ? Qu'a-t-on vu finalement ?

C'est terriblement frustrant un film. On adore tous aller au cinéma mais le lendemain, huit, quinze  jours après maxi on ne se souvient plus de rien,  de si peu, englouti, le film s'abîme dans le néant neuronal. Parfois on paume tout, même le titre, le nom du réalisateur n'en parlons pas. Et pourtant, sur l'instant on a tout vu, des bribes incroyables - des détails - nous on fait réagir, saliver, jouir, pleurer, hérisser, adorer. On a tout vu, notre cerveau, nos yeux ont tout capté, ce mot dans le dialogue à tel moment était incroyable... Et tout va se diluer.  Le cinoche : formidablement vivant car il donne tout, formidablement frustrant car on ne va se souvenir de rien, de si peu.

Pourquoi notre vie doit-elle prendre le dessus à chaque fois ? Être la plus forte, la plus vivante ? Parce que c'est normal, parce qu'il ne peut pas en être autrement. Car le principal film c'est bien notre vie, notre unique vie. Parce que l'acteur qui doit tout jouer et tout mener au bout c'est nous. Nous seul. Imparable. La vie a "clapé" au départ quand on est sorti des vagues de la mère. Quant au clap final, on n'y pense heureusement pas. En attendant, je digresse une fois de plus, c'est  de ciné que je voulais parler, pas de philosophie... "L'autre" cinoche nous accompagne, nous illumine, j'ai vu des milliers de films. Tiens, hier aprèm...

"Ceci doit être ta place", mon anglais plus qu'approximatif pourrait traduire comme ça "This must be the place", le dernier film de Paolo Sorrentino. Choc. Gros choc ! Il est invraisemblable Sean Penn, il interprète "Cheyenne" une ex rock star gothique mais pas flamboyant. INCROYABLEMENT coiffé & attifé & maquillé (pas grimé). On comprend de suite qu'il y a un hic. De quoi souffre-t-il, de déprime ? Non, sa femme lui affirme qu'un homme qui peut faire "ça" comme il le fait encore en apnée sous la couette  à cinquante balais, après trente ans de vie commune n'est pas dépressif.  Quelle incroyable instant d'énergie pure quand sa femme et lui  jouent aussi une drôle de partie de "pelote basque à main nue" sur le mur de leur piscine vide. Et leur complicité, leurs rires respectifs, car ils se marrent souvent, lui, façon Droopy irrésistiblement de travers, en douce. Tellement drôle ce rire de Cheyenne. Le reste du temps il est lent. Dans ses gestes et dans sa voix (quelle performance d'acteur). Syndrome de la tortue des anciens picolos-camés ? En vrac, Cheyenne souffre d'un autre syndrome cousin de celui de Peter Pan, il est resté scotché à ses années de gloire, quand "Mick Jagger venait jouer avec lui", il souffre terriblement des conséquences de sa musique d'autrefois qui a fait  hélas aussi que deux mômes se soient butés pour la reluquer de trop près cette musique hard, il en est même inconsolable. Oui, il a picolé, snifé mais s'est pas piqué car il a peur de deux choses : prendre l'avion et les aiguilles. Il a du fric - beaucoup de royalties - qu'il sait gérer, on se se marre en suivant ses cours de la bourse, mais il a honte d'être riche, il est généreux, achètera  par exemple une piscine à un môme.  Cheyenne est hors du temps et hors des modes. Son look est son look.  Il sait mieux que six nanas sidérées réunies (scène hilarante de l'ascenseur) comment on peut fixer un rouge à lèvres pour une journée. Il est vide et triste avant tout, il s'emmerde terriblement. Ils forment avec sa femme un super vrai bon couple, il a des potes, il est le "gardien-papa" tellement gentil d'une jeune gothique, lui, qui regrette tant de n'avoir pas eu de mômes - impossible pour une rock star d'avoir des enfants dit-il - mais il s'emmerde...

Oui, il s'emmerde si fort du vide apparent de sa vie et pourtant un jour TOUT va se mettre en branle. Processus paradoxalement inducteur : la mort de son père qui va le remettre sur les rails de la vie vécue,  puis tout va s'accélérer (je me marre en écrivant ça quand je pense à Cheyenne et à sa merveilleuse lenteur) un voyage en Amérique, un improbable road-movie (valise à roulettes en main, important "sa" valise) à la recherche d'un nazi humiliateur de son géniteur rescapé d'Auschwitz, des rencontres formidables, il va revenir changé.  Je veux pas raconter, faut que vous y alliez. La vie est au bout de ce film éblouissant.  Il revient VIVANT, DEBOUT et NEUF, oui.

Les acteurs américains sont incroyables. Je me souviens d'un papier de Lacouture qui disait en parlant des grands moments de sa vie qu'il avait vu toréer Manolete et jouer Horowitz au Carnegie Hall, moi, je dirai, le transposant au cinéma, que j'ai vu De Niro dans Raging Bull et Sean Penn dans This must be the place.


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