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Barack et Ségolène : même combat, même résultat?

Publié le 21 février 2008 par Leblogpolitique

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Voilà un éditorial du Christian Science Monitor sur la stratégie électorale de Barack Obama qui connu la semaine dernière un petit succès en France. Et pour cause: il compare la campagne d’Obama à celle de Ségolène Royal au printemps dernier, arguant d’une même stratégie - heureuse dans un premier temps, mais défaillante pendant l’election générale- de séduction de nouveaux électeurs pour remporter la mise lors des primaires, au dépend de l’establishment de leur propre parti.

En apparence, l’analogie Obama/Royal a de quoi séduire, surtout parce que les deux candidats ont certainement fait preuve d’une inhabituelle capacité à attirer vers eux des électeurs centristes et enthousiasmer de nouveaux électeurs. La mobilisation hors-norme de jeunes qui n’avaient auparavant jamais voté lors des primaires démocrates fait écho, il est vrai, aux dizaines de milliers de nouveaux adhérants au PS, désireux de participer aux primaires organisés par le parti à l’automne 2006.

Barack Obama fonde aussi sa candidature sur un puissant espoir de changement et la promesse d’une nouvelle façon de faire de la politique et de gouverner, symbolique de l’accès au pouvoir d’une nouvelle génération. “Désirs d’avenir”, le slogan officiel de la campagne de Ségolène Royal reflétait une aspiration similaire.

Enfin, d’autres considérations marginales, non mentionnées dans l’article mais facilement identifiables, pourraient finir d’achever cette impression de déjà-vu : l’ “Obamania” renvoyée à la “Ségomania” dans les médias américains et français, cette fascination collective dans l’image que renvoit du pays un potentiel candidat, ces critiques concernant deux candidatures jugées parfois trop abstraites et émotionelles par leurs opposants (Hillary Clinton développe des arguments assez similaires de ceux entendus à l’encontre de Mme Royal… souvenez-vous d’Alain Duhamel, par exemple, pour qui la campagne de Royal constituait “la victoire de la séduction sur la conviction” arrachée par une prétendante qui tentait selon lui d’incarner “le miroir d’une espérance, un air de nouveauté, un souffle de détermination emphatique, bref, un sentiment. Le contraire d’une démonstration, d’un projet développé.”)

Mais laissons de côté ces derniers éléments pour se concentrer sur ce qui inquiète le Christian Science Monitor, à savoir le risque d’un affrontement nocif entre les cadres du parti démocrate, majoritairement acquis à Clinton et réticents à bousculer les lignes traditionnelles du parti, et le camp Obama. Si le journal y voit “Obama’s biggest obstacle” comme l’affirme le titre de l’éditorial, l’argument ne résiste guère à une analyse détaillée.

  • Structurellement tout d’abord, le PS n’a rien à voir avec le parti démocrate. Le premier est centralisé, certes parcouru de courants divers, mais conduit malgrè tout par un secrétaire général ayant le dernier mot et qui assure in fine un certain monolithisme, même s’il n’est que de façade. La proéminence du rôle des ”éléphants” élimine généralement l’existence de puissantes forces centripètes, et la campagne de Ségolène Royal était bien inédite à ce titre. Le parti démocrate américain, lui, est avant tout une mosaïque de 50 partis démocrates, ceux de chaque état américain. La centralisation ne se fait guère qu’à Washington, et chaque section régionale du parti jouit d’une large autonomie (ils décident, par exemple du type d’élections et du mode d’attribution des délégués, d’où l’existence de primaires et de caucus aux règles de vote disparates). Difficile dans ce contexte de dresser le même profil des establishments respectifs des deux partis, et donc de leur puissance et impact potentiels sur une campagne présidentielle. Le risque contre lequel le Christian Science Monitor met en garde Obama de devoir, lors de l’élection générale, avoir affaire à une opposition de fond sur son programme au sein même de son propre parti, se trouve ainsi largement surestimé.

  • Contextuellement ensuite, comment oublier que la campagne de Ségolène Royal était mue par une volonté revendiquée de se détacher dans le style, la forme et le fond des poids lourds du PS lors des primaires, comme pour mieux souligner sa singularité et son indépendence d’esprit, et affirmer à chaque instant que même compagne du secrétaire général du parti, elle était libre de toute emprise partisane et idéologique? En contraste, Obama s’oppose à une dynastie politique puissamment encrée dans le parti démocrate, et son objectif semble à ce titre contraire à celui de Mme Royal : loin  de vouloir faire cavalier seul, son combat consiste plutôt à défaire cette emprise des Clinton et prouver au parti et à ses partisants qu’il représente une alternative salutaire, et une meilleure chance de victoire pour le parti aux prochaines élections. Sa course effrenée pour rattraper Hillary Clinton dans le décompte des superdélégués est on-ne-peut-plus claire : loin de se reposer uniquement sur le vote des sympathisants démocrates, il veut aussi conquérir l’élite du parti, et y parvient même avec succès ces derniers temps, aidé par sa série ininterrompue de 10 victoires sur Clinton. Plusieurs super délégués ont ainsi récemment changé de candidat, et Obama compte certains pontes démocrates s’il en est, dont John Kerry et surtout Ted Kennedy, peut être le démocrate le plus influent du pays.

  • Enfin, last but not least, une certaine dimension culturelle propre aux Etats-Unis ne devrait pas être négligée. Voilà un pays qui a souvent, dans son histoire politique, donné le dernier mot à des outsiders au détriment des candidats de l’establishment. Et le plus récent en date n’est autre que… Bill Clinton, gouverneur de l’Arkansas qui n’avait en 1992 absolument rien du candidat établi à l’aune des primaires, et est sorti vainqueur de celles-ci à coup de coups d’éclats et coups du poker, épousant une mystique chère aux Américains du self-made man qui ne doit sa victoire qu’en sa tenacité et talent propres, et non à ses connections avec les huiles du parti. Les caciques du parti démocrate ne sont pas dupes : face à un pays qui aborre la notion d’establishment et aime les candidats ”neufs”, ils ne sont pas présomptueux au point de pousser outre mesure leur candidate contre l’opinion, ni déraisonnables au point de faire la fine bouche lorsqu’un candidat, quel qu’il soit, sera choisi. La réticence de la majorité d’entre eux (Al Gore et Nancy Pelosi en sont deux parfaits exemples) à soutenir officiellement un candidat tant qu’aucun n’a pris le large est édifiante: le candidat du parti sera le candidat de l’establishment.

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