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"Polaroïds" de Laure Mi Hyun Croset

Publié le 28 août 2011 par Francisrichard @francisrichard

Polaroïds, paru aux Editions Luce Wilquin ici, est un titre qui évoque un moment magique de l'histoire de la photographie.
Bien avant que la photo numérique ne supplante la photo argentique, la photo polaroïd permettait de se rendre compte en quelques secondes du résultat de l'instantané que l'on venait de prendre.
Que le grain de la photo soit moins fin que celui des photos argentiques n'avait pas d'importance. C'était la rapidité du développement qui fascinait.

Laure Mi Hyun Croset est-elle bien consciente de l'effet que produit le titre de son livre sur les femmes, ou les hommes, de ma génération, en faisant ressurgir ce passé ? 
C'est donc ce titre qui m'a attiré, puis la couverture, où l'on voit de tels instantanés reconstituer une femme, en bikini blanc, à la peau bronzée, les deux mains accrochées à un chapeau de paille rose fuchsia, vue de dos, assise sur un matelas pneumatique assorti, comme le ferait une moderne mosaïque, échappée d'un stroboscope.
La première phrase du livre, en préambule, donne le ton et exprime le propos de l'auteur de cette autofiction :

"Je conçois les névroses comme des séries de polaroïds inquiétants, disséminés dans de vastes forêts, comme un certain nombre d'images égarées dans les bois de nos esprits."
Les mots importants sont évidemment névroses et polaroïds inquiétants.

L'autofiction permet à l'auteur de parler sans détour de lui-même, tout en ajoutant une part d'imaginaire que le lecteur n'est pas censé distinguer. J'imagine que cette manière d'introspection doit être libératoire, parce qu'elle permet de ne dévoiler de soi que ce que l'on veut bien dénuder, tout en préservant un jardin secret que l'on reste seul à arpenter.
Tout être humain est double, voire multiple. Dans le cas présent le fait d'être à la fois européenne et asiatique, de porter deux prénoms qui rappellent ces origines naturelle et adoptée, Mi Hyun et Laure, ne peut que souligner cette multiplicité.
Le livre est donc jalonné d'instantanés de la vie d'une femme depuis la petite enfance jusqu'à la trentième année, voire davantage. Cette femme se connaît bien elle-même et n'est pas tendre avec elle-même. Elle expose tout au long de cette autofiction ses vulnérabilités et ses rages, ses frustrations et ses rares jubilations.

L'auteur nous fait partager son intérêt pour ses semblables et son envie de susciter leur estime, tout en ne nous cachant pas leur incompréhension à son égard et les maladresses qu'elle commet à leur égard. Par moments le lecteur pourrait finir par être gêné d'une telle intimité.
Ce qui conduit le lecteur à aller jusqu'au bout de cette introspection, c'est le style. Il est en effet difficile de se déprendre de cette lecture parce que le style est incisif, qu'il va à l'essentiel, qu'il ne laisse pas de répit au lecteur.

Les insomniaques et les naïfs seront réconfortés de voir qu'ils ne sont pas seuls au monde, de même que ceux pour qui l'éveil à la sensualité s'est avéré difficile. Quant à ceux qui dans leur détresse remplissent leur existence avec le projet d'écrire un livre ils seront rassérénés : ils trouveront en Laure Mi Hyun une véritable âme soeur.

Francis Richard  


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