“Ce parti n’est pas aimable” Un responsable socialiste
On fourbit ses armes avant le moment fatidique. L’instant crucial de la votation. La gauche organise des primaires pour désigner le candidat qui la représentera lors de l’apothéose démocratique de la Ve République. Un spectacle avant le spectacle, un tour de chauffe autour de ce que les promoteurs de l’évènement considèrent comme un évènement démocratique. Même au-delà, de C. Barbier à I. Rioufol en passant par Y. Calvi toute la quincaillerie de la médiasphère évoque ce moment électoral, ce vote “a prime”, comme un projet louable. Mais de quelle démocratie parle-t-on ?
Il ne va d’abord pas de soi que voter garantit le processus démocratique. On se gargarise largement de ce moment ouvert à tous les citoyens. Leur donnant l’occasion (si fugace) de s’exprimer. Or on le sait depuis la Grèce Antique, le vote ne garantit rien. On lui préfère même, parfois, le tirage au sort. Ce que J. Rancière décrit âprement dans son ouvrage “La haine de la démocratie”. Il y fustige les préposés aux élections issus essentiellement des mêmes milieux sociaux, leur conférant un habitus quasi identique, une similaire tournure d’esprit face aux questions de la cité. Une classe d’élus tirés du même substrat bénéficiant d’une position au départ et de moyens pour parvenir à se hisser au sommet des institutions. Même si cela nécessite un effort violent de prise de pouvoir. Et bien que violent, il le sera toujours moins que pour le quidam sortit de l’humus plébéien. Violent aussi parce que la capacité à toucher les cimes de la démocratie en se présentant à l’élection ultime précède une “vie politique” bornée de coups bas, de traitrises et de reniements. Tout ceci ne résout en rien problème démocratique, mais y penser en se rendant aux urnes peut éclairer d’une autre lumière l’évènement. D’entendre d’une autre oreille les cris de ralliement des socialistes en frénésie, et les hourras journalistiques en manque de substance.
Et de substance finalement, il en manquera. Non pas parce que l’on se focalise sur la gestuelle, les postures et petites phrases de candidats. Sorte d’enduit médiatique, servant à coller les éléments disparates de séquences dont on doute de l’issue, et même du sens. Mais plutôt parce que le spectre politique présenté par le parti dominant à gauche (le PS) recoupe presque exactement l’offre politique hexagonale dans son ensemble. Soit il représente parfaitement la politique française, et dans ce cas caracolerait à la tête des institutions. Soit il s’agit d’un mimétisme sclérosant de la représentation de la société française. Il est intéressant de constater que l’offre politique multipolaire des primaires est constituée d’un noyau central composé de deux candidats majoritaires (F. Hollande et M. Aubry), à qui l’élection selon les commentateurs ne pourra échapper. Et dont les idées sur le fond ne se distinguent que par quelques nuances. Puis de chaque côté une offre minoritaire, un paravent pluraliste. A. Montebourg occupant symétriquement la position tribunitienne de J. -L. Mélenchon. Le reste des candidats se situant à la droite du binôme majoritaire. S. Royal étant loin et ailleurs…
La question ne tient pas dans l’assimilation du duo leader à l’acronyme “UMPS”. Quatre années d’UMP suffisent pour mesurer l’amplitude entre le décent et l’indécent, le compétent et l’aberrant. Mais s’interroger sur la capacité d’une formation politique progressiste à proposer quelque chose de différent. De penser autre chose qu’une société défaillante en tous points. Tous les candidats s’en remettent à la croissance quelle que soit sa forme. Une pensée magique largement partagée chez les experts (on ne sait qui influence qui). Or de croissance il n’y en a pas depuis 30 ans et compte tenu de l’organisation économique, elle ne reviendra pas. Aucun des candidats dits sérieux ne souhaite sortir des terrains balisés. La démondialisation, tentative de penser autrement, et même approximativement autre chose, reléguée au rang d’incongruité teintée de xénophobie. Le PS travaille, phosphore, mais surtout tourne en boucle sur des idées éculées, des grosses ficelles usées. Un peu plus ou un peu moins d’impôts, réorganisation de l’appareil de l’État, sécurité versus prévention (la nuance étant dans le dosage). De loin cela représente un consensus centriste. Le rêve des experts, commentateurs et politologues, psalmodiant une France apaisée, peu rétive aux réformes avec comme toile de fond un sempiternel pacte social. Un citoyen sommé de choisir entre des produits déclinés sans saveur et des élites en perpétuelles promesses de changement.
Le Spectacle Politique tient plus d’un régime de sevrage aux idées nouvelles, à la domestication électorale par réflexe démocratique, que d’une réelle participation à un changement. Se séparer de la clique actuellement aux affaires reste la raison à peine suffisante pour participer. Quoi que…
Vogelsong – 1er septembre 2011 – Paris
Nb : Dans le Nouvel Observateur du 1er septembre L. Joffrin commet un article qui vient conforter ce qui est dit plus haut.