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Nomade in Metz, nomade everywhere

Publié le 04 septembre 2011 par Legraoully @LeGraoullyOff
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Nomade in Metz, nomade everywhere

La proximité du  festival « Nomade in Metz » nous permet d’une part de faire un peu de publicité pour cette réjouissante  manifestation qui campera place de la République du 9 au 11 septembre et dont vous trouverez les détails et la programmation sur le site éponyme (www.nomadeinmetz.org), et d’autre part de cogner à plume rabattue et avec une joie non dissimulée sur notre gouvernement qui n’a d’autre subterfuge pour masquer son ahurissante nullité que de chercher des boucs émissaires. Qu’advient-il du peuple rom depuis que l’énivrante Esméralda et la troublante Carmen ont garé leurs caravanes au panthéon de la littérature et de l’opéra français? Faut-il nécessairement s’appeler Django Reinhart ou Bireli Lagrène pour avoir le droit d’être sans feu ni lieu en Sarkozye?

Si  l’amour est enfant de bohème et ne connait aucune loi, le ministère de l’Intérieur est enfant des relations coupables de la paranoia sécuritaire et du clientélisme populiste, et connait pour sa part une inflation de nouvelles lois au moins une fois l’an. Revenons quelques siècles en arrière: le peuple rom trouve ses origines au Rajasthan, état du nord-ouest de l’Inde avec lequel il partage encore un tronc linguistique et des éléments de cosmogonie, et a commencé son exode à l’orée du second millénaire, dans un périple qui lui fera traverser l’Asie pour s’établir en Europe deux siècles plus tard. Le vocable « Rom » a été adopté au congrès mondial tsigane en 1971 et est un terme générique pour définir la mosaïque de populations qui de l’Asie kaoulie à l’Andalousie de Fredérico Garcia Lorca en passant par les Balkans kusturiciens n’en finit plus de nourrir l’imaginaire collectif. Il recouvre indifféremment gitans, manouches, tsiganes et autres romanichels qui pour le gadjo de l’UMP sont aussi différents que la matraque du gendarme et le tonfa de la police aux frontières. Depuis l’infameux et infâmant discours de Grenoble de juillet 2010, les Roms sont devenus une des cibles privilégiées de l’obsession statistique du ministère de l’Intérieur, qui n’a pas hésité à fixer des objectifs chiffrés d’expulsion de camps entiers au mépris de la législation européenne et de la Déclaration des Droits de l’Homme qui ne saurait tarder à demander sa naturalisation en des contrées moins hostiles et moins haineuses. De même, la RATP qu’on a connu plus prompte à la grève quand l’intérêt public le justifiait, a affreté sans trop de scrupules et sans trop de souci du détail de l’Histoire, comme le dit l’inspirateur de la politique migratoire gouvernementale, un wagon pour transporter tout un campement voué à l’expulsion.

Outre l’imbécile politique du résultat destinée à rassurer le bovin de souche, la défiance qu’éprouvent nos ministres bleu Marine à l’égard du Rom est parfaitement résumée dans le titre du festival. C’est bien le nomadisme, dans ses modalités géographiques, culturelles et artistiques qui effraie la droite plus sûrement que l’épouvantail chasse le volatile affamé du champ de blé. La France est en effet un vieux pays agraire qui s’est construit sur la possession et l’exploitation de la terre, qui était l’aune à laquelle on mesurait le prestige du seigneur féodal, dont la richesse ne se mesurait pas en liquidités mais en acres et en têtes de bétail. Toute la structure mentale de la droite est fondée sur cette notion de propriété, de patrimoine et d’invariabilité du cycle de la semaison et de la récolte qui est à peu près aussi porteur de potentialités d’aventures et de rencontres en des terres inconnues qu’un épisode de Derrick. Le poète de ce vieux monde a coutume de dire que la terre ne ment pas, et nous lui rétorquerons que ce n’est que par manque d’imagination. Les Roms, qui ont pratiquement toujours refusé d’être agriculteurs et soumis à la sédentarité qui s’attache à cette profession ne pouvaient que constituer une insondable énigme pour le cultivateur falot qui n’y voit que sorcellerie, et une incitation au voyage, à la magie et à la rêverie pour son enfant poète pas encore contaminé par la moraline. Le terme « gadjo » se décline d’ailleurs en « payo » en Espagne, et désigne le travailleur de la terre à qui le servage et la misère ont fermé les yeux sur les horizons lointains.

Aussi, foin des frontières et du douanier mesquin,  nous souhaitons tout le succès qu’il mérite au festival Nomade in Metz, et à tous ses protagonistes, organisateurs, artistes et spectateurs, à qui nous lançons un vigoureux Latcho Drom!


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