Les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent. Prometteur, ce derby de Manchester l'était. Des stars, des paillettes et une rivalité tenace qui perdure, ce choc entre deux des clubs les plus riches d'Angleterre faisait saliver toute la planète football. L'année dernière déjà, deux victoires de United acquises sur le fil et par des scores fleuves (4-3 ; 3-1) avaient rassasié tout le monde. Et puis, on allait enfin savoir. Le nouveau riche City allait-il enfin croquer le vieux rival qui règne en maître sur la ville ? City allait-il enfin exorciser ces Red Devils qui le hantent de leurs trophées. Hélas non, la belle affiche a déçu. Et c'est peu de le dire. Une première mi-temps synonyme d'échauffement, une deuxième jouée sur un tempo un poil plus soutenu, et une courte accélération sur la fin. Résultat : 0-0 façon Ligue 1 des bas fonds. La justesse technique des Mancuniens n'a pas masqué l'absence totale de prises de risque, encore moins celle d'occasions. Les deux rivaux ont refusé de jouer, se laissant tour à tour le soin de mener la danse. Programmé en milieu de semaine, ce match devait décider de la suprématie de la ville. Manchester attendra. Surtout, à l'heure où la France se morfondait devant sa Coupe de la Ligue, ce bouillant derby devait offrir du jeu. Là encore, on repassera. Récit d'un non match et tentative d'explication.
City : Hart - Zabaleta, Kompany, Touré, Boateng (Kolarov 83e) - De Jong, Barry,Yaya Touré - Milner (Johnson 73e), Silva - Tevez (Adebayor 92e)
: Van der Sar - Rafael (Brown 49e), Ferdinand, Vidic, Evra (O'Shea 69e) - Fletcher, Scholes, Carrick - Nani, Ji-Sung - Berbatov (Hernandez 78e)
Il est des 0-0 trompeurs, gavés d'occasions et de football champagne. Il en est d'autres bien fades, comme ce City - United, qui vous laissent un arrière goût de gâchis et l'amère impression de vous être trompé de match. Les supporters du City of Manchester Stadium s'imaginaient vibrer, ils assistèrent à un match terne, dominé par les défenses. Quand l'enjeu et la peur du ridicule se confondent, le jeu fout le camp. Certains argueront que l'art de défendre est tout aussi louable que celui d'attaquer. Mouais. Montrerait-on ce match dans les écoles de football ? On voudrait dégoûter la marmaille amoureuse de ballon rond qu'on ne s'y prendrait pas autrement. Non, s'il est quelque chose à tirer ce de nul, c'est seulement la faculté des deux équipes à défendre, en bloc et dans le respect absolu des consignes. Sir Alex et Mancini avaient eu la bonne idée d'aligner la même compo : un 4-5-1 avec du muscle dans l'entre-jeu et des créateurs sur les ailes. Les défenseurs ont brillé, bien aidés par leurs milieux respectifs. Coté City, la doublette Barry-Milner a fait le job. En face, le trio adverse Fletcher-Scholes-Carrick a excellé dans l'art de ralentir le jeu. Si jeu il y avait, c'était pour ressortir la balle proprement. Mais une fois parvenus dans les 30 derniers mètres, les attaquants des deux équipes n'ont jamais pris le dessus. Trop courts, trop petits ou pas du tout inspirés.
Pas besoin de cinq doigts pour compter les occaz sur sa main. Un coup franc enroulé de Tevez à la 35ème pour réveiller Van der Sar et une volée aérienne trop peu appuyée du bulgare Berbatov à la 57e. Et puis c'est tout. What else ? Ben rien. Ah si. Deux chevauchées du grand Yaya Touré qui le menèrent droit dans le mur. Et puis Berbatov, ou ce que la Bulgarie a de meilleur. Le sosie d'Andy Garcia n'a décidément pas d'égal pour conserver la balle. Qu'il ait un, deux ou cinq joueurs sur le râble, le Red Devil ne perd jamais le jouet, n'hésitant pas à slalomer dans le rond central pour donner de l'air au jeu de son équipe. Dommage que ses décrochages l'éloignent du front de l'attaque.
Voilà pour le jeu. C'est maigre, inattendu et à la fois pas si surprenant. Deux principales explications à ces promesses non tenues.La première, qui saute aux yeux, est la frilosité des coachs. Les deux avaient certes claqué leurs équipes-types du moment. Mais avec quelle envie ? Les grands entraîneurs le concèdent à l'occasion : pour déséquilibrer l'adversaire, il faut accepter de se déséquilibrer soi-même. Ce n'était clairement pas le mot d'ordre insufflé hier soir dans les vestiaires. Les deux tacticiens ont préféré bétonné. En cause, le coach écossais de United ne l'est pas vraiment. Déjà privé de Rooney, Owen, Giggs, Hargreaves et Valencia, Sir Alex a dû composer avec les blessures en cours de match de ses deux latéraux. En ce moment United fait le dos rond et attend des jours meilleurs. Mancini s'est pour sa part distingué par son manque d'ambition. Pourquoi ne pas injecter du sang frais plus tôt qu'à la 73e ?
Le jeu offensif pratiqué par son équipe est d'ailleurs sujet à interrogations : joueurs mal utilisés, peu de combinaisons, pas vraiment d'automatismes. Il repose presque exclusivement sur les épaules de Tevez. Les Citizens sont en construction donc. Mais cette absence persistante de fond de jeu de sa team ne semble pas inquiéter l'entraîneur italien outre mesure. " Un Messi, un Cristiano Ronaldo, une étoile comme ça, on pourra en prendre. Mais plus tard. Pour l'instant, ce qui m'importe, c'est de construire une base solide" , confiait-il récemment à So Foot. D'après lui, Yaya Touré n'est qu'un meneur de jeu provisoire. C'est Silva, lorsqu'il aura retrouvé ses jambes et musclé son jeu, qui assumera la direction du jeu. Autre détail croustillant de l'interview : le système en 4-5-1 ne serait qu'une adaptation aux diverses blessures et autres méformes du moment. Wait and see en substance. Problème : Roberto squatte le banc mancunien depuis presque un an. Et s'il est vrai que ses hommes ont changé cet été, son City ne cesse de décevoir.
La deuxième explication à ce flop retentissant réside dans les dynamiques plutôt similaires qui animent les deux clubs depuis le début de saison et qui auraient pu nous mettre en garde. S'ils restent jusque-là invaincus, les hommes de Ferguson n'ont convaincu personne. Le jeu pratiqué par les pensionnaires d'Old Trafford ressemble davantage à celui des banlieusards de Bolton qu'à celui d'une équipe jouant le titre. Toujours est-il qu'ils gagnent. C'est moche, mais ça passe. Les Citizens ne peuvent eux pas en dire autant. Plutôt en réussite face aux cadors du championnat malgré la gifle assénée par Arsenal (0-3), Tevez et Cie peinent à se défaire des seconds couteaux comme les défaites concédées sur la pelouse de Sunderland (2-0) et sur celle de Wolverhampton (2-1) l'attestent.
Alors oui, la méforme passagère d'un United en rodage et l'absence de fond de jeu du rival historique n'annonçaient pas une avalanche de buts. Mais ce derby laissait tout de même espérer autre chose que ce gâchis indigne de la Premier League. La prochaine fois, on matera la Coupe de la Ligue. C'est promis.