Giorno 4
Se lever à 4h30... avant même le soleil... pas de quoi en faire un fromage, diraient certains lève-tôt.
Eh bien si justement, et pas qu'un seul. On en a fait pas moins de 300 (chiffre plus qu'approximatif), et 4 sortes différentes. Même si je suis littéralement épuisée, je ne regrette en rien mon sacrifice de pourtant précieuses heures de sommeil.
Bon alors, comment ça marche?
D'abord, on pasteurise les 300 litres de lait (chèvre et brebis mélangés) à 60 degrés -dans une machine à vapeur si j'ai bien compris-,
que voici
on les laisse refroidir à 35 degrés, on y met le ferment
importé de France SVP! On n'utilise pas le même pour le fromage dur (type pecorino) et le fromage mou (type tomme de Savoie)
et la présure
désolée pour les végétariens: c'est fait avec de l'estomac de bovins. Ceci dit il en existe aussi de la végétale.
et on laisse reposer 20 minutes le temps que ça caille...
et la felciatta è già pronta! Ce fromage frais tout lisse, qui tire son nom de la fougère (felce) qui décore et donne de l'arôme, n'a pas un goût très prononcé mais c'est très fin (d'aucuns -comme moi qui me suis enfilé la barquette d'un coup, par exemple- ajouteraient que ça se mange sans faim).
Giuseppe remplit les petites barquettes pendant que Pina découpe la fougère
Ensuite, on mélange ce qui reste dans le chaudron
du coup c'est foutu pour l'aspect lisse
et on peut commencer la fabrication du fromage à pâte dure.
On verse tout ça dans des moules à trous
Si on le mange sans attendre (vous vous doutez bien que j'ai essayé), ça donne plus ou moins de la faisselle.
On met à égoutter/sécher dans une machine, et il ne reste plus qu'à saler (dans un bain de saumure) et à laisser stagionare dans la salle réfrigérée.
Celle-là même où je passe une partie de la matinée à astiquer des fromages, qui en sont à différents stades de maturation.
Avec le lait du deuxième chaudron (ferments blancs), on fait la même chose sauf que le résultat est un fromage à pâte molle.
La ricotta est faite avec le petit lait qui reste de la fabrication de tous ces fromages, en fait! Lait qui est recuit... d'où le nom!! (traduction littérale: la recuite). Je me coucherai moins bête ce soir. On y ajoute quelques litres de lait cru. Je ne sais pas si c'est seulement dans la région, mais on y trempe des branches de figuier en guise de présure (et peut-être aussi pour donner un petit goût).
On enchaîne avec un atelier fermage-découpage-collage: après que Pina a fermé hermétiquement les faisselles avec la machine à plastique, je découpe ce qui reste autour et colle l'étiquette avec la date de péremption.
Pour terminer (last but not least!), nettoyage en grand, alors que Giuseppe se dépêche d'aller livrer la Petite Fougère et la Recuite aux épiceries.
Enfin voilà... je suis bien contente d'avoir vu tout ça... je me livrerais bien à des petites expériences dans ma cuisine! Quand on voit à quelle vitesse caille le lait, ça encourage...
Sinon j'ai fait connaissance de toute la famille, qui n'habite pas bien loin. La seule fille de la famille (sœur de Giuseppe et Alberto, vous suivez?) a émigré dans les Pouilles (3 heures de route: pire que l'exil) pour y suivre son mari(rencontré pendant ses études de médecine), au grand dam de la nonna qui l'aurait bien gardée près d'elle: une si brave fille! Elle n'aurait pourtant eu aucun mal à trouver mari au village! En contrepartie, elle revient au bercail dès qu'elle a des congés, en ce moment par exemple.
Il y a de quoi s'y perdre dans la généalogie mais je fais de mon mieux pour m'y retrouver, sachant qu'il y a 2 Alfredo et 2 Maria puisque la coutume ici est de baptiser les petits-enfants premiers nés comme les grands-parents (un signe de respect, mais surtout une source de confusion, à mon humble avis)...
Pour corser le tout, il y des décalages de générations, l'arrière-nonna ayant eu son dernier enfant à 50 ans: résultat, la nièce de la nonna est plus jeune que moi (il n'y a pas de mal, diront certaines mauvaises langues).
C'est non sans étonnement que j'ai appris que Pina (la femme qui travaille avec nous à la fromagerie le matin) est aussi partie intégrante de la famille, puisqu'elle a épousé... le petit frère de la nonna (le petit dernier évoqué un peu plus haut), ce qui en fait (si mon raisonnement est bon)... sa belle-soeur.
Et ce n'est pas fini: dans la langue italienne, on utilise le même mot pour petits-enfants et neveux...
Mamma mia. Ils en font exprès.