L’islamisme après la tyrannie ?

En Libye, il est clair que le tyran Kadhafi devait tomber. Car sa dictature, d’une cruauté sans nom, n’avait pas lieu d’être au 21^ème siècle. Seulement je m’interroge : n’avons-nous pas tuer, en intervenant, la possibilité d’une réelle révolution au profit de l’instauration d’un régime islamiste ? Et ce par choix ?

Le Figaro le souligne ce matin (ce n’est pas mon journal préféré loin de là mais l’article est bon) : et si la nouvelle constitution était inspirée de la Charia ? Entendons nous bien : cette interrogation ne sort pas de la tête de fêlés comme Riposte Laïque ou quelques Identitaires en manque de scoop, mais de Mariie Al-Shabah, qui est l’un des leaders tribaux les plus respectés, mais surtout fondateur du Rassemblement démocratique progressiste. Car la constitution concoctée par le Conseil National de Transition semble vouloir imposer la Charia comme « socle de la loi ». Autrement dit, la loi divine devant la loi des hommes. Soyons clair, je ne suis pas en train de dire que Kadhafi avait fait mieux avec son « petit livre vert », bien au contraire, mais simplement qu’il est important de s’interroger sur ceux à qui nous avons donné la main dans ce conflit, et ce que cela implique. Même si, je tiens à souligner ici que le mouvement « Rassemblement Démocratique Progressiste » ne m’inspire pas tellement plus confiance, étant plus proche de l’UMP en terme d’idée que de l’anarchisme.

Car qu’avons-nous réellement cherché là bas si ce n’est d’avoir sous la main un exécutif docile qui nous offre les ressources dont nous « avons impérativement besoin » ? Ainsi, il semble (même si cela est démenti très maladroitement par le CNT et la France) que 35 % du pétrole libyen soit offert à la France (via Total).Voilà, c’est à craindre, le but réel de cette guerre et de l’engagement de la France (et de l’OTAN) dans le conflit. Et nous laissons d’ailleurs faire une « chasse à l’immigré » sans réellement réagir. Et cela avait déjà commencé, par simple racisme entretenu et généralisé, sous Kadhafi.

Il est difficile aujourd’hui de faire avaler que « l’on ne savait pas qui était au CNT ». Les services secrets français (entre autre) admettent avoir des contacts sur place, et plus particulièrement avec la plupart des chefs de guerres, depuis des mois voire des années. Nous savions donc exactement à quels types de personnes (et d’idéologies) nous avions affaire. Mais malgré cela, le CNT a été légitimé très vite, en particulier par la France.

Attention, je ne suis pas comme ces gentils allumés qui pensent que l’ère Kadhafi était merveilleuse avec des prétextes comme la gratuité de certaines choses, oubliant au passage les massacres, détentions, privations de libertés individuelles, camps de migrants, exploitations de main d’œuvre étrangères, lâcher de migrants en plein désert, patriarcat exacerbé, etc... Mais j’analyse ce qui se passe en ce moment comme un acte d’un cynisme sans borne avant tout destiné à nous assurer notre survie de petits occidentaux replets.

Demain, le peuple libyen risque donc de se retrouver sous une nouvelle dictature, d’un autre ordre que celle tyrannique et égotique de Kadhafi, une dictature « au nom de dieu ». Avec l’aval de l’OTAN, et implicitement de la France, voir de l’ONU.

Nous ne pouvons plus qu’espérer aujourd’hui que le peuple libyen dans son ensemble (les femmes sont et ont été les grandes absentes de la « révolution » libyenne, oppressées par un patriarcat sans borne) se soulève pour imposer un autre choix, d’autres voies que celles d’un retour à un « ordre naturel » oppresseur.

Et nous, de notre côté, il est grand temps que nous remettions en cause nos choix, nos dirigeants et nos implications collectives. Mais ça, je le dis assez (trop) sur ce blog.

Ps : pour parachever le cynisme, lire ce qu’attend le MEDEF en Libye….