Chez HADOPI, les affaires continuent. Mollement. Décidément, la gestion du droit d’auteur, et, de façon générale, les nouvelles technologies, vues du petit monde politique français, c’est vraiment la grosse rigolade.
C’est donc le début des « convocations », par la HADOPI, des internautes en délicatesse de téléchargements. Et pour un début, c’est un début un peu mou du mollet puisque l’audition qui impliquait un professeur de sciences économiques et sociales a été reportée : la Hautotorité a expliqué avoir besoin de plus de temps pour remonter la trace des méfaits de cet enseignant qui aurait déchargé du Shakira et du Lady Gaga (ne pouffez pas, c’est super grave, autant qu’un homicide involontaire, si si).
Rassurez-vous cependant. Tout ceci ne coûte que 12 millions d’euros par an, une misérable goutte de dépenses pertinentes dans un océan de déficits étatiques judicieux. Miam.
Là, je pourrais revenir en détail sur l’ensemble de l’historique chargé de la HADOPI, les articles de mon blog et d’autres étant nombreux. Mais ce n’est plus la peine : tout le monde sait, maintenant, que HADOPI est moribonde.
Dans l’esprit, la plupart des artistes avec deux sous de bon sens ont compris que ce bidule technocratique ne servait à rien, si ce n’est à ridiculiser et ringardiser ceux qui fricotaient à ses côtés.
Dans la pratique, les efforts pathétiques de l’institution pour tenter de juguler un « mal » dont, objectivement, presque tout le monde se fout, ont achevé de montrer l’incroyable médiocrité de nos élus lorsqu’il s’agit de traiter du numérique. Mis à part les majors (et encore, seulement leurs branches franchouillardes) et quelques politiciens à la carrière en déclin, tout le monde voit bien que l’actualité impose à l’Etat de dépenser plus intelligemment le peu d’argent qui lui reste : non, chasser l’internaute qui échange des films ou des musiques ne doit pas être une priorité pour ce gouvernement alors que le chômage, l’insécurité, et le zizi de certain socialiste n’arrêtent pas de grimper.
Et si dans l’esprit et la pratique, c’est plié, dans la loi, ça en prend le chemin aussi puisque même Aubry nous joue du flûtiau sur l’air de la licence globale, vrai bon gros morceau de collectivisme pur puisqu’il s’agirait de faire douiller à tous les internautes le droit de décharger tout et n’importe quoi (en substance) ; ceux qui sont des habitués des artistes en Creative Commons et autres sites de partage de musiciens libres de droits apprécieront de payer pour du Christophe Maé ou du Lorie qu’ils n’écoutent pas (ni ne déchargent).
En plus, à lire la proposition, on sent encore poindre l’usine à gaz dont sont si friands les mammouths des partis socialistes de droite et de gauche : quand ce n’est pas une licence globale fourre-tout, c’est une taxe ; quand on dépénalise le téléchargement d’un côté, on punit toujours la contrefaçon de l’autre. Et dans tous les cas, l’argent récolté sert bien sûr à dynamiser la production de crottes mauves en polystyrène de 3 m par 4, de Piotr Vladlalolo, devant une gare ou sur un rond-point de Clafouty-En-Champagne.
Maintenant, ceci posé ne donne en revanche aucune voie de sortie de la LOPPSI, dont on peut dire que c’est un beau cheval de Troie de toutes les innovations liberticides en matière de société de l’information et qui, elle, continue de faire, lentement mais sûrement, de considérables dégâts dans la vie numérique française…
J’en veux pour preuve les récents développements induits par une circulaire publiée au B.O. du Ministère de la Justice (si si, il y en a un en France), le 31 août 2011, et qui détaille le cadre juridique des logiciels et matériels espions que notre police nationale va pouvoir déployer pour choper du pédophile et du terroriste sur l’interweb.
Si l’on jette un œil (ne prenez pas cette peine, c’est le sabir habituel en légalinois de combat) on trouve mention des « dispositifs de captations de données informatiques, ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, d’accéder en tous lieux à des données informatiques, de les enregistrer, les conserver et les transmettre, telles qu’elles s’affichent sur un écran pour l’utilisateur« , afin bien sûr de « permettre la prise de connaissance du contenu du texte avant qu’il ne soit crypté« .
Certes, un juge devra toujours autoriser nos policiers à installer le logiciel ou le matériel sur la machine ciblée, mais on comprend que, dans le principe, il s’agit réellement de donner les moyens légaux d’effectuer une surveillance poussée des ordinateurs d’une cible quelconque, et surtout, avant que le cryptage rende l’opération éminemment pénible.Ici, on pourra pouffer quelques secondes en relativisant tout de même l’effarante nouvelle puisque le niveau général de nos forces de police et de gendarmerie en matière de nouvelles technologies laisse présager de grands moments de bravoure.
Accessoirement, les OS modernes permettent assez facilement de repérer les keyloggers logiciels. Quant aux matériels, on se demande exactement quel type de cible terroriste ou pédophile serait assez abyssalement stupide pour ne pas vérifier son appareil physique une fois de temps en temps, surtout si elle s’en sert pour des activités parfaitement illicites comme (au hasard) télécharger du Lorie ou du Christophe Maé.
Bref, on peut le constater : même si le gouvernement est empêtré dans une conjoncture économique qui n’en finit pas d’empirer, même si nos prétendants à la présidence papotent gentiment sur la nouvelle usine à gaz qu’ils nous concoctent pour remplacer l’échec hadopitoyable, l’administration du pays, elle, continue son petit bonhomme de chemin pour broyer un peu plus nos libertés fondamentales.
On est vraiment bien, en France, douillettement protégés des pédophiles, des terroristes, et des salauds qui téléchargent Lorie et Christophe Maé.