Magazine
S’en va, ne s’en va pas … C’est le genre de dilemme pseudo cornélien sur lequel la Minustah arrive toujours à faire l’équilibriste. En fonction d’une certaine logique légaliste, il faudrait plier bagages, mais sur le fond de l’affaire, quitter risquerait de plonger la population et les expats dans un nouveau chaos. J’essaie de m’imaginer la réaction canadienne à un retrait de la Minustah, je pense que nous serions fortement invités à rentrer dans le froid. Ici donc, le ton a augmenté d’un ton (justement) au cours des derniers jours. La Minustah, outre le simple fait d’être une force d’occupation, a engrangé quelques gaffes au cours des dernières années, gaffes qui poussent beaucoup d’haïtiens à souhaiter son départ. Il y a des histories de viol, de meurtre, de vol, le choléra et la dernière en date, l’agression sexuelle de soldats uruguayens sur un jeune de Port-Salut, zone touristique du sud du pays. La grogne est si intense que « tous » les haïtiens ont vu la vidéo qui a circulé sur Youtube montrant les soldats en train d’humilier le jeune homme, tous même si probablement moins de 20% des haïtiens ont accès au Web ! Rien n’est encore confirmé (et ne le sera jamais…) sur la véracité de cette histoire de viol du jeune haïtien par des soldats uruguayens, mais la Minustah n’a pas pris de chance à remis ces joyeux soldats sur l’avion, un aller simple vers la maison. La vidéo (qui ne présente pas le viol mais une scène de domination franchement humiliante) est en soi assez choquante pour que le président uruguayen offre des excuses à son homologue et au peuple haïtiens. Les médias et la rue se sont emparés de l’histoire. Aux abords du Champs de Mars, on trouvait cette affiche où on invitait les masisi (homosexuels) à quitter au plus vite le pays. La Minustah répète aujourd’hui ce qu’elle répète depuis deux ans, qu’elle planifie son retrait. Martelly le répète également et parle de la mise en forme d’une force nationale capable de prendre la place que les soldats onusiens vont laisser. Son discours est moins décisif sur cette question, le bonhomme comprend que ses plus grands alliés dans le contexte politique actuel sont à l’extérieur du pays. Les forces politiques haïtiennes comme la fonction publique (dont la PNH) seraient plutôt à couteau-tiré avec un président qui prend une bonne partie de sa popularité dans le creuset de la désaffectation populaire envers les politiciens et fonctionnaires. Si la Minustah continue de se tirer dans le pied, on peut penser que son plan de sortie (auquel je ne crois pas du tout) confronte un échéancier un peu plus serré.