Magazine Société

Scoot

Publié le 09 septembre 2011 par Toulouseweb
ScootC’est le nom de la future low cost long-courrier de Singapore Airlines.
ŤScootť… Littéralement filez, fichez le camp ! Ou encore partez en coup de vent ! Tel est le nom retenu par Singapore Airlines pour sa nouvelle filiale qui prendra son envol en avril prochain. Une compagnie low cost, visant l’établissement d’un réseau long-courrier et dotée de Boeing 777-200 Ťdensifiésť, équipés de 400 sičges. Cette initiative étonne, intrigue, en męme temps qu’elle crée un mouvement d’inquiétude dans la profession. En effet, si cette expérience est couronnée de succčs, elle risque de bouleverser certains aspects fondamentaux du transport aérien.
Jusqu’ŕ présent, en effet, le modčle économique low cost, imaginé ŕ l’origine aux Etats-Unis, ensuite transposé en Europe puis dans d’autres parties du monde, n’avait pas été appliqué ŕ des lignes longues ou de rares tentatives n’avaient pas abouti pour raison de difficultés insurmontables. Cette fois-ci, on tend l’oreille, sachant que SIA est une grande maison, qu’elle a construit sa réputation sur la qualité remarquable de son service ŕ bord et qu’elle est ce qu’il est convenu d’appeler un transporteur haut de gamme. Or, la voici qui vise l’autre extrémité du marché, le Ťlow fares, no-frillsť, c’est-ŕ-dire les bas tarifs liés ŕ un service minimal, qui plus est sur le long-courrier.
En cas de réussite, nombreuses seront les compagnies qui tenteront probablement de s’inspirer de ce précédent singapourien, au risque de cannibaliser leur propre marché traditionnel. Oů qu’ils soient dans le monde, les voyageurs résistent rarement ŕ l’appel des petits prix, clientčle d’affaires mise ŕ part. Reste ŕ savoir, et c’est loin d’ętre certain, s’il est possible de bâtir un modčle économique long-courrier solide sur des bases qui, ŕ premičre vue, sont trčs fragiles.
Entre autres caractéristiques, le concept low cost repose en effet sur une utilisation intensive des avions, laquelle suppose notamment des demi-tours en escale trčs brefs, 25 minutes tout au plus. Moyennant quoi chaque avion peut assurer une rotation supplémentaire par jour et produire ainsi un supplément appréciable de sičges/kilomčtres. A priori, cette rčgle n’est pas transposable ŕ un réseau impliquant des vols d’une durée de 8 ou 10 heures, voire davantage. Dans l’hypothčse d’un seul demi-tour par 24 heures en bout de ligne, le gain de temps serait négligeable, sans męme tenir compte de la durée d’un plein de carburant autrement longue pour un 777 que pour un A320 ou un 737. De plus, les aléas opérationnels et météorologiques propres aux lignes longues sont difficilement contrôlables et la notion de ponctualité peut facilement ętre mise ŕ mal.
Pour l’instant, les Singapouriens ne donnent pas d’informations précises sur Scoot. Peut-ętre imaginent-ils des horaires glissants qui permettraient ŕ leurs 777 de repartir pour une nouvelle rotation, par exemple deux heures aprčs leur retour, et cela sans tenir compte de l’heure. Aprčs tout, en échange de petits prix, une catégorie de passagers pourrait accepter d’embarquer ŕ des heures indues ou d’arriver ŕ destination au milieu de la nuit. Encore faudrait-il que les aéroports (et leurs riverains) acceptent les nuisances qui en résulteraient : les fuseaux horaires sont immuables, quels que soient les tarifs pratiqués !
En revanche, des 777 aménagés ŕ 10 de front et l’absence de services ŕ bord gratuits, un personnel navigant commercial minimal respectant tout au plus en nombre les normes de sécurité internationales, pourraient contribuer ŕ contenir les coűts et permettre des résultats financiers convenables malgré des grilles tarifaires écrasées. C’est le pari des jeunes patrons de Scoot dans le cadre d’une initiative dont on parle beaucoup, ces jours-ci, alors que la marque vient ŕ peine d’ętre déposée et que les premičres destinations n’ont pas encore été dévoilées. Les premičres lignes seront inaugurées au printemps prochain avec quatre 777 fournis par la maison-mčre, dotés d’environ 70 sičges supplémentaires. Passagers de grande taille s’abstenir !
Air Asia X, SpiceJet, Indigo, Mango et beaucoup d’autres pourraient suivre la voie tracée par Singapore Airlines et, si tel était le cas, les bases économiques de pans entiers du transport aérien pourraient ętre profondément bouleversées. Qui plus est au départ d’Asie, c’est-ŕ-dire dans une région du monde qui bénéficie d’un taux de croissance du trafic supérieur ŕ la moyenne mondiale. De ce fait, ce pourrait ętre un vrai coup dur pour les acteurs du canal historique, les Ťlegacy carriersť, déjŕ confrontés aux low cost qui pillent leurs lignes courtes et ŕ de nouveaux venus comme Emirates devenus maîtres dans le bon usage de la 6e liberté. Dčs lors, Scoot ressemble fort ŕ un cri de guerre.
Pierre Sparaco - AeroMorning

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Toulouseweb 7297 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine