Sous la blouse blanche, la soutane
Il est frappant d’observer dans le domaine de la médecine, et dans tout ce qui touche à la connaissance et à la maîtrise du vivant, une transposition étonnante du symbolisme chrétien1. Sans pouvoir ici entrer dans les détails2, relevons simplement que, depuis Pasteur, fervent catholique qui a dénaturé les théories de ses contemporains pour les calquer sur ses croyances religieuses, le médecin a pris la place du prêtre dans l’inconscient collectif : la recherche de la santé a remplacé la quête du salut, l’espoir de l’immortalité physique (par clones, manipulations génétiques, etc.) prend le dessus sur l’attente de la vie éternelle, la vaccination a acquis le même statut initiatique que le baptême (et son refus suscite les mêmes peurs), un vaccin universel nous sauvera demain de toutes les maladies comme le Sauveur a racheté tous les péchés du monde.
L’alliance entre le pouvoir médical (Conseil de l’Ordre, lobby médico-pharmaceutique) et le gouvernement se calque sur celle existant autrefois entre l’Eglise et l’Etat. Les “charlatans” sont poursuivis comme les “hérétiques” d’autrefois, et le dogmatisme prévaut sur l’ouverture à des théories et des hypothèses sortant des voies officielles. Un même esprit de déresponsabilisation caractérise le discours médical actuel et les sermons du passé : l’individu contemporain doit s’en remettre à une autorité extérieure pour sa santé et son salut, il ne peut rien par lui-même, sans ces intermédiaires. Il est aujourd’hui aliéné de son corps comme hier de son âme. Il continue d’être manipulé par la peur et par des espoirs infantiles.
Cette transposition inconsciente de la symbolique chrétienne sur la médecine, ainsi que les espoirs et attentes qui sont ainsi reportés sur elle, lui confèrent une légitimité et lui donnent une puissance que ne justifient nullement ses seuls résultats objectifs : les vaccins montrent aujourd’hui les limites et les dangers que leur avaient déjà prédit des contemporains de Pasteur, les antibiotiques génèrent des multi-résistances, de nouvelles maladies ne cessent d’apparaître ; mais un efficace écran de communication masque ces réalités au grand public. La médecine jouit d’une aura protectrice, elle est porteuse d’une mission messianique : sauver l’humanité des maladies, lui assurer l’immortalité, la libérer de la souffrance. Inutile d’opposer une argumentation rationnelle à ses dérives et ses échecs : le religieux relève de l’irrationnel.
“Qui fait l’ange fait la bête”, dit le proverbe. Et similairement, c’est en réalité le mythe Faustien qui se joue sous nos yeux. La médecine et les sciences du vivant ont depuis longtemps vendu (ou tout au moins perdu) leur âme et cherchent à se rendre maîtres de la vie, en lui niant toute dimension spirituelle ou sacrée. Qu’importe le spirituel quand point l’espoir d’une existence physique indéfinie ? Le nombre de personnes qui se font cryogéner après leur décès témoigne de ce report du religieux sur le profane.
Selon la mythologie chrétienne, l’archange Lucifer (porteur de lumière) a chuté par orgueil pour s’être cru l’égal du Créateur. On ne peut manquer de trouver des ressemblances entre ce récit symbolique et ce à quoi nous assistons aujourd’hui. N’y a-t-il pas un orgueil extraordinaire à s’imaginer que l’homme, grâce aux seules lumières de la science, va se rendre maître du vivant en s’y prenant de la façon dont il le fait actuellement, c’est-à-dire sans respect pour la vie ?…
Ouvrons les yeux. Depuis un siècle, les miracles médico-scientifiques d’un jour deviennent les mirages du lendemain : l’état de santé dramatique de la planète comme celui de l’humanité en témoignent assez. On nous promet chaque fois que la prochaine étape sera la bonne, que la prochaine découverte, le prochain remède nous donnera LA solution. Et quand cette solution révèle ses faiblesses et des défauts parfois pires que ses bienfaits, on nous vante de nouveau les mérites du prochain mirage…
La prochaine étape aujourd’hui, c’est la génétique : on nous promet que la génétique va tout sauver, tout arranger, guérir tout ce que les précédentes découvertes n’ont pas guéri ainsi que tout ce qu’elles ont provoqué comme pathologies iatrogènes. Mais ce nouveau mirage reculera devant nous comme les autres, car l’état d’esprit fondamental de la médecine n’a pas changé d’un iota : et quelle mauvaise surprise se révélera lorsque le mirage se dissipera ?…
Comme un nombre croissant d’individus aujourd’hui, je suis de l’avis que seule la responsabilisation personnelle, à tous les niveaux (intellectuel, médical, social, spirituel, etc.) peut nous apporter ce que des générations de manipulateurs nous ont fait espérer d’une autorité ou d’un rédempteur extérieur, pour mieux nous exploiter en son nom. Je suis donc convaincu qu’aussi longtemps qu’elle est animée par la mentalité qui la caractérise aujourd’hui, la médecine ne nous apportera pas plus la santé collective que deux mille ans d’un christianisme dénaturé par les premiers conciles n’ont apporté la paix et l’amour dans le monde.
Pour conclure, un changement de paradigme commence à s’opérer, non seulement dans la médecine, mais dans l’éducation, l’économie, etc.
L’ancien paradigme disait : “Vous êtes faibles, vous êtes fragiles, vous ne pouvez rien faire par vous-même. Laissez-nous faire, nous les spécialistes, les experts, les autorités. On s’occupe de tout, on contrôle tout. Nous allons vous apporter la solution à tous vos maux.”
L’état du monde aujourd’hui en montre globalement les conséquences.
Le nouveau paradigme affirme plutôt : “Nous avons en nous tout ce dont nous avons besoin. Prenons notre vie en charge.
Développons tout notre potentiel. Assumons notre santé, notre évolution, notre épanouissement, bref, notre existence à tous les niveaux. Lisons, cherchons, expérimentons, responsabilisons-nous.
Il n’y a que la transformation personnelle qui paie.”
Ce paradigme porte en lui le germe d’une humanité sortie de son enfance et de ses peurs.
Olivier Clerc
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1. Lire notamment à ce propos : “La mythologie programmée”, de Perrot, Rist et Sabelli, PUF.
2. Cf. Médecine, religion et peur, O. Clerc, Jouvence 1999