Le ridicule peut tuer. Nicolas Sarkozy, cette semaine, ne l'a pas réalisé. Ou il s'en fiche. Il parie sur le pire. Qu'importe la tornade boursière, le probable éclatement de l'euro, une nouvelle récession.
Il est en campagne, et l'effondrement du système est là pour le servir, excuser ses promesses non tenues, légitimer son immobilisme si chiraquien.
L'insécurité, même économique, est toujours un excellent thème de campagne pour (ré)élire les incompétents.
Faillite financière ?
Vendredi et samedi, les ministres du G7 se réunissaient à Marseille. Le campus UMP, un fiasco interne pour Nicolas Sarkozy, est terminé depuis 7 jours. Un troisième préfet est installé. Les ministres peuvent plancher, tranquillement, sur comment éviter une récession mondiale. Il est à peu prêt certains que ce conclave ne servira à rien. Prudents ou trouillards, les ministres avaient prévenus qu'il n'y aurait aucun communiqué final. Même les annonces, tonitruantes, de Barack Obama, la veille, pour soutenir l'emploi aux Etats-Unis, n'ont pas calmé l'excitation boursière.
Les traders dépriment, les banquiers s'inquiètent, ça tangue en Bourse. Londres, Paris ou Tokyo, aucune place financière n'a été épargnée cette semaine. Excepté un court repos « technique » en milieu de semaine, les bourses occidentales ont dégringolé. Vendredi, la démission du directeur des études économiques de la BCE, trois ans avant la fin de son mandat, a été la goutte d'eau qui fit déborder le vase. La BCE se déchire. Le grand gouvernement économique de la zone euro vanté par Sarkozy à la mi-août a du plomb dans l'aile.
Cette crise de nerfs effraye. Elle risque d'assécher le crédit interbancaire, comme en 2008. Les banques ne se font plus confiance les unes aux autres. Christine Lagarde, depuis qu'elle est directrice du FMI, a recouvré une relative liberté de parole. Il faut rester prudent. Mme Lagarde est réputée pour son anglais courant et ses gaffes à répétition, signes d'une absence totale de sens politique. Cependant, la patronne du FMI aimerait que la France réfléchisse à la recapitalisation de ses banques. Il faut avouer que le risque paraît grand. Nos 4 principales banques françaises (BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, Banque populaire) sont exposées à hauteur de 10 milliards d'euros en Grèce, et 41 milliards en Italie. La rumeur des marchés, vendredi, donnait la Grèce quittant l'euro dans les prochains jours.
Sarkozy voyage
Quand le patron du navire vous conseille d'enfiler votre gilet de sauvetage, on écoute. Pas en Sarkofrance.
En Sarkofrance, Nicolas Sarkozy inaugure ... un TGV. Ah. Et oui. On se croirait sur le Titanic. L'orchestre est encore là. Quand le Monarque se déplace, on baisse les yeux, on se tait, on écoute. Il faut avouer qu'il avait fait le ménage. Aucun élu local n'avait été autorisé à s'exprimer publiquement lors de son inauguraion du TGV Rhin-Rhône. Après tout, aucun d'entre eux n'est en campagne électorale. Deux jours avant, le Monarque parlait emploi et chômage avec des routiers, comme Giscard il y a trente ans, et comme dans les Vosges le vendredi d'avant. Il évita les ouvriers. Les questions posées étaient connues, les réponses préparées et sans intérêt. La presse retint que finalement Sarkozy aimait les emplois jeunes. Sarkozy fait avaler des couleuvres à son camp comme des suppositoires à un constipé. Sans précaution.
Chut! Sarkozy ne veut plus que l'on répète qu'il est candidat. Brice Hortefeux a du faire une mise au point, bien inutile, jeudi 8 septembre. Ces derniers jours, Henri Guaino s'est pré-positionné, en affichant sa « soif de campagne ». En bref, les courtisans s'impatientent. Les « cellules » sont prêtes, les argumentaires se rodent, sondages à l'appui. On nous précise, dans le Monde, que, pour l'Elysée, la « bataille de crédibilité se livre auprès des électeurs de 50-64 ans ». A 49 ans ou moins, circulez tranquillement. Après 65 ans, Patrick Buisson ne vous « calcule » plus.
Il ne se passe plus un jour sans qu'un journaliste accrédité décrive ces préparatifs de l'ombre, citations anonymes à l'appui, la preuve que l'Elysée alimente ce double discours. Si l'agenda officiel de Nicolas Sarkozy reste incroyablement vide, des demi-journées durant, on est frappé du nombre de réunions récurrentes dont le seul objet est d'observer l'opinion et de travailler des argumentaires, dont trois par semaine pour parler sondages et communication. Sans compter les « petits-déjeuners de la majorité » (chaque jeudi), ou les invitations collectives aux parlementaires UMP à l'Elysée. Sarkozy n'a rien à vendre que son bilan, bien maigre, et sa candidature. Il dit qu'il travaille, mais on ne le voit ni l'entend jamais à l'oeuvre. Paradoxe... ou hypocrisie ?
Mercredi, après quelques heures de mini-psychodrame, les députés UMP ont voté le mini-plan de rigueur, avec des aménagements remarquables: le relèvement de TVA sur les parcs à thèmes a été sacrifié par Sarkozy trois jours avant pour faire plaisir à Raffarin. Et remplacé par une taxe sur les nuitées d'hôtel à plus de 200 euros. Les mutuelles couteront 3,5% plus cher (trois fois l'inflation); la CSG augmentera sur les revenus de remplacement. Quelques dizaines de milliers d'ultra-riches (500.000 euros de revenus annuels par part fiscale) paieront ... 3% de taxe exceptionnelle et temporaire sur les revenus supérieurs... Formidable ! Au final, ce plan de rigueur, insuffisant et injuste, n'a rassuré personne, pas même les bourses. Circulez, il n'y a rien à voir. Au moins, le plan de sauvetage de la Grèce, 15 milliards de dette en plus, a été voté.
Vendredi, il a donc tenu son petit-déjeuner avec Jean-Pierre Raffarin. 8 jours auparavant, le sénateur du Poitou avait claqué la porte de ces « petits-déjeuners de la majorité », après avoir lu Sarkozy le traiter d'irresponsable. « Nous nous sommes expliqués de manière approfondie, nous avons fixé des lignes d'avenir, nous avons apaisé les récentes tensions » a commenté Raffa-Rien sur son blog, dans un billet intitulé « Explications approfondies, climat apaisé».
Cette semaine fut à nouveau riche en citations drolatiques: « Quand on fait la guerre, on ne s'occupe pas de la prochaine élection» s'est ainsi exclamé Brice Hortefeux. Autre grand moment - ne riez pas - « Depuis Lawrence d'Arabie, jamais un pays occidental n'avait tendu la main à la rue arabe » a déclaré « lui-même personnellement » notre Monarque. Et « sans rire », a précisé le Figaro. On imagine le fidèle journaliste du quotidien de Sarkofrance, incrédule ou à bout. Le constat est terrible. Même le Figaro n'y croit plus.
Parlons donc de la Libye. A Tripoli, Human Watch a mis la main sur quelques dossiers compromettants pour les diplomaties occidentales. Le démenti français fut très mou. On n'a pas non plus entendu de réaction officielle aux révélations sur les négociations Sarkozy/Kadhafi via Takieddine. Le clan Sarkozy se serait financé sur de judicieux contrats publics. On cherche les preuves; on attend l'épreuve.
« Sarkozy le Libyen » ne souhaite évoquer que sa « ténacité ». Le Guardian parle plutôt une rage narcissique après l'humiliation de décembre 2007, quand le colonel Kadhafi avait étendu sa tente à Paris. La guerre, comme la crise, est un thème électoral porteur si vous savez l'instrumentaliser.
Sarkozy, donc, attend le pire, la faillite du système, l'effondrement général. Qu'importe la disparition de l'euro, la perte d'un triple A, une nouvelle faillite bancaire comme celle de Lehamn Brothers en 2008. Il paraît que les courtisans parient sur le pire, et espère un sursaut de dernière minute, dans l'isoloir.
Pour paraître crédible, le pompier pyromane joue sur le réflexe de survie.
Mais qui confierait le volant d'une ambulance à un chauffard ?