Il y a quelques semaines, une dizaine de jeunes hommes, accusés de viol sur mineur de moins de 15 ans et de prostitution ont été condamnés à des peines allant de 1 à 3 ans de prison.
L’affaire a fait un peu de bruit, en particulier sur des blogs d’extrême droite – les dits jeunes gens n’étaient ils pas forcément de culture islamique pour être aussi barbares – et l’on souleva, une nouvelle fois, le laxisme d’une justice « du côté des violeurs ».
J’aurais déjà aimé expliquer à toutes les bonnes âmes qui voudraient, absolument, que la jeune fille soit « détruite », ne puisse « jamais se reconstruire », soit « définitivement massacrée » qu’il n’y a heureusement pas de fatalité. Comme si avoir été violée ne suffisait pas, il faudrait en plus, être suicidaire, voire suicidée. Il y a quelques années, on entendait beaucoup parler de la résilience concept que certaines féministes accueillirent assez mal. Il faut dire qu’on pouvait parfois croire que si tu n’étais pas résilient, tu avais raté ta vie. Evidemment, cela n’était pas ce qu’entendait Cyrulnik. On peut donc – et on le souhaite - qu’espérer que cette jeune fille mène maintenant une vie très heureuse, et au vu des paroles de son avocat, c’est ce qu’elle tente de faire.
Il y a toujours un comportement attendu face aux victimes de traumas. Soit elles doivent sombrer dans la dépression et se suicider ; ne pensez pas que j’exagère et observer les discours face à elles « je ne sais pas comment elles font, personnellement je me sentirais irrémédiablement souillée », soit elles doivent au bout d’un temps déterminé et de préférence assez court, cesser de se répandre et aller de l’avant. On se souviendra par exemple du discours qui a entouré les personnes déportées après la guerre.
Revenons maintenant sur ces fameuses expertises psychiatriques qui suscitent tant d’émoi. Oui le viol collectif peut être un acte de socialisation. Comme l’excision est un acte de socialisation. Comme l’école en est (était ?) un. Ou l’armée. la socialisation n’est ni positive ni négative ; elle montre juste qu’il y a un acte censé socialiser ses acteurs dans une communauté donnée. J’ai ici en mémoire un viol collectif qui m’avait été rapporté par une éducatrice chargé d’un des très jeunes violeurs. déjà, tout comme nos coupables d’ici, il n’y avait aucune conscience de l’acte commis. La victime était allée avec l’un d’entre eux, elle voulait bien sortir avec l’un d’entre eux, elle n’avait rien dit au moment du viol donc il n’y avait pas viol. Ce jeune garçon (de 13 ans je crois) avait été entraîné par les plus âgés ; on lui avait expliqué qu’il était un pd, qu’il n’était pas digne d’être un homme. Dire cela n’est pas excuser ce jeune garçon c’est comprendre ce qui l’a poussé à agir, comme on a pu expliquer des comportements collectifs innommables à toutes les époques. Et oui je fais malheureusement totalement confiance aux psychiatres lorsqu’ils disent que ces jeunes gens là n’ont aucune espèce de conscience de ce qu’ils ont fait ; ce qui ne signifie pas qu’ils ne sont pas coupables ou pas responsables. Cela signifie juste qu’il y a un énorme travail à faire avec eux qui serait, en principe fait par des éducateurs à la protection judiciaire de la jeunesse (mais je crois que ces derniers ne travaillent qu’avec des mineurs).
Revenons enfin sur les peines. Rappelons que nous n’étions pas au procès et que, si l’on veut absolument une peine « pour la victime » celle-ci a déclaré à son avocat être satisfaite des peines infligées.
Personnellement, lorsque j’ai tendance – sans rien connaître d’une affaire – à bougonner sur le supposé laxisme d’une peine, je me demande par quoi il a été motivé et surtout ce que cela aurait changé si la peine avait été plus lourde. Personnellement je m ‘inquiète bien davantage du manque total de suivi des détenus en prison. A quoi servira cette peine s’ils en ressortent sans avoir rien compris ? A quoi est censée servir une peine de prison ? Satisfaire la victime ? Réparer son trauma ? satisfaire la société ? Ecarter un individu un temps donné ? Attendre qu’il fasse acte de contrition ?
Donc je ne sais pas. Je n’étais pas jurée à ce procès, ni juge, ni avocat.