
En Libye, le conseil national de transition est mieux entouré, mieux conseillé, qu’on ne veut bien le dire, les rebelles sont aussi autrement bien équipés que ne le laissent supposer les images. Ainsi, la prise de Tripoli aurait-elle été facilitée par l’usage d’un mini-drone de reconnaissance capable de vision nocturne, fourni par une entreprise de Toronto, Aeryon Labs. Il y a lŕ matičre ŕ réflexion.
On retiendra tout d’abord qu’ŕ ce propos, le Ťbuzzť, comme on dit aujourd’hui, serait entretenu par une forme subtile de marketing viral (sic). Il faudra que des experts se penchent sur la question, pour autant qu’il en existe. Le fait est que l’information est venue jusqu’ŕ nous, qu’elle est plausible et met en scčne un appareil quadrirotor d’un poids de 1.300 grammes (on n’ose pas utiliser l’expression habituelle de masse maximale au décollage). Voici donc un exemple parfait d’UAV miniaturisé, capable de décoller et atterrir verticalement et d’emporter 400 grammes d’équipements, en l’occurrence une caméra de transmission d’images en temps réel. La propulsion est électrique et on suppose cet UAV quasiment indécelable, tant il est petit et silencieux. Son endurance serait de 25 minutes, sa vitesse maximale de 50 km/h et un Blackberry pourrait servir de station de réception au sol.
Du coup, des questions se posent, beaucoup de questions. Le fait, tout d’abord, qu’Aeryon Labs, qui n’a rien d’une officine secrčte, ait obtenu des autorités d’Ottawa l’autorisation d’exporter cet étonnant petit engin dans une région du monde passablement agitée. A moins, bien sűr, que les autorités canadiennes n’aient supposé que les sbires du colonel Kadhafi n’auraient su que faire d’un tel mini UAV qui serait tombé entre leurs mains. Ils préfčrent ŕ coup sűr chars, roquettes et Kalachnikov.
Les événements libyens sont ŕ l’image de toute une époque. De toute évidence, mieux vaut disposer de missiles portés ŕ l’épaule et de minuscules UAV que d’avions et d’hélicoptčres de combat trčs sophistiqués pour remporter des combats de rue. Ce pourrait ętre, ŕ premičre vue, la négation des technologies de pointe, des matériels dits de nouvelle génération, des budgets de recherche et développements toujours plus importants. Mais ce n’est pas le cas ! Tout au contraire, le conseil national de transition libyen a bénéficié de la miniaturisation d’un type de matériel bien dans son époque, sophistiqué, performant et probablement peu coűteux, toutes proportions gardées. Les milieux bien informés (…) laissent entendre que le prix catalogue de l’UAV conçu ŕ Toronto serait de 120.000 dollars.
Aeryon Labs, dont personne n’avait entendu parler jusqu’ŕ présent, n’est évidemment pas seul sur ce créneau. En France, Thales Security Systems, Bertin Technologies, Sagem, tout comme EADS et Dassault et quelques autres, ont des idées et des projets, sans parler de l’Onera trčs présent en la matičre dčs la premičre heure (1).
Marketing viral mis ŕ part, le petit appareil d’Aeryon Labs pose quand męme un sérieux problčme. Il rappelle, si besoin est, que des bureaux d’études conçoivent des UAV qui tiennent dans la paume de la main, qui seraient miniaturisés au point de pouvoir se confondre avec une vulgaire mouche. On n’ose męme plus faire allusion ŕ Big Brother et la tentation est grande de fermer toutes les fenętres, de peur que le directeur de la communication d’Aeryon Labs n’envoie son dernier-né lire cet article par-dessus notre épaule. Faut-il en rire ou en pleurer ?
Pierre Sparaco - AeroMorning
(1) Les historiens ont du pain sur la planche. Le concept de l’engin de surveillance non piloté aurait été mentionné pour la premičre fois par Léonard de Vinci.