Question d'un parlementaire :
La question :
Mme Delphine Batho attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement concernant les difficultés que peuvent rencontrer certains maires en matière d'urbanisme lorsqu'ils se voient contraints de faire stopper des travaux soumis à permis de construire ou à déclaration préalable n'ayant pas fait l'objet de demande. Elle lui demande si une réflexion a été engagée sur l'opportunité de soumettre les professionnels du bâtiment à l'obligation de demander à leurs clients de leur fournir la preuve que les demandes d'autorisations administratives, permis de construire ou déclaration préalable de travaux, ont bien été sollicitées avant de commencer les travaux.
La réponse :
Il résulte des dispositions des articles L. 480-1 et L. 480-2 du code de l'urbanisme que dès lors qu'il a connaissance d'une construction sans permis de construire, le maire, ou le préfet par voie de substitution, est tenu de faire dresser un procès-verbal de l'infraction ainsi commise, de prendre un arrêté interruptif de travaux et d'en transmettre sans délai une copie au procureur de la République. Il dispose également de la faculté de prescrire l'exécution aux frais du constructeur des mesures nécessaires à la sécurité des personnes et des biens. Par contre, l'opportunité des poursuites relève de l'appréciation du ministère public. Les contrats d'entreprise ayant pour objet l'exécution de travaux ne sont pas soumis à une réglementation spécifique et relèvent donc du droit commun des contrats. À ce titre, il paraît difficile de soumettre les entrepreneurs à une obligation expresse de vérification de l'existence d'une autorisation d'occupation du sol ou de travaux. Toutefois, même en l'absence de réglementation spécifique, l'entrepreneur, en tant que professionnel, reste soumis à une obligation de conseil et à un certain nombre de diligences telles que notamment la vérification de l'existence d'un permis de construire ou de déclaration préalable de travaux (Cassation 3e civile, 2 octobre 2002, n° 99-12 925, publié au Bulletin officiel).
Cet arrêt :
"Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 19 janvier 1999), qu'en 1989, Mme X... a chargé la société Deixonne de la rénovation et de la construction d'un immeuble ; qu'après exécution de travaux, un litige a opposé les parties sur l'apurement des comptes et l'entrepreneur a assigné le maître de l'ouvrage en paiement de diverses sommes ;
Attendu que pour condamner Mme X... à payer à la société Deixonne une somme au titre de la diminution de la masse des travaux, l'arrêt retient que le maître de l'ouvrage était assisté d'un architecte et que l'entreprise de construction n'avait nulle raison de penser que le permis de construire mentionné était insuffisant pour la construction projetée aux termes du marché, alors qu'elle n'avait pas participé à l'obtention du permis de construire ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombe à l'entrepreneur, tenu d'une obligation de conseil, de s'assurer que le devis estimatif qu'il établit est en concordance avec la construction autorisée par le permis de construire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que pour condamner Mme X... à payer à la société Deixonne une somme à titre de révision du prix à la suite de l'interruption du chantier, l'arrêt retient que celui-ci a été suspendu pendant neuf mois sur injonction de l'Administration pour non-respect du permis de construire, que Mme X... affirme sans preuve que la société Deixonne avait changé les plans de sa propre initiative, et qu'une entreprise de construction ne pouvait opérer une modification d'une telle importance sans ordre du maître de l'ouvrage ou de son architecte, puisque les fenêtres avaient été pratiquées sur une autre façade que celle prévue au permis de construire d'autant plus que ni le maître de l'ouvrage ni l'architecte n'avaient élevé de protestation auprès de la société Deixonne ;
Qu'en statuant par de tels motifs, qui ne suffisent pas à établir que les modifications apportées à l'ouvrage avaient été exécutées par la société Deixonne à la demande de Mme X..., la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme X... à payer à la société Deixonne une indemnité au titre de diminution de la masse des travaux et une somme à titre de révision du prix à la suite de l'interruption du chantier, l'arrêt rendu le 19 janvier 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société Deixonne aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Deixonne à payer à Mme X... la somme de 1 900 euros ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Deixonne ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille deux."