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Etats d'âme américains

Publié le 14 septembre 2011 par Toulouseweb
Etats d’âme américainsLe complexe militaro-industriel s’est-il évaporé ?
Décidément, rien n’est simple aux Etats-Unis. Au lendemain des célébrations du Ť9/11ť, en męme temps qu’elle est plongée dans les pires difficultés économiques et financičres, la nation tout entičre a du mal ŕ garder le moral. D’autant que des inquiétudes apparaissent dans un domaine que l’on croyait encore solide, celui de la Défense.
Dernier exemple en date, Buck McKeon, influent membre républicain du Congrčs, fin connaisseur puisqu’il est président du House Armed Services Committee, estime que la Chine est devenue outrageusement menaçante, Ťtient nos amiraux éveillés la nuitť en męme temps qu’elle révčle les faiblesses militaires croissantes des Etats-Unis. Il y a tout simplement déséquilibre en matičre de potentiel militaire et, compte tenu des mesures d’économies qui sont annoncées, les moyens mis ŕ disposition du Pentagone risquent d’ętre bientôt Ťdécimésť. Une affirmation accompagnée de précisions accablantes, notamment la perspective de réduction budgétaires encore plus sévčres que ce qui a été dit précédemment.
Bien entendu, il s’agit lŕ d’une voix républicaine et, au-delŕ des médias et des Ťpolicy makersť, c’est l’administration Obama qui est visée. D’oů l’extręme difficulté ŕ faire la part des choses. En revanche, au męme moment, on remarque un commentaire trčs fort de Marion Blakey, directrice de l’Aerospace Industries Association of America. Contre toute attente, elle affirme que le complexe militaro-industriel américain ...n’existe plus. Une maničre comme une autre de dire ŕ qui veut bien l’entendre que les récriminations relatives ŕ des budgets en berne ne sont pas inspirées par les industriels.
L’expression est tout simplement dépassée, elle n’a plus qu’une valeur historique, estime Marion Blakey. Elle précise que les Etats-Unis ne comptent plus que sept grandes entreprises capables d’assurer la maîtrise d’oeuvre de grands programmes militaires, venant de 150 environ au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Et d’ajouter que les dépenses du Pentagone ne représentent Ťqueť 5% du PIB, contre 38% en 1944. Mais cette comparaison n’est évidemment pas ŕ l’abri de sévčres critiques.
Quoi qu’il en soit, Marion Blakey fait ainsi preuve d’une remarquable habileté. Elle évite soigneusement d’entrer dans le jeu politique de McKeon mais trouve quand męme le moyen d’abonder dans son sens. Dans la foulée, elle se permet aussi une petite leçon d’histoire, rappelant aux jeunes générations que le Ťcomplexeť a ainsi été défini et commenté par le président Dwight D. Eisenhower ŕ l’occasion d’un discours resté célčbre, prononcé le 17 janvier 1961, son adieu ŕ la nation le jour oů il quittait la Maison Blanche.
Un comble pour un général qui avait bénéficié d’un soutien inconditionnel d’une bonne part de l’électorat, y compris les militaires. Il craignait tout simplement qu’il ne soit plus possible de contrôler le Ťcomplexeť, au point de juger indispensable de prononcer cet avertissement empreint d’inquiétude. Un Ťcomplexeť (c’est lui qui avait inventé l’expression) qui faisait sentir son influence au coeur des milieux économiques, politiques Ťet męme spirituelsť. Les effets en étaient potentiellement désastreux, il s’agissait d’une influence mal placée, avait-il affirmé.
Quoi qu’en dise aujourd’hui Marion Blakey, męme s’il est trčs affaibli, ce thčme ne s’est pas tout ŕ fait évaporé. Il a d’ailleurs été repris ŕ plusieurs reprises, de maničre tout aussi solennelle, par Donald Rumsfeld lorsqu’il était secrétaire d’Etat ŕ la Défense. Une fonction qu’il a occupée ŕ deux reprises, dans les années 70 tout d’abord,dans les années 2000 ensuite. Eisenhower, ŕ ces moments-lŕ, était déjŕ bien loin.
En fait, les Etats-Unis ont des états d’âme, tout simplement. Ils ne sont pas faits pour les crises mais l’opulence. Des ręves de super-puissance, en quelque sorte.
Pierre Sparaco - AeroMorning

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