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Le mal-aimé

Publié le 14 septembre 2011 par Legraoully @LeGraoullyOff
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Le mal-aimé

Les temps sont durs pour Sarkozy. Après l’échec cuisant de l’université d’été de son parti, les humiliations répétées que lui fait subir Angela Merkel quand il essaie de récupérer à son bénéfice les décisions de la Chancelière, la hausse perpétuelle du chômage, la bonne santé des candidats socialistes dans les sondages d’opinion, et j’en passe, Nico avait besoin de se détendre. Claude Guéant avait bien tenté de lui remonter le moral en donnant la chasse aux Comoriens de Marseille et aux Roumains des Champs Elysées, mais électoralement ça ne paie pas plus que l’intervention en Libye. Le Président a donc décidé de revenir aux fondamentaux et de se livrer à son activité favorite: passer les racailles au Kärcher, sans repasser par la dalle d’Argenteuil qui l’attend depuis aussi longtemps que le site Arcelor-Mittal de Gandrange.

Courageux mais pas téméraire, il est donc allé visiter une prison vide pour revendre une idée moisie de Ségolène Royal visant à un encadrement militaire des délinquants (ceux des banlieues, pas ceux de Neuilly) et pour annoncer la création de 30000 places supplémentaires en cabane, sans doute pour faire de la place aux bénéficiaires des valises de Robert Bourgi. En attendant de pouvoir accrocher Villepin à un croc de boucher,  il est toujours loisible de continuer à enchrister les primo-délinquants qui s’ennuieront autant qu’à l’école, mais au moins ils n’auront pas de devoirs à faire. Mais les juges crypto-communistes n’en finissent plus d’être laxistes et ont décidé de relaxer Galouzeau dans l’affaire Clearstream. O rage, ô désespoir, ô justice indépendante ennemie, l’ancien ministre des Affaires Etrangères a encore réussi à « bourrer le nabot » selon ses propres termes, et en a même profité pour le narguer en félicitant les magistrats d’avoir mis fin à six ans d’acharnement judiciaire visant à l’empêcher de faire don de sa personne à la République (et visant aussi accessoirement à dénouer les responsabilités dans une sombre affaire de blanchiment d’argent revélée par le journaliste Denis Robert qui a montré à quel point la liberté de la presse est garantie en France quand on ne fouille pas trop dans les affaires des grandes personnes). Sarkozy devait sans doute s’attendre à ce dénouement puisqu’il ne s’était pas porté partie civile en appel, et connaissant le tempérament hargneux du personnage, on peut penser que les « révélations » de Bourgi ne sont pas totalement dues au repentir gaulliste de l’ex-monsieur Afrique de la Vè République.

Il est aisé de comprendre la haine que se vouent les deux hommes: alors que Sarkozy a dû trahir tant et plus pour conquérir la mairie de Neuilly, le ministère de l’Intérieur et la Présidence de la République, et qu’il n’a pas réussi à aller chercher la croissance avec ses dents qui ont creusé des sillons dans tous les parquets où il est passé, il est au plus mal dans l’opinion qui ne cesse de se gausser de sa petite taille, de ses tics, de son impulsivité et de son français approximatif. Quand bien même il a bravé le danger en sauvant des enfants dans une école maternelle et sauve le monde au moins une fois par semaine, il se sent mal-aimé et il souffre. Alors que Villepin ne s’est jamais présenté à la moindre élection, il n’est connu que pour son discours rétif à l’engagement de troupes françaises en Irak tenu à l’ONU, et tout le monde loue sa haute taille, son élégance et son expression châtiée, sauf avec les députés qu’il a fréquemment qualifiés de « connards » et avec les nabots qu’il veut culbuter. Et en plus au lieu de menacer des pêcheurs bretons avec six gardes du corps autour de lui, il écrit des poèmes et court torse nu sur la plage, et il est « doux et aimé des enfants » comme le lévrier afghan auquel l’avait comparé Jean Marie Le Pen lors du dernier Salon de l’Agriculture, ou lui-même avait trouvé une ressemblance entre un petit porcelet et Nicolas le paria. Et si ça se trouve, le futur héritier que couve Carla ressemblera à Benjamin Biolay ou à Arno Klarsfeld. La France ne mérite pas que notre Président se plie en quatre pour nous sauver de l’irresponsabilité des socialistes. Pendant que je vous narre cet échange d’amabilités, les Syriens se font toujours massacrer, les bénéficiaires des minima sociaux se refont traiter d’assistés, les sans-papiers se font rafler, les centrales nucléaires fuient, les républicains américains ont gagné une place au Congrès et vont finir de transformer les Etats-Unis en théocratie fasciste, et la corne africaine continue de mourir de faim en silence. Et pendant que je vous raconte les aventures des frères ennemis du chiraquisme, je suis sûr que vous n’y pensiez même plus. C’est vraiment trop facile la communication politique.

Dans un prochain épisode, je vous conterai comment le proviseur de mon lycée avait fait broder « Ségolène » au bas de sa cravate ornée d’une chèvre, un jour que la Présidente de Poitou-Charentes venait visiter notre pénitencier scolaire. C’est presque aussi intéressant que le programme de la candidate aux primaires.


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