Ce matin je suis allé courir le long de la
côte. J'ai quitté Etche Alegera par le chemin qui mène au phare de Sainte-Barbe. Le ciel très bleu était moucheté de nuages de coton blanc.
Je suis allé jusqu'à la plage d'Erromardie. Au retour, la vue de la baie de Donibane Lohitzun (Saint Jean-de-Luz), qui s'ouvrit à mes yeux, faillit me
couper le souffle, ce qui aurait été regrettable, puisque j'étais en plein effort.
Imperturbable, la Rhune, la montagne magique du lieu, veille sur la ville enveloppée du halo d'une première chaleur d'un dernier beau jour d'été. A cette heure-là de rares
baigneuses s'aventurent dans l'eau de la plage des flôts bleus, parmi les brisants découverts à marée basse.
Il
est à peine onze heures et déjà l'ombre des tamaris de Sainte-Barbe apporte une fraîcheur bienvenue. Car sous l'effort et les rayons du soleil mon torse commence à coller à mon tee-shirt,
qui mériterait de s'appeler sweat.
A grande marée basse la baie dévoile tous ses charmes comme une belle ondine dépourvue de vêtements. Les rochers tapis d'habitude sous la mer surgissent et révèlent leur
qualité de pierres marines semi-précieuses.
L'envie me prend de m'arrêter. Je ferme les yeux. Je les rouvre pour m'assurer que je ne me trouve pas au milieu d'un songe. C'est bel et bien un songe pourtant, mais un songe qui me
tient éveillé, qui ne me trompe pas, qui marie devant moi un chef d'oeuvre de la nature à l'oeuvre architecturale des hommes.
Un manteau
de sable maintenant à découvert est tout plissé, comme s'il était mal repassé. Ce n'est pourtant que le résultat d'un jeu entre l'eau et ses grains, que les courants ont fini par
onduler.
A l'horizon les Pyrénées forment un écrin qui met en valeur ce véritable joyau aquatique. Tout ragaillardi par ce spectacle tonique, je reprends ma course vers la
ville.
Mon oeil est distrait par des passantes qui promènent ici leur chien. L'une d'elles, penchée en avant, offre à mon regard des mollets nus et des fesses serrées dans un panta-court moulant
blanc, tandis qu'elle attache une laisse à son molosse. Une autre, plus prosaïquement, tient à la main de petits sacs poubelles dont je me garderais de vérifier le contenu.
Donibane est une
station balnéaire. Les estivants qui l'ont déserté depuis la rentrée des classes viennent ici passer des vacances en famille. Dans mon enfance, puis avec mes enfants, je n'ai pas fait
exception.
Aujourd'hui, sur la grande plage, les clubs ont démonté leurs agrès et leurs filets de volley-ball. Les maîtres-nageurs-sauveteurs ne sont plus là pour surveiller. Le Grand Hôtel est
toujours ouvert. Donibane a aussi son côté chic...
Je poursuis ma course sur la digue. Ce n'est pas la foule des mois d'août et juillet. Je n'ai pas vraiment besoin de me frayer un chemin. Je croise des retraités et de jeunes couples, dont
certains manoeuvrent une poussette.
Donibane est toujours un port
de pêche. Ce ne sont pas des vaisseaux-fantômes que je peux y contempler mais de modestes embarcations. Les autres doivent avoir pris le large.
Je passe devant la Maison de l'Infante où Marie-Thérèse d'Espagne attendait de se marier avec le roi de France, un certain Louis
XIV. La rue de la République descend vers la place qui porte le nom du monarque et où se déroulent les bals populaires...
Il ne me reste plus qu'à rejoindre mes pénates. Je fais souvent ce périple marin qui me relie à la terre. Je passe à chaque fois devant l'appartement qu'occupait ma mère les dernières années de
sa vie. Je lève rituellement les yeux vers son balcon et songe qu'elle est venue, tout à côté, dans un petit hôtel, alors que je n'étais qu'un nourrisson, pour me redonner vie...
Francis Richard