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Taxe sur les loyers abusifs

Publié le 16 septembre 2011 par Copeau @Contrepoints

Une nouvelle taxe sur les « loyers abusifs », qui pourrait être appliquée dès le 1er janvier prochain, vient d’être proposée par le secrétaire d’État au logement, Benoist Apparu.

Par George Kaplan

Taxe sur les loyers abusifs

Benoist Apparu

Benoist Apparu vient d’annoncer qu’une nouvelle « taxe sur les microsurfaces » devrait être débattue dans le cadre de la loi de finances 2012. Le gouvernement entend ainsi dissuader les propriétaires de petits logements – d’une dizaine de mètres carrés, c’est à dire des chambres de bonnes – de pratiquer des loyers jugés « abusifs » par le ministère de l’Écologie [1]. Le principe, tel qu’il est présenté aujourd’hui, consiste à taxer les loyers au-delà d’un seuil fixé à 40 euros le mètre carré (hors charges) selon un barème progressif par paliers de 10% à 40%. Par exemple, selon le porte-parole du ministère, « une chambre de 10 mètres carrés, louée 800 euros, dépassera de deux fois le seuil et se verra appliquer un taux de 40%, soit 320 euros de taxe ».

Raisonnons un instant. Si, comme M. Apparu l’affirme, l’objectif du gouvernement est de faire baisser les loyers, il doit faire en sorte que les bailleurs aient matériellement intérêt à réduire les loyers qu’ils réclament à leurs locataires. Par exemple, pour que le bailleur d’une chambre de 10 m² ait intérêt à baisser un loyer de 444 euros, il faut le taxer à hauteur de 10% au minimum ; de cette manière, il ne gagne que 399,6 euros et a donc intérêt à baisser son loyer à 400 euros pour ne plus payer d’impôt. En revanche, taxer un loyer de 445 euros à 10% n’est pas suffisant puisque le bailleur gagne alors 400,5 euros et n’a donc pas intérêt à réclamer moins à son locataire ; il faut donc passer à la tranche supérieure.

En généralisant ce raisonnement, on peut établir le barème qui permet d’inciter les bailleurs à baisser les loyers supérieur à 40 euros/m² : les loyers compris entre 40 et 44,4 euros/m² doivent être taxés à 10% minimum ; de 44,5 à 49,9 euros/m², il faut taxer au moins à 20% ; de 50 à 57,1 euros/m² il faut appliquer un taux minimum de 30% et de 57,2 à 66,6 euros/m² le taux devrait être au moins égal à 40%. Seulement, si vous appliquez ce barème, vous vous apercevrez que la meilleure stratégie pour un bailleur consiste toujours à baisser son loyer à 40 euros par mètre carré. Vous pouvez le vérifier facilement en prenant n’importe quel loyer compris entre 40 et 66,6 euros et en lui appliquant le taux correspondant : dans tous les cas, vous obtenez une somme inférieure à 40 euros qui fait que le bailleur a intérêt à réduire son loyer jusqu’à ce qu’il ne paye plus d’impôt. En pratique, utiliser ce barème revient à plafonner les loyers actuellement compris entre 40 et 66,6 euros à 40 euros du mètre carré [2].

Le gouvernement peut bien entendu adopter un autre barème mais ce sera au prix d’effets de seuil pour le moins rocambolesques. Par exemple, imaginez que l’on taxe les loyers de 40 à 50 euros à hauteur de 10% : le résultat sera que les loyers compris entre 40 et 44,4 euros baisseront tous à 40 euros mais que ceux qui vont de 44,5 euros à 50 euros ne bougeront pas puisque taxés à 10%, ils restent plus intéressants pour le bailleur qu’un loyer de 40 euros. Par exemple, un loyer de 46 euros taxé à 10% rapportera 41,4 euros au bailleur ; pourquoi le baisserait-il à 40 euros si ce n’est par amitié pour son locataire ou par haine pour Bercy [3] ?

En revanche, l’exemple du porte-parole du ministère pose un problème puisqu’avec un taux maximum de 40%, ce mécanisme cesse de fonctionner pour les loyers de 66,7 euros et plus. Pour reprendre l’exemple gouvernemental, un loyer de 80 euros taxé à 40% laisse 48 euros dans la poche du bailleur ; et 48 euros, ça reste supérieur à 40 euros.

Résumons : si le gouvernement applique effectivement ce barème, il incite de-facto les bailleurs qui louent aujourd’hui entre 40 et 66,6 euros du m² à réduire les loyers à 40 euros ; ce qui revient à un plafonnement des loyers. En revanche, à partir de 66,6 euros/m², le taux maximum de 40% n’a plus effet incitatif et ces loyers n’ont aucune raison de varier d’un iota, au moins dans un premier temps.

Et maintenant un peu d’économie…

Si les prix des petits studios sont si élevés, notamment dans la capitale, c’est parce que l’offre y est très rare et que la demande solvable y est très élevée [4]. J’insiste sur cette notion de demande solvable : si les gens ne pouvaient matériellement pas payer de loyer à 60 euros le mètre carré, il n’y aurait pas de transaction à ce prix et donc pas de prix du tout. Or, quiconque a déjà voulu louer une chambre de bonne à Paris vous le confirmera : à ces prix stratosphériques, les locations partent comme des petits pains. Qu’on le veuille ou non ; les prix jugés « abusifs » par le ministère sont bel et bien un reflet fidèle de la réalité du marché. Et c’est cette réalité du marché que Monsieur Apparu entend mettre au pas. Eh bien voici mon pari :

Les baisses de loyer effectives ne concerneront qu’une infime minorité des petites surfaces visées par la loi ; un partie de celles qui sont louées entre 40 et 45 euros du mètre carré aujourd’hui baisseront à 40 euros. Nous allons voir le nombre de studettes et autres chambres de bonnes disponibles à la location se contracter significativement ; il n’y en avait pas assez ? Il y en aura encore moins. Nous allons constater une hausse significative des loyers des biens qui restent à la location, au-delà de la barre des 66,6 euros/m². Enfin, Monsieur Apparu – ou son successeur – proposera, dans cet ordre, (i) une loi de plafonnement effectif des loyers, (ii) une loi visant à taxer les propriétaires qui ne louent pas leurs biens et (iii) une loi de réquisition des logements non-habités en région parisienne.

D’autres idées ?

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Sur le web

Notes:
[1] Le « ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement » etc.
[2] Monsieur Apparu jure que l’intention du gouvernement n’est pas de plafonner les loyers ; nous mettrons donc ça sur le compte de la maladresse.
[3] L’un comme l’autre sont tout à fait plausibles.
[4] Je laisse à chacun le soin de deviner pourquoi l’offre est si rare et pourquoi la demande solvable est si élevée.
[5] Auquel il faut déduire les frais de notaire, coûts d’entretien, le coût d’un éventuel crédit et – bien sûr – les impôts…


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