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Primaire du PS : Bonne nuit les petits !

Publié le 16 septembre 2011 par Sylvainrakotoarison

Premier débat entre les concurrents socialistes. Rien de très nouveau sinon que l’enjeu est bel et bien un match entre François Hollande et Martine Aubry et que Manuel Valls révèle un très grand talent de débatteur, certainement prometteur.

yartiPS20110901Toujours en tête de la course dans les sondages (qui ont un peu de mal à se baser sur la future réalité électorale), François Hollande est apparu un peu comme le gentil Nounours qui borde les Pimprenelle et Nicolas que sont les téléspectateurs ce jeudi 15 septembre 2011.
Sans avoir jamais été ministre de la République, François Hollande a réussi le tour de force d’être l’incontournable candidat socialiste, à tel point que je connais même de (très) vieux militants du Front national qui se préparent, en raison de la haine viscérale qu’ils vouent à l’UMP en général et à Nicolas Sarkozy en particulier, à voter au second tour pour François Hollande, faute de mieux. Esprit corrézien probablement ?

Hexadébat

C’était une sorte de "Questions pour un champion" un peu particulier, à moins que ce fût le "Maillon faible" qui se jouait le jour où Nicolas Sarkozy et David Cameron se rendaient en Libye récolter les fruits de leur audace militaire.

Revenons sur ce premier débat de la primaire des socialistes diffusé en direct sur France 2. Commandant de bord, le présentateur David Pujadas, qui a repris l’émission d’Arlette Chabot, a essayé avec ses questions habituelles de diriger le grand paquebot socialiste.

Ils étaient six protagonistes à y participer, tous parlementaires sauf Ségolène Royal : François Hollande (57 ans), le favori des sondages, président du Conseil général de Corrèze, Martine Aubry (61 ans), sa véritable concurrente, maire de Lille (contre le cumul mais n’hésitant pas à ne pas l’appliquer pour elle en restant députée et première secrétaire du PS en titre mis en retrait pour cette campagne), Ségolène Royal (57 ans), la troisième "grande" candidate, présidente du Conseil régional du Poitou-Charentes (sans cumul), et enfin trois candidats de témoignage, Manuel Valls (49 ans), maire d’Évry, Arnaud Montebourg (48 ans), président du Conseil général de Saône-et-Loire, et Jean-Michel Baylet (64 ans), président du Conseil général du Tarn-et-Garonne et président du PRG.
Tout ce petit monde a été très courtois et a gardé une certaine tenue, ce qui, en définitive, est un bon point pour le PS qui peut ainsi préserver ses chances de se ressouder à l’issue de la bataille interne.
Monotribunes

Après une partie d’introduction (genre propagande électorale officielle), chaque candidat est passé à la moulinette des trois journalistes présents. Inutile de dire que cet exercice n’était pas très intéressant puisqu’il n’y avait pas débat mais interview classique.

Avec sa focalisation sur la "démondialisation" et ses attaques contre le système bancaire international, Arnaud Montebourg s’est beaucoup mélenchonisé (son ton de plus en plus populiste a renforcé ce sentiment) en se plaçant à l’aile gauche des candidats (tout heureux de rappeler qu’il avait voté contre le Traité de Maastricht en 1992). Il a certainement compté mobilisé des électeurs hors du PS.
Dans cette partie, Jean-Michel Baylet y a surtout développé des idées polémiques en faveur de la légalisation du cannabis et de l’autorisation de l’euthanasie active (sans avoir nécessairement la volonté effective de la personne en fin de vie !), deux mesures qui sont à des années lumière des préoccupations quotidiennes des citoyens (emploi, logement, éducation, sécurité) mais qui lui ont permis de se donner une coloration spécifique facilement identifiable.

Je reste d’ailleurs d’autant plus étonné de la candidature très peu médiatique de Jean-Michel Baylet (qui est capable, autour de vous, de le citer parmi les six candidats à la primaire ?) qu’il pourrait être l’homme clef du scrutin sénatorial. Avec ses sénateurs radicaux de gauche, il pourrait en effet aider le Président du Sénat Gérard Larcher à sa réélection ou faire basculer le Sénat à gauche, en échange… d’une présidence de commission par exemple.

Ségolène Royal s’est voulu très professionnelle et n’a sorti aucune mesure surprenante, se focalisant sur sa crédibilité et son sourire. Son discours était bien rodé, même si la voix est un peu trop monocorde, et donne un sérieux et une aisance qui l’ont placée d’emblée parmi les "grands" candidats. Son collier un peu trop voyant ne m’a pas paru très adapté en attirant l’attention sur son cou qui déclinait quelques signes de la rudesse des temps.
De son côté, François Hollande, qui avait tout à perdre, n’a pas vraiment convaincu. Ayant abandonné son côté sympathique pour une posture de gravité ("gravitude" je pourrais même écrire), il est apparu presque agressif dans ses intonations saccadées même s’il a prouvé une excellente connaissance de la pratique politique.

Manuel Valls a probablement fait la meilleure prestation de la soirée, sûr de son discours, à la communication lisse et alerte. Il a développé de nombreux arguments, s’est placé dans une dynamique personnelle cohérente et a été aussi celui qui a cherché le plus à se différencier de ses concurrents. Très précis dans ses propositions, Manuel Valls a même sorti un néologisme en prônant une "TVA protectivité" de l’ordre de 1 à 2%. Proposition casse-cou qui avait coûté une cinquantaine de députés à l’UMP en juin 2007.

Manuel Valls a par ailleurs exprimé son adhésion totale à l’esprit de la Ve République qui veut qu’avec l’élection présidentielle, ce soit un homme (ou une femme) qui doit incarner un projet collectif, chose difficile à comprendre au PS qui joue plus "collectif" au contraire de la droite et du centre où les partis sont avant tout des écuries pour présidentiables.

Enfin, Martine Aubry, au visage ressemblant de plus en plus à son père Jacques Delors, s’est montrée égale à elle-même, forte dans le travail de groupe, solide dans ses convictions, prompte à détailler le projet socialiste au risque de s’oublier. Alors que ses prédécesseurs à la tribune usaient sans arrêt du "je", elle utilisait le "nous" jusqu’au moment où, en réponse à une question, elle s’est reprise : « Nous supprimons… euh, je supprime… ».

C’est sûr que le "nous" est un facteur très favorable d’esprit collectif et de travail en groupe, mais il ne renforce pas sa crédibilité sur son "envie" d’être Présidente de la République même si elle ne cesse de la clamer depuis le début de l’été (et encore à plusieurs reprise dans cette émission).

Dans le fond, il y a peu de choses qui distinguent les concurrents si ce n’est leur personnalité très différente. Ainsi, l’argument sur le fait de plus imposer les grandes entreprises du CAC 40 et d’aider les PME, de favoriser la recherche, l’innovation… est un discours régulièrement tenu par le PS depuis plus d’une décennie et qui a été ressassé ce soir par François Hollande, Ségolène Royal, Manuel Valls et Martine Aubry, ces deux derniers racontant même leur rencontre avec des chefs d’entreprise, l’un à Lyon et l’autre à Évian (si j’ai bien entendu).

Martine Aubry était très au point sur le fond des dossiers. Sa mécanique programmatique était parfaitement huilée et elle parlait avec naturel et spontanéité, au contraire de François Hollande. En revanche, peut-être à cause du manque de sourire, elle n’a pas été très charismatique, surtout en refusant de prendre des engagements sur les déficits publics en 2017. Rien ne fait vibrer. C’est plus du rocardisme en version moderne.

En raison de la situation financière internationale très grave, le centre des discussions tournait autour de la dette public et de la réduction des déficits, une sorte de victoire (j’allais ajouter "posthume" !) du candidat François Bayrou qui en avait fait son cheval de bataille dans sa campagne de 2007, totalement ignoré par les médias de l’époque. Tous les candidats sont d’ailleurs d’accord sur le principe de la règle d’or mais vont quand même voter contre le projet de Nicolas Sarkozy.


Un peu d’animation

La troisième partie était plus intéressante puisqu’il s’agissait d’une "confrontation" à six. Hélas, les deux tiers du temps n’était que des monologues (« sans relief » dira Christian Jacob) mais il y a eu aussi quelques "débats" à deux, bref, quelques interactions un peu moins téléphonées. Par exemple, les deux "jeunes" Arnaud Montebourg et Manuel Valls ont voulu souligner leur antagonisme sur bien des sujets… sauf sur la dépénalisation du cannabis.

David Pujadas n’a d’ailleurs pas été très inspiré en posant une question sur le profil du bon candidat socialiste (pour battre Nicolas Sarkozy), car il avait en face de lui six personnes qui voulaient justement l’être. Donc, leur seule réponse sincère aurait dû être : le bon candidat, c’est moi !

François Hollande a joué le rôle de Monsieur Loyal, l’ours en peluche qui fait le sage en rappelant qu’il ne faut pas parler du second tour mais d’abord du premier tour. C’est vrai que 2002 reste une expérience amère. Une sorte de rabat-joie parental même s’il serait difficile de le placer dans le rôle du père. Amusante conclusion d’Arnaud Montebourg : il a trouvé que ce débat plaisant installait les candidats du PS dans une sorte de famille et qu’il était heureux car il était le "père" de cette primaire ; c’est le benjamin qui a revendiqué le rôle patriarche ! Quant au doyen, Jean-Michel Baylet, il semblerait plutôt jouer le rôle de l’oncle d’Amérique, un peu lointain mais toujours sympathique à revoir, avec son accent du Sud-Ouest très chaleureux.

Plus convaincant que dans la partie précédente, François Hollande a rappelé son CV pour mettre en exergue sa crédibilité : pas ministre, certes, pas d’expérience de Président de la République non plus (seul le sortant peut l’avoir), mais chef de parti pendant onze années et quotidiennement associé aux décisions du Premier Ministre Lionel Jospin pendant cinq ans. Cette profession de foi, sortant du cœur, faisait écho à celle que Ségolène Royal fit sur TF1 le 19 février 2007 où elle expliquait avec beaucoup de persuasion qu’elle avait fait l’ENA, qu’elle avait travaillé sept ans à l’Élysée pour s’occuper des sommets internationaux et qu’elle avait été ensuite ministre, montrant qu’elle savait parfaitement comment fonctionnait le pouvoir.

Cette non-gouvernance, c’est le vrai talon d’Achille de François Hollande, surtout face à Martine Aubry, numéro deux du gouvernement Jospin aux attributions cruciales (Affaires sociales et Travail), poids lourd du socialisme gouvernemental depuis vingt-trois ans.

Une autre question peu inspirée de David Pujadas, c’était sur l’avenir politique de Dominique Strauss-Kahn, sans intérêt pour les candidats à la primaire si ce n’est pour François Hollande qui en a profité pour rappeler que même si DSK était candidat, lui, François Hollande, le serait aussi car sa propre démarche ne dépendait pas de lui, histoire d’insister sur le fait que la candidature de Martine Aubry ne serait qu’une candidature d’appoint, de remplacement, par défaut.

La question qu’il aurait été plus intéressant de poser, c’était par exemple de savoir si le futur Premier Ministre se trouverait parmi eux si l’un d’eux était élu à l’Élysée. Mon idée de réponse serait qu’il est peu probable que ce soit le cas, chacun voulant travailler avec une personne proche à qui se fier (je pense à Pierre Moscovici par exemple pour François Hollande, à Bertrand Delanoë pour Martine Aubry et à Jean-Louis Bianco pour Ségolène Royal) même si le fantasme de bien des strauss-kahniens demeurerait un "ticket" Hollande-Aubry.

Dans cette discussion à six, Martine Aubry a su très adroitement citer chacun des autres candidats pour faire ressortir une réelle équipe. Car c’est son point fort : elle est meneuse d’équipe. Mais le revers de la médaille, c’est qu’on pourrait mieux la comprendre à Matignon, dans le casting.

Parallèlement, Ségolène Royal était comme absente de la discussion, sortant son petit laïus sur certains sujets mais s’isolant et ne s’occupant que des téléspectateurs au point de leur faire à la fin la promotion de son dernier livre !

Entre spontanéité et gravité

L’humour a été employé à de nombreuses reprises par Manuel Valls, notamment lorsqu’il a été question d’imaginer la situation énergétique de la France dans cinquante ans : « Arnaud et moi, on sera peut-être encore là, mais dans quel état ?! ». Arnaud Montebourg a aussi usé de l’humour, mais c’était plus malicieux, pour sortir sa lutte contre les mafias (en pensant à l’affaire Guérini) à partir de la question du cannabis.

À la fin, très intéressant a été le dialogue entre Martine Aubry et François Hollande. Ce dernier a fait parler longuement Martine Aubry sur le nucléaire, au point qu’elle n’a plus eu de temps de parole sinon pour conclure. François Hollande a montré qu’il n’y avait en fait pas d’antagonisme entre eux puisqu’ils étaient d’accord pour une baisse progressive de la part du nucléaire dans la production de l’électricité. Cela a paradoxalement permis à Martine Aubry de faire briller sa grande clarté dans les explications.

Alors qu’il restait encore beaucoup de temps de parole à Jean-Michel Baylet, David Pujadas s’est cru obligé de le réinterroger sur la légalisation du cannabis alors qu’il en avait déjà parlé longuement dans la précédente partie de l’émission. Un sujet qui a peu d’intérêt alors que Jean-Michel Baylet aurait eu bien plus d’intérêt à développer ses idées sur l’Europe fédérale qu’il prône et qui a été la grande absente de la soirée.

Dans sa conclusion, Martine Aubry a parlé de courage et de clarté et c’était exactement ce qu’il ressortait de sa prestation, une femme énergique qui n’a pas peur de débattre, spontanée et sûre de ses idées, tandis que François Hollande, quittant parfois son air ampoulé au regard statique et faussement mitterrandien, a esquissé quelques sourires tels d’un petit enfant tout content d’avoir fait un joli dessin.

Valls et Aubry au tête de peloton

En fin de soirée, une journaliste de LCP apportait un feedback des "réseaux sociaux" en indiquant qu’il y aurait eu au cours de ce premier débat quarante-huit mille messages par twitter et que la tendance serait plutôt de donner gagnante Martine Aubry, à la grande surprise des journalistes Gilles Leclerc et Gérard Leclerc qui, sans doute aveuglés par les sondages, louaient la prestation de François Hollande qui m’a paru bien terne quoique très habile et non dénuée de quelques mots d’humour (Et apparemment, certains ont beaucoup commenté le fait que François Hollande a fait la bise à Martine Aubry et n’a que serré la main à son ancienne compagne Ségolène Royal).

Mon impression a été que celui qui a fait la meilleure performance était Manuel Valls (forme et fond), tant en crédibilité qu’en créativité, que Martine Aubry a été effectivement excellente sur le fond et bonne débatteuse mais a encore eu du mal à imposer sa stature présidentielle, que François Hollande en est devenu lassant à prendre des postures presque dignes d’un paon, et que Ségolène Royal a présenté une machinerie personnelle qui a fonctionné à merveille mais a peut-être déçu ceux de ses laudateurs qui attendaient quelques propositions originales qui auraient recristallisé la mousse médiatique autour d’elle.

Et l’intérêt général ?

Je ne peux cependant pas m’empêcher de mettre en parallèle toute cette débauche d’énergie pour désigner le champion socialiste avec un excellent documentaire d’Hélène Desplanques diffusé sur Public Sénat le 8 septembre 2011 : "Liquidation totale" qui évoquait la fermeture inconséquente de l’usine Samsonite à Hénin-Beaumont… la ville de Marine Le Pen. Les préoccupations de ces ouvriers mis au banc de leur existence sociale semblent être très éloignées de cette bataille d’ego qui s’étale à la télévision. À part Martine Aubry et Manuel Valls, et dans ce cas très furtivement, personne n’a insisté sur l’emploi, le pouvoir d’achat et les difficultés des ménages.

Nul doute qu’il y aura de grandes surprises le 9 octobre 2011 car aucun institut de sondages ne peut raisonnablement affirmer aujourd’hui qu'il sait modéliser correctement un échantillon représentatif de ceux qui vont aller voter. Beaucoup de ces électeurs ne savent même pas aujourd’hui s’ils participeront ou pas.

Prochains débats à six sur la Chaîne parlementaire le mercredi 28 septembre et le mercredi 5 octobre prochains. Et Dominique Strauss-Kahn sera l’invité de Claire Chazal sur TF1 le dimanche 18 septembre à 20h00.

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (16 septembre 2011)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
François Hollande.
Martine Aubry.
Ségolène Royal.
Manuel Valls.
Arnaud Montebourg.
Jean-Michel Baylet.
yartiPS20110902


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