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Oberammergau et permanence

Publié le 16 septembre 2011 par Egea

Quelques jours passés à Oberammergau, en haute Bavière, juste à côté de Linderhof et de Garmisch-Partenkirchen. Et le sentiment d'une permanence très curieuse d'un point de vue géopolitique....

Oberammergau et permanence
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1/ Vous me direz : c'est touristique. Oui, c'est touristique, bien sûr. ça a d'ailleurs toujours été basé sur un échange commercial : les holzschnitzerei (sculpture du bois) ont commencé très tôt : en fait, dès le XVIII siècle avec la production tout d'abord de crucifix, diffusés dans toute la région et au-delà : autrement dit, l'accumulation actuelle de boutiques pleines de sculptures, peintes ou non, de jouets, de décorations de Noël, tout ce "folklore" remonte à très loin. L'assimilation s'est faite de longtemps, et on n'a pas l'impression d'un syndrome vénitien (où il ne reste que la seule exploitation de l'image touristique), ni lourdais (avec l'afflux de marchands du temple qui alignent des souvenirs et méprisent le chaland). Le colporteur bavarois, portefaix chargé de jouets et de Christs, demeure une figure citée.

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2/ Vous me direz : c'est typique. Incontestablement : des chalets, des fresques aux façades, des bancs en bois, des trottoirs propres, des gazons tondus, le clocher qui sonne l'angélus (lien vers la signification des sonneries de cloche).... Mais vous voyez encore des lederhose, des chapeaux bavarois, des villageois qui s'assemblent aux tablées des Bierstub, ...

3/ En fait, c'est typique mais c'est surtout vivant : ils y vivent, dans leur village, voient passer des gens, mais continuent à suivre les mœurs d'avant. Nulle part de mendiants, ni de rassemblement de jeunes à la sauce goths ou puknk ou destroy ou metal ou toutes ces identités de substitution dont s'affublent nos jeunes en mal de personnalité, dans les villes mais aussi -surtout- dans les campagnes françaises.

4/ Typique ? comme c'est curieux. C'est justement anormal, de nos jours, la typicité. La seule typicité mondialisée n'est-elle pas de trouver, à quelques variations près, les mêmes codes partout ? Pourquoi pas ici ?

5/ Catholicisme ? L'église est incroyablement baroque, voutes roses, coupoles peintes, statues débordantes d'or et de suggestions : tendre et, pour tout dire, mièvre. Au musée, je tombe en arrêt devant la collection de crèches : je crois me retrouver dix ans plus tôt à Naples, via dei precepe (la rue des crèches), avec la même imagination populaire et -encore- baroque. La seule différence tient à la munificence des cortèges des rois mages, beaucoup plus appuyée en Bavière qu'en Campanie. Je réalise alors que l'Italie est à trente Kms de là, et que la Bavière, au sud du Danube, appartient techniquement à l'Europe du sud.... Pourtant, cela ne fait qu'une continuité culturelle, cela n'explique pas cette permanence.

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6/ Le Passionspiel, cette représentation estivale de la vie du Christ qui est animée, tous les dix ans, par les villageois ? un sorte de Puy du fou, à la petite différence qu'il a été initié à la fin du XVII° siècle, lors d'un vœu collectif à la suite de la peste.... trois siècles de "représentation collective", cela forge une communauté, aussi bien pour l'organisation du projet que dans le sens sociologique de la "représentation" qui aide ladite communauté à être ensemble. Je crois à cette explication, ainsi qu'au caractère géographique de fond de vallée. Voici probablement le ressort interne de cette permanence : l'héritage très vieux et constamment renouvelé, avec dans le même temps un rythme assez lent (décennal) pour éviter l'usure de l'habitude.

7/ Toutefois, je discerne aussi une cause externe, à l'échelle du pays. O'gau symboliserait une certaine âme allemande. Car la plupart des touristes, hors les stagiaires de la Nato Schule, étaient allemands. J'en avais déjà un indice, dans le train qui m’amenait de Munich : les wagons sont aménagés pour qu'on y monte avec le vélo, et dans les rames retours, on voyait de nombreux randonneurs chargés de Rucksack, la mine épanouie. Car on s'y trompe, mais la Bavière est plate, hormis sa frange extrême sud, où les Alpes relèvent le niveau. Au fond, j'ai le sentiment que les Bavarois et les Allemands en général viennent là se ressourcer : non seulement physiquement, mais aussi identitairement, comme dans un recueil de leurs souvenirs d'enfance que rappellent touts ces jouets en bois et ces images merveilleuses au mur.

Au fond, O'gau n'est-il pas plus Bavarois que Louis 2 ?

Ces nombreuses digressions pour tenter d'expliquer ce bizarre sentiment de permanence, si rare aujourd'hui pour un géopolitologue qui doit sans cesse expliquer les changements et leurs raisons....

O. Kempf


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