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228ème semaine de Sarkofrance: Sarkozy a raté le débat des primaires socialistes

Publié le 17 septembre 2011 par Juan
228ème semaine de Sarkofrance: Sarkozy a raté le débat des primaires socialistes L'homme de la semaine n'était pas Nicolas Sarkozy mais Claude Guéant.
L'accélération des révélations sur les sales coulisses de Sarkofrance (Djouhti, Bourgi, Takieddine) a été péniblement contenue par une offensive médiatique hors normes de la part de l'Elysée.
Et pendant ce temps-là, la crise de la dette s'aggravait.
Nicolas Sarkozy avait des images à nous vendre, cette semaine-là.
Guéant et Sarkozy désemparés
Il a peur des Comoriens marseillais, il l'avait dit la veille sur RTL. Il les jugea responsables de la flambée d'insécurité dans la cité phocéenne. Le lendemain, Claude Guéant continuait d'étaler ses obsessions en fustigeant ... les Roumains. Son prédécesseur Brice Hortefeux avait déjà, un an avant, lâché les mêmes approximations statistiques. Guéant nous promit donc d'interdire la mendicité en face du Fouquet's. Notez l'amalgame: après le « Rom = Roumain » de l'Hortefeux 2010, voici le « Roumain = mendiant » du Guéant 2011. Le ministre autorisa l'expulsion des mineurs roumains, même non accompagnés de leurs parents. Après tout, en Roumanie, il y a aussi des orphelinats pour mineurs expulsés.
Le lendemain, Nicolas Sarkozy a lui aussi : « le primo-délinquant mineur sera soumis à une discipline... disons les mots... stricte. » Pâle imitation d'une proposition faite en 2006 par la candidate Ségolène Royal, encore fustigé au sommet de l'Etat et chez quelques sbires ... l'an dernier. Il faut donc qu'il soit inquiet ou désemparé pour reprendre aussi facilement et sans gêne les propositions de l'adversaire.
Les mallettes s'invitent dans le débat
Dans son livre « La République des mallettes », publié cette semaine, Pierre Péan levait un coin du voile sur les manoeuvres et l'importance d'un homme de l'ombre et d'affaires dénommé Alexandre Djourhi. Toujours proche de Dominique de Villepin avec qui il part régulièrement en vacances dans des lieux paradisiaques ou lui prête son avion, Djouhri s'est rapproché du clan Sarkozy en 2006. Depuis, son nom est mentionné dans l'éviction d'Anne Lauvergeon de la direction d'Areva, ou dans de nombreuses ventes d'armes. Il se présente lui-même comme étant « amené à intervenir dans les négociations de contrat ou de marchés représentant des enjeux économiques et financiers considérables. » Mercredi, il a été débouté d'une plainte contre l'Express. Mais Djouhri, cette semaine, a été « protégé » par un autre grand déballage.
A la même époque, en 2006, Nicolas Sarkozy s'est attaché les services de Robert Bourgi, avocat d'affaires bien introduit auprès de présidents de Françafrique, un homme trouble sur qui Sarkozy a lui-même agrafé une Légion d'Honneur en septembre 2007. Une video de la cérémonie circula de la Toile jusqu'aux journaux télévisés, Sarkozy félicitant un porteur de mallette de la République, quelle image ! Car, sans crier gare, Bourgi a provoqué une nouvelle crise politique en Sarkofrance en balançant, dans les colonnes du JDD du 11 septembre, puis sur toutes les ondes audiovisuelles du pays (Canal+, Europe1, France info, BFM, etc) qu'il avait apporté quelque 20 millions de dollars en mallettes de billets à Jacques Chirac et Dominique de Villepin entre 1995 et 2005. Même Jean-Marie Le Pen aurait reçu son obole, en 1988, de la part d'Omar Bongo. Les trois accusés ont porté plainte pour diffamation. Et quelle surprise... Le parquet de Paris, mercredi (c'est-à-dire avec 2 jours de retard) s'est décidé à lancer une enquête préliminaire.
Au passage, Le Pen éructa quelques insultes à l'encontre de Bourgi. Pourquoi ces révélations maintenant ? Parce qu'il est « animé par des considérations personnelles » confia Guéant.
Ces révélations étaient surtout un formidable contre-feu avant d'autres, plus graves encore.
Claude Guéant, au coeur.
Dernier proche jeté sous les feux de l'actualité, Ziad Takieddine. Cet autre homme d'affaires, qui a joué les intermédiaires dans la vente des sous-marins français au Pakistan en 1994 (ce qu'il nie), de frégates françaises en1995 puis d'équipement de défense en 2005 à l'Arabie Saoudite, contre quelque 200 millions d'euros, a été mis en examen mercredi 14 septembre par le juge Renaud van Ruymbeke, pour abus de biens sociaux. Il est soupçonné de rétrocommissions pour financer la campagne d'Edouard Balladur. Il a aussi été accusé, la semaine dernière, d'avoir porté des mallettes d'espèces pour deux proches de Nicolas Sarkozy, Thierry Gaubert et Nicolas Bazire, lors de la  en 1995. Et en 2005, il négociait pour le compte de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, la vente d'équipements militaires à la Libye de Kadhafi. Une filiale de Bull a pu ainsi vendre un dispositif de surveillance du Web pour la police politique du dictateur libyen. Quatre ans plus tard, Nicolas Sarkozy en décorait le directeur général d'une autre de ces Légions de désohonneur (le 14 juillet 2011).
L'officier traitant de ces trois hommes en Sarkoland est bien connu. Il s'appelle Claude Guéant, directeur de cabinet de Sarkozy à l'intérieur (avant 2007), puis secrétaire général de l'Elysée (2007-2010), puis ministre de l'intérieur depuis novembre dernier.
Vendredi, Guéant a cru bon devoir se défendre dans les colonnes de Libération. L'homme était en rage par la dernière couverture du quotidien dit d'opposition sur « les agents troubles de Sarkozy ». Il a reconnu rencontrer Robert Bourgi tous les mois quand il était à l'Elysée. Il avoua son amitié Djouhri, « quelqu'un qu'il est intéressant d'écouter... ou plutôt d'entendre ». Il avoua que Sarkozy connaissait mais il nia en bloc beaucoup comme l'existence d'un « cabinet noir » ou d'« espionnage de journalistes ».
Mercredi, Brice Hortefeux était relaxé en appel de sa première condamnation pour injure raciale. La Sarkofrance est formidable. Dominique de Villepin était lui aussi, le même jour, relaxé dans l'affaire Clearstream. Mais Robert Bourgi a relancé une autre affaire pour plomber l'ancien intrigant de la Chiraquie. La Sarkofrance est formidable.
Sarkozy imite de Gaulle
Il y a 15 jours, il proclamait à Paris que « l'argent détourné par Kadhafi et ses proches doit revenir aux Libyens ». La formule vaut-elle aussi pour l'argent détourné par Sarkozy et ses proches et les Français ? L'histoire le dira, dans quelques décennies.
Mercredi soir, il avait convoqué quelques dizaines de journalistes à l'hôtel Marigny, à Paris, pour les envoyer l'attendre des heures durant à Benghazi, en Libye. Arnaud Leparmentier, journaliste accrédité du Monde, livre un compte-rendu éprouvant de ce caprice élyséen, 26 heures de galère pour 2 minutes et 40 secondes de discours.
En fait, Sarkozy voulait se faire acclamer le premier, un vrai caprice, un besoin urgent d'être là-bas avant tout autre chef d'Etat étranger. Le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan était attendu le lendemain. Quelle course de vitesse ! Jeudi, Nicolas Sarkozy est donc parti quelques heures à Tripoli puis Benghazi. Le dispositif fut gigantesque pour un voyage surprise, le jour même du premier débat des primaires socialistes, quelle coïncidence !
Des centaines d'agents de sécurités et policiers français, des journalistes convoqués au petit soir, la veille pour une vingtaine d'heures de voyage et de patience, une place de la Liberté à Benghazi, quadrillée et réduite par sécurité, des essais de sons et d'images pendant des heures avant k'arrivée du Monarque, pour ses 2 minutes et 40 secondes de manipulation.
A Benghazi, Sarkozy parla peu et parla mal, confondant jeunes arabes et jeunes libyens. Ses conseillers avaient oublié de lui rappeler que tous les Libyens ne sont pas arabes. En ces temps de tensions ethniques si fortes, la précision valait survie. Mais Sarkozy jouait à de Gaulle, en évoquant « Tripoli libérée » et criant « vive la Libye libre ! ». Le costume était trop grand, comme toujours. La Libye n'était pas le Québec. Et Tripoli en 2011 était peut-être tel Paris en 1944, mais Sarkozy n'était pas de Gaulle. Il ordonnait les bombardements « chirurgicaux » depuis son confortable bureau élyséen. Et il pouvait applaudir le printemps arabe, il ne s'était toujours pas rendu en Tunisie, pourtant bien plus sécurisé. A l'ONU, la France hésitait à soutenir la demande de reconnaissance de la Palestine.
Deux poids, deux mesures. La Sarkofrance est ainsi faite qu'elle privilégie toujours la cause électorale de son Monarque.
Le déplacement libyen, totalement imprévu cette semaine, a aussi permis à Alain Juppé d'éviter de témoigner au procès de Jacques Chirac sur les emplois fictifs de la Mairie de Paris.
Sarkozy voulait oublier
Il avait tout fait pour faire oublier qu'il avait lieu. Et pourtant, le succès d'audience fut là. Le premier débat des primaires socialistes, diffusé la veille au soir par France 2, a permis à la chaîne publique de surpasser toutes ses concurrentes, 22% de part d'audience et 5 millions de téléspectateurs.  Le lendemain, Nicolas Sarkozy ne pouvait que railler. En marge d'un déplacement en Alsace, à Oberhausbergen, le Monarque lâcha qu'il était « rentré trop tard » de Libye pour regarder le débat. Mais il eut quand même le commentaire grinçant: « Ce n'était pas qui veut gagner des millions, c'est qui veut dépenser plus ! ». Mauvais perdant, le président ?
Quel coup médiatique nous concoctera-t-il pour le 9 octobre prochain, pour contrer le premier tour des primaires socialistes ? Une nouvelle guerre ?
En Alsace, Sarkozy voulait parler à des agriculteurs. Et les « petites phrases » ont fusé: « y a ceux qui vous promettent des subventions, ils vont trouver l'argent où ? ».
Autre sujet d'oubli sarkozyen momentané, le Monarque n'avait pas grand chose dire, cette semaine, d'une situation incroyable, la faillite annoncée de nos banques bien nationales. Toute la semaine, la planète finance stressait, encore et toujours, comme depuis de semaines. Nicolas Sarkozy, président crédible, assura un service de plus minimum.
Lundi, on avait frôlé le krach. Mardi, l'agence Moody's avait dégradé la note de crédit de la Société Générale et du Crédit Agricole. Sarkozy avait quelque peine à s'exprimer sur les nouvelles secousses financières et boursières. La Grèce, finalement, n'a pas été lâchée. Angela Merkel a accepté, mercredi après une téléconférence avec Sarkozy et Papandréou, d'affirmer haut et fort que la Grèce ne serait pas abandonnée.
Et vendredi, les ministres des finances de la zone euro s'étaient rassemblés en Pologne, avec le secrétaire du Trésor, pour discuter de la prochaine tranche de prêts à la Grèce et du sauvetage de l'euro. Personne n'attend plus rien de ces pinces-fesses médiatiques. Le fiasco fut total. Dès la première réunion, «  l'Américain a été poliment reconduit à la porte ».Quelques minutes plus tard, François Baroin expliquait qu'il avait trouvé l'échange « instructif ». Joli « story-telling ».
Mais Nicolas Sarkozy, en France, n'avait rien à dire. Son site affichait, grandeur quasi-nature, toutes les photos, toutes les images, de Sa Grandeur en Libye.
Ami sarkozyste, et toi ?


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