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L’abus de publicité nuit gravement à la santé

Publié le 17 septembre 2011 par Legraoully @LeGraoullyOff
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L’abus de publicité nuit gravement à la santé

Amie lectrice, ami lecteur, si ton corps est encore vierge de toute substance prohibée, si tu n’as jamais mis que tes doigts dans ton nez, si la dernière aiguille que tu as vue remonte à ton vaccin contre la varicelle à l’école primaire, et si tu ne fumes à ton corps défendant que les gaz d’échappement, passe ton chemin et ne lis pas ces lignes. Et si les clochards célestes en route pour les paradis artificiels n’ont jamais partagé leur festin nu avec toi, et que la molle quiétude de ton canapé t’incite à aller aux toilettes pendant un film pour ne pas rater la publicité, c’est que tu ne lis pas Le Graoully Déchaîné et que je me fatigue le neurone à écriture pour rien, si ce n’est pour dénoncer l’incommensurable inutilité de ladite publicité.

Les agences de publicité furent longtemps à la consommation de poudre blanche ce que KFC est à la consommation de poulet torturé aux hormones: un temple. Comme charité bien ordonnée commence par soi-même, il fleurit actuellement sur nos écrans une campagne de l’INPES (Institut National pour la Prévention et l’Education Santé)visant à dénoncer les dangers de la drogue sur notre belle jeunesse. Ces petits spots mettent en scène des dealers de plusieurs variétés de drogue qui se mettent subitement à dire la vérité, du moins celle de l’INPES, sur les effets et la composition de leur marchandise. Dans un environnement toujours sordide, du genre entrepôt désaffecté ou toilettes de boîte de nuit moldave, ils arborent tous un faciès patibulaire et un accoutrement désordonné au réalisme digne d’une sitcom qui laissent à penser qu’il n’y a jamais eu de dealer dans les beaux quartiers, ce qui est bien méconnaître les ouvrages de Frédéric Beigbeder ou de Brett Easton Ellis, mais venant d’une agence gouvernementale, être toxicomane et pauvre doit relever du pléonasme. D’autre part, les différents clips mettent toutes les substances incriminées sur un pied d’égalité, comme si fumer un joint avait les mêmes conséquences que de s’injecter de l’héroïne en intraveineuse. On peut gloser à l’infini sur ces petits films plein de moraline qui sont aussi dissuasifs pour un addict potentiel que la mention « fumer tue » sur les paquets de cigarettes (il paraît aussi que ça nuit à la stérilité, ça tombe bien quand on n’aime pas les enfants) et aussi instructifs qu’un reportage du 13 heures de TF1 sur le dernier fabricant de coiffe alsacienne en plume de cigogne vernie,  et dont le timing n’est pas très heureux après que l’extrême-droite s’est emparée du décès d’Amy Winehouse pour promouvoir sa vision de l’ordre moral qui n’est pas très éloignée de celle de l’UMP.

On pourrait aussi passer du temps à critiquer la politique des stupéfiants d’un autre âge qui sévit toujours en France, qui n’interdit pas les réclames pour les sites de jeux d’argent en ligne pourtant récemment reconnus comme source d’addiction (il faut préciser que la plupart de ces compagnies appartiennent à M. Stéphane Courbit, grand ami de Sarkozy). Mais tout le comique des spots de l’INPES réside dans le slogan: « imaginez si les dealers disaient la vérité ». Après avoir applaudi cet effort de transparence sur la composition des narcotiques, étendons la proposition: « imaginez si les publicitaires disaient la vérité ». Imaginons M. Servier dans un petit laboratoire aux murs tapissés de billets de banque et de certificats de décès des victimes du Médiator nous sermonner sur le danger de sa pilule coupe-faim. Imaginons les fabricants de sandwichs de toute espèce nous révéler dans quelles conditions sont élévés puis abattus les animaux entrant dans la composition de leurs produits, et nous mettre en garde contre les pesticides qui polluent l’environnement. Imaginons les directeurs d’EDF et d’Areva nous encourager à creuser des abris anti-atomique pour nous prémunir du péril encouru si l’une de nos cocottes-minute radioactive fuyait plus que de coutume, ou les patrons de chaînes de télévisions nous encourager à lire pour ne pas rendre nos cerveaux trop disponibles. Et si AXE avouait à ses clients qu’ils sont des gros beaufs dans un état de misère sexuelle avancé, que les femmes ne sont pas du gibier qu’on appâte avec du butane et de l’hydropropane parfumés? Et si les publicitaires arrêtaient de se prendre pour des artistes et avouaient qu’ils ne sont que des arrivistes et que le peu d’entre eux qui ont du talent le laissent s’évaporer dans ce vaste mouvement de prostitution à l’ordre établi? On cogne en ce moment avec allégresse sur les spéculateurs et les banques, dont les réclames ne sont pas les moins débiles, mais l’argent de la pub représente aussi un gigantesque pactole qui serait plus à sa place dans l’escarcelle des vrais créateurs, plutôt que dans le portefeuille d’un Zidane ou d’un comédien qui fait un caméo pour payer ses impôts.

Dans un prochain épisode, nous mâcherons des psylocibes, champignons basidyomicètes de la famille des strophariacées, en espérant que leurs effets psychotropes ouvriront suffisamment les portes de notre perception pour nous faire comprendre comment sont faites les publicités pour les voitures.


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